«On est affamés»

Ouvert depuis quelques mois seulement, l’atelier-galerie Going Blind frappe vite et fort. À l’occasion de sa nouvelle exposition dédiée au remarquable David Poumon, rencontre avec Riton & Frigo, créateurs du lieu. Propos recueillis par Damien Grimbert

À quelle forme d’art est dédiée votre galerie ?Frigo : Ce qui nous intéresse le plus, c’est les gens issus de la micro-édition, du graphzine. Des gens qui vont éditer des livres avec des moyens qu’ils se sont donné eux : photocopieuse, ateliers de sérigraphie artisanaux, levée des fonds via un concert pour faire un truc à l’imprimerie… C’est des gens qui se sont donnés eux-mêmes le statut d’éditeur, qui se prennent en main. C’est complètement Do It Yourself.Riton : C’est un dessin qui est vraiment issu de la contre-culture et de la société de consommation, c’est plus directement influencé par des images quotidiennes, des boîtes de céréales, que de "réelles" œuvres d’art comme on peut voir dans les musées.F : Il y a pas mal cet effet de modelage de l’art via les techniques, le matériel et les outils de communication que tu vas utiliser. Ils vont forger le discours et le style graphique que tu vas avoir. Faire avec les moyens du bord, c’est aussi évoluer dans un cadre que tu construis toi, qui est restreint, parce que tu n’as pas des moyens illimités, et du coup, qu’est-ce que tu fais ? Tu mets plein de couches, tu laisses baver, c’est pas uniquement la volonté d’être crade, c’est l’atmosphère dans laquelle tu travailles qui fait que les choses sont plutôt trash…R : Dans l’art "officiel", ce qui se rapproche le plus de ce qu’on fait, ça va être l’art brut, avec des artistes névrosés qui ne se prennent pas la tête à se référencer par rapport à d’autres personnes, qui font juste ce qu’ils aiment et ce qui les obsède…F : Il y a vraiment un parallèle avec la culture punk, cette espèce de sursaut adolescent… Bosser dans l’urgence, ne pas perdre de temps, juste faire les choses, sans réfléchir trop longtemps parce qu’on n’est pas des intellectuels, on est des illustrateurs qui veulent faire avancer leur truc. On n’a pas de moyens mis à notre disposition donc on se les donne, et on fait avancer le truc hyper vite, on accumule des expositions le plus rapidement possible, on est affamés.Vous exposez actuellement David Poumon ?F : C’est un mec qui bosse dans les mêmes conditions d’urgence : il fait de la récup, vit en banlieue parisienne, a un boulot alimentaire à la con, et a côté, il fait de la sérigraphie dans sa chambre sur un truc minuscule entouré de bouquins, dans des conditions à deux doigts de l’insupportable. Il gère la Commissure, un label graphique qui sort des bouquins, et fait plein de pochettes de disques de musique expérimentale. Comme il est pas du tout dans un délire d’ego, il change de pseudo à chaque nouveau projet, ce qui le rend hyper difficilement traçable, même si graphiquement les gens le reconnaissent.Ses œuvres sont vraiment intenses…F : C’est chargé, dans la surenchère, hyper–organique, avec énormément de textures, de personnages, des scènes proches de la partouze… Des amas… Presque des charniers en fait. Ces persos sont mis à l’épreuve dans des situations de violence, de torture, de domination… Il noie le regard, ça fait mal à la tête. C’est quelqu’un qui est vraiment gentil, incroyablement doux, avec une vraie éducation graphique, mais aussi une grosse sensibilité humaniste… Son travail est hyper fragile.En complément de l’exposition, vous éditez également un poster sérigraphié, et Hard Discunt, une bande dessinée de sa création…F : C’est l’histoire d’une caissière dans un supermarché et d’un inspecteur du travail, c’est une œuvre sensible, cynique, moderne… C’est un truc qu’on va essayer de faire régulièrement : accompagner chaque expo avec un poster au minimum, et un bouquin quand on peut.Pourquoi enchaîner les expositions aussi vite ?Les expos durent 3 semaines, avec une semaine de battement pour monter la suivante, donc effectivement, ça va hyper vite. C’est lié au fait qu’il y a plein de gens qu’on veut montrer, et encore une fois, à cette notion d'urgence : On a ce lieu, mais pour combien de temps, on n’en sait rien, donc on n’a pas de temps à perdre.Le mot de la fin ?On est ouvert à toutes les rencontres. Il ne faut pas que les gens aient peur, on n’est pas en mode hardcore à cracher sur tout le monde, on est en mode « venez nous poser des questions ça nous fait tellement plaisir ! ».David Poumon, jusqu’au 6 février 2010 à Going Blind, 9 ancienne route de Lyon. Visite sur rendez-vous : deveniraveugle@gmail.comHard Discunt, de David Poumon (éditions Cotoreich), 10 € (15 € avec poster sérigraphié), disponible sur placePlus d’infos sur David Poumon : http://lacommissure.free.fr/

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