Un anniversaire en dents de scie

Un carton

Spacejunk

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

En octobre 2003 ouvrait à Grenoble Spacejunk, centre d’expression pour « les plasticiens des cultures émergentes (lowbrow, board culture, pop surréalisme, street art...) ». Dix ans plus tard, le fondateur Jérôme Catz l’assure : l’avenir du lieu est menacé. On fait le point avec lui. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Des espaces d’exposition, il y en a de nombreux à Grenoble. Mais celui du 15 rue Génissieu est atypique, puisque centré sur une frange des arts plastiques souvent peu prise en considération. Ce qu’explique cash Jérôme Catz, le directeur des lieux, après dix minutes d’interview : « Aujourd’hui, dans le milieu des arts plastiques, si tu ne dis pas que tu fais de l’art contemporain, personne ne va te regarder. La culture en France est faite par des gens qui ont 60 balais et plus, et à qui on a vendu art contemporain depuis 35 ans. » Le ton est calme, les mots sont choisis (Jérôme Catz a relu et validé ses propos), la réflexion menée de longue date.

Flash-back : c’était en 2003, et l'ancien snowboarder ouvrait alors à Grenoble Spacejunk, un centre d’art dédié notamment à la board culture et au street art. « Vu la cible à laquelle je m’adressais – les 15-25 ans –, avec le campus, le vivier grenoblois était génial. J’avais l’impression d’enfoncer une porte ouverte : je savais très bien que le public et les artistes étaient là ! » Le succès fut rapidement au rendez-vous, dépassant largement le cadre des 15-25 ans, et permettant au taulier d’ouvrir progressivement trois autres centres en France (Bourg-Saint-Maurice, Bayonne et Lyon). Mais l’empire est fragile économiquement, ce qui se fait cruellement ressentir aujourd’hui – d’où les réflexions de Jérôme Catz sur une culture à deux vitesses (il déplore qu’on laisse de côté certains arts au profit d’autres).

50/50

« On n’arrive pas à faire tourner décemment un espace comme celui-ci, qui est hyper sobre : on a un tout petit loyer de 516 euros (800 euros environ avec les charges) et un salaire d’un responsable d’espace payé un peu plus que le smic. » Du coup, un temps, il fut même envisagé de fermer le centre. « Ce n’est plus à l’ordre du jour parce que c’est mon projet et que je n’ai pas envie d’arrêter ! Pendant quatre mois, je vais bosser gratos une fois de plus [l’ancien responsable de l’espace grenoblois a dû être licencié économiquement, et c’est Jérôme Catz qui est du coup constamment sur place – ndlr]. Et aussi parce que les politiques ont été alertés : la direction des affaires culturelles de la ville a promis, avec toutes les réserves qui s’imposent, de passer notre subvention annuelle de 5 000 à 10 000 euros. On se réunit tous autour de la table – ville, département, région – mi-octobre pour faire un point commun. Donc on ne va pas fermer si tout se concrétise. Mais si d’ici la fin de l’année, on n’a pas l’assurance de pouvoir faire rentrer 30 000 euros de subvention, on coule. Après, on prend nous-mêmes en charge tout le reste : les frais annexes, faire tourner les expos... Avant, il y avait le mécénat qui s’est complètement cassé la gueule. Mais l’idée est d’arriver à un équilibre avec 50% de subventions publiques et que l’on trouve par nos propres moyens l’autre moitié. » Pour cela, Spacejunk « vend des expos en Allemagne, fait de la mise en relation d’artistes avec des marques pour la fabrication de t-shirt par exemple, édite des catalogues... ».

« Réduire la voilure »

En attendant, Jérôme Catz a opéré quelques changements. « On est obligés de réduire la voilure niveau programmation : on passe de sept expositions à cinq par an. Un mois et demi, c’est une bonne durée d’exposition, les gens ont le temps de venir. Ça nous laisse une à deux semaines entre chaque grande expo, pour d’autres choses. Par exemple, on est submergés de demandes. Du coup, on va aussi présenter des expositions qui vont être hyper ancrées localement. Je veux ainsi absolument en dédier une à un élève des beaux-arts qui est en cinquième année. On aura donc cinq expos majeures, et cinq ou six temps forts de mise à disposition d’espace. » Avec en parallèle la continuation de tout le volet pédagogique mené en lien avec les écoles.

En émettant l’hypothèse de la fermeture de Spacejunk, Jérôme Catz a réussi à alerter les pouvoirs publics et le grand public sur la fragilité d’une aventure comme la sienne. Tout en réaffirmant implicitement la pertinence de son projet.

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