Grenoble : le campus est-il de gauche ?

Numéro étudiant / Ce serait une évidence : si Lyon III ou Strasbourg sont des facs de droite, celle de Grenoble est colorée à gauche, pour diverses raisons (historiques, politiques…). Mythe ou réalité ? On a pris nos petites jambes, et on est montés sur le campus pour vérifier s’il était rouge, rose ou simplement gris.

Mercredi 29 septembre. Le campus grenoblois s’offre à nous. Ou plutôt ses étudiants, que l’on s’empresse d’alpaguer. « Votre fac vous semble-t-elle colorée politiquement ? » Après quelques réponses interloquées (« il nous veut quoi, lui ? »), on rencontre deux étudiantes en histoire qui nous livrent le discours que l’on attendait. « Bien sûr, le campus grenoblois est à gauche. Ça s’est vu au moment des grèves étudiantes, extrêmement suivies à Grenoble, plus que dans les autres facs je pense. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir les syndicats étudiants : ils sont quasiment tous à gauche. »

Vérifications faites, on se rend compte en effet d’une prédominance locale des syndicats de gauche, et notamment de l’Unef, mastodonte national extrêmement bien implanté à Grenoble (ils revendiquent 700 adhérents). Gilles, secrétaire général adjoint de l’Unef Grenoble, justifie cet état de fait par une évidence : « Les étudiants, à mon avis, ont un problème quand ils sont de droite, ils n’ont pas compris quelque chose ! Être de gauche, c’est intrinsèque au milieu étudiant, on le voit à travers l’ensemble des campus : lors des élections universitaires, c’est toujours la gauche qui est plébiscitée. Jamais, dans l’histoire des universités, la droite n’a été plus importante que la gauche. »

D’où la quasi absence de syndicats de droite sur le campus grenoblois ? « Les étudiants de droite vont avoir plus de mal à défendre leur position, parce qu’à mon sens, c’est contraire à la réalité de ce qu’ils vivent au quotidien. L’idée d’ascenseur social, que l’on peut s’en sortir par quelque chose qui est organisé collectivement, est un thème ancré à gauche. Après, peut-être que dans les grandes écoles et les écoles privées, on va trouver plus naturellement une population qui sera de droite. »

Nouvelles manières ?

Pour savoir si c’est vraiment impossible d’être de droite sur le campus grenoblois, on part à la rencontre de quelqu’un de l’Uni, le syndicat de la droite universitaire. Surprise, l’Uni n’existe plus, ayant cédé la place au M-ét, le Mouvement des étudiants : une « nouvelle structure indépendante de tout parti et de tout gouvernement » nous explique leur site internet. Un changement pour essayer de se refaire une virginité en période clairement anti-sarkozyste, avec notamment une appellation plus neutre ?

Jorge et Jeremy nous répondent : « On voit que les mouvements clairement à gauche, avec une radicalisation – l’Unef, la FSE, la CNT… – n’arrivent plus à mobiliser les étudiants. Ce n’était donc pas l’envie de recommencer à zéro en s’offrant un nouveau visage, car quand on est revenus il y a quatre ans avec les blocages, l’Uni n’existait plus à Grenoble ; mais l’envie de faire autrement. Cette idée que le Bureau national lance des campagnes qui descendent vers les étudiants, ça ne passe plus aujourd’hui. On a justement voulu renverser cette tendance en définissant nous-mêmes nos problématiques en fonction des étudiants que nous avons en face de nous. »

Cette opposition avec une façon jugée ancienne de faire du militantisme étudiant est le credo du M-ét, qui espère ainsi détrôner l’Unef. Mais avec un discours de droite (bon courage les gars !) et, quoi qu’ils en disent, un fonctionnement tout de même très partisan (l’air de ne pas y toucher, ils ont tapé sur l’Unef plus d’une fois lors de l’interview).

Nouveaux engagements ?

Or, aux dires de pas mal de jeunes rencontrés, les étudiants seraient à gauche, mais ne le manifesteraient plus de la même manière qu’auparavant. « Il n’y a pas plus de politisation aujourd’hui qu’il n’y en avait avant – je pense même qu’il y en a plutôt moins. Mais se développe une autre forme d’engagement. Les structures politiques sont peut-être plus has-been que ce que peuvent être les structures associatives, qui permettent un engagement qui est très important et peut-être plus intéressant pour la société en général » assure Oliver Royer, directeur de l’Espace vie étudiante du campus, qui a mis en place une pépinière d’associations assez conséquente. Avec des thèmes estampillés à gauche : « On se retrouve clairement dans cette famille de l’économie sociale et solidaire – un mouvement de gauche –, mais on ne fait pas de politique. »

Et si l’on assistait là à une nouvelle forme d’engagement ? Ce que nous ont confirmé beaucoup d’étudiants rencontrés, comme Arnaud, tout juste arrivé à Grenoble pour sa première année universitaire : « Comme pas mal d’étudiants, je suis très proche des idées de gauche, sans pour autant avoir envie de m’enfermer dans une crémerie. Le développement durable, l’écologie, sont des thématiques qui me parlent. Et je pense que le milieu associatif peut faire bouger les choses. »

Plus qu’un repère de gauchos, le campus grenoblois semble donc simplement refléter un changement d’état d’esprit au niveau national (7 à 8% des salariés en France sont syndiqués – deux fois moins qu’il y a vingt-cinq ans ; et les syndicats étudiants subissent la concurrence de plus en plus forte des corpos et autre BDE, censés être apolitiques). Reste à savoir si, à force de vouloir bannir toute connotation strictement politique, on ne risque pas de ne plus avoir de vision d’ensemble, mais de simples regards morcelés. L’avenir nous le dira.

Encadré: l'avis du pro sur la question!

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