Au pays des humains

Le Musée de Grenoble offre au sculpteur allemand Stephan Balkenhol sa première exposition de cette importance en France. L’occasion pour nous d’évoquer avec lui son travail, essentiellement composé de statues de bois : portraits d’humains ou d’animaux. Propos recueillis par Laetitia Giry

Petit Bulletin : Réinvestir le figuratif dans les années 80 – avec vos portraits – a dû constituer une épreuve ? Votre travail rejoint en cela celui d’Alex Katz, que pensez-vous de ce rapprochement possible ?
Stephan Balkenhol : J’aime certains tableaux d’Alex Katz, c’est sûr qu’il y a quelques affinités. Mais je crois que mes œuvres sont peut-être plus européennes. Lui est américain, on n’a pas hérité de la même culture. Vous en parliez dans un entretien donné en 1993, qu’en est-il aujourd’hui de l’interaction de vos sculptures avec leurs socles ?
Le socle n’a pas fonction de donner plus de valeur à la sculpture, mais de la présenter de façon évidente. Pour une question de hauteur déjà, quand la sculpture est en taille réelle par rapport à l’homme. Certains sont dans le bois de la sculpture, je les laisse donc comme cela, sans plus de travail ; d’autres, plus petits, sont sculptés par un menuisier, mais sans souci de design. Vous avez répondu à plusieurs commandes pour des œuvres à placer dans l’espace public. C’est une notion importante pour vous ?Oui, c’est un autre rapport à l’œuvre. Il y a un langage entre la sculpture et le lieu. Et des gens les croisent tout en n’étant pas forcément amateurs d’art, c’est important.Les différences d’échelle entre vos œuvres sont pour le moins remarquables, comment choisissez-vous de les réduire ou agrandir ?
Mes choix dépendent souvent du lieu où la sculpture sera exposée. Pour mon exposition dans une galerie à Zurich, j’ai fait une très grande tête qui se retrouve dans une toute petite pièce, ainsi la perception change suivant l’endroit où l’on se trouve. Les petites sculptures sont quant à elles monumentales d’une autre manière : quand elles sont exposées dans une grande salle, l’espace autour permet de projeter et imaginer. L’œil du spectateur est attiré par une petite sculpture au milieu du vide.Fantaisie, humour, légèreté… permettant de réfléchir à la nature humaine, un sujet plus profond. Que pensez-vous des qualificatifs souvent associés à votre œuvre ?
Je n’ai rien contre. Si je vois un sourire sur le visage de quelqu’un qui regarde mon œuvre, ce n’est pas pour moi péjoratif. Je pense que cela peut faire plaisir de regarder des œuvres d’art. Certains critiques pensent que l’art doit faire mal, ce n’est pas mon cas.La thématique de la mort s’immisce tard dans votre travail, est-ce que ce dernier devient plus tragique avec le temps ?
Je ne pense pas qu’il soit question de tragédie. Je crois que la mort fait naturellement partie de la vie. On est chacun un peu angoissé de devoir partir à un moment donné, mais c’est une question existentielle, plus ou moins philosophique, que chacun se pose. C’est comme l’amour ou la naissance d’un bébé : quelque chose de fondamental.Concernant votre immense Icare de bronze… c’est un Icare à terre, un Icare déchu… Est-il judicieux de lui attribuer un rayonnement particulier une fois mis en lien avec l’œuvre que vous élaborez depuis vos débuts ? Symbolise-t-il une espèce humaine subissant les conséquences de son avidité ?
Ce qui m’a intéressé, c’est de tenter de faire l’impossible. Il y a quelque chose d’ambigu dans le fait d’essayer quelque chose qui, on le sait d’avance, ne fonctionnera pas. Si l’on n’essayait pas de faire ce que l’on n’a jamais fait avant, les progrès – qu’ils soient économiques ou culturels – n’existeraient pas.En 1993, vous disiez que si votre préoccupation centrale – la figure humaine – était une problématique classique, vous ne pouviez pas pour autant parler de mythe ou d’histoire. Qu’en est-il avec le recul et au vu de vos œuvres créées depuis, cet Icare n’est-il pas un pas vers l’appropriation des mythes et une narration plus assumée ?
Il y a toujours eu les deux pôles dans mon travail : d’un côté le désir de ne pas raconter des histoires, de proposer une œuvre assez ouverte à toute interprétation, et de l’autre une signification parfois sociale. Je ne veux pas faire des métaphores de quelque chose que l’on connaît, mais plutôt créer une nouvelle réalité.

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