Vendredi 10 janvier 2014 L’exposition Sigmar Polke, au Musée de Grenoble, finira de la meilleure des façons avec la célébration des 20 ans du bâtiment à la fin du mois de janvier. Pour (...)
Comme Alice, Sigmar Polke a effectué au cours de son existence un certain nombre de « traversées » qui ne sont peut-être pas sans rapport avec sa peinture en couches successives, en transparences, en palimpsestes... Né en 1941 en Silésie, Polke et sa famille passent le "rideau de fer" en faisant semblant de dormir dans un métro berlinois... Le jeune artiste apprend ensuite la peinture sur verre (traversée de lumière) avant de rejoindre l'Académie des beaux-arts de Düsseldorf où officie Josef Beuys et où plane l'esprit de la mouvance Fluxus. Transgressant l'interdiction de peindre imposée par Beuys, Polke s'adonne aussi à quelque performances et happening dans l'air du temps. Il se lie avec Gerhard Richter et crée avec le mouvement du « Réalisme capitaliste » (de 1963 à 1968) en clin d'œil au « réalisme socialiste » et en réaction, vive, contre les vicissitudes de la société de consommation.
La violence critique de Polke est précoce et s'étend à l'art et à la peinture eux-mêmes ! Et ce du minimalisme américain en remontant jusqu'au cubisme, Polke affirmant que « les Français ont été pourris par Braque, complètement contaminés par les guitares et ils continuent à se laisser bercer par les natures mortes ». Il lui faudra donc faire violence à son médium, l'empoisonner d'arsenic mélangé aux pigments, lui faire rendre gorge jusqu'à la trame ou au châssis... Bref rendre l'art corrosif et à nouveau dangereux, comme il le fut pour ses illustres prédécesseurs Léonard de Vinci, Dürer ou Goya !
Dans les années 1970 enfin, Polke traverse tout à la fois le monde (Pakistan, Afghanistan, Brésil, Australie et Nouvelle-Guinée où il découvre avec admirations les arts aborigènes), le "Flower Power" et toutes sortes de chemins hallucinés en suivant les petits cailloux du LSD ou autres substances... Quand il rentre à Cologne au début des années 1980, il lui reste encore une trentaine d'années pour réinventer la peinture, la traverser.
Jean-Emmanuel Denave
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