« Valoriser le territoire aux yeux des habitants »

Revoilà le festival "Mistral, courant d’airs", qui repointe le bout de son nez après deux ans d’absence. Rencontre avec Brahim Rajab, directeur du Prunier sauvage, la salle qui porte dorénavant la manifestation, pour causer de culture, du quartier Mistral, et des deux mélangés. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Pourquoi "Mistral, courant d’airs" est relancé aujourd’hui pour une dixième édition, après deux ans d’interruption ?

Brahim Rajab : La dernière édition avait eu lieu en 2011. On reprend aujourd’hui, en 2014, quelque temps après la fin des travaux [le Prunier sauvage, anciennement Espace Bachelard, a été inauguré à la rentrée 2011 – ndlr]. Car la réouverture nous a beaucoup mobilisés. Puis la question financière a aussi joué : c’était un projet onéreux, il a fallu retrouver des financements... Mais surtout, on ne trouvait plus de sens au projet tel qu’il était fait avant : un grand événement où les gens venaient seulement consommer un spectacle puis repartaient. On a voulu mieux penser la manifestation en faisant plus d’efforts sur l’aspect médiation et en allant encore plus sur le quartier, au centre de l’espace urbain. On a mis en place de nombreux ateliers en amont, en incluant de manière forte les associations du quartier, le collège...

Mais Mistral, courant d’airs s’adresse à tout le monde, même à ceux qui, comme vous le dites, veulent juste « consommer » un spectacle ?

Bien sûr. Les gens sont vraiment invités à venir dans le quartier. Symboliquement, c’est fort. Avant, on était sur le stade Bachelard, aux abords du quartier : un endroit très fréquenté des Grenoblois. Là, on va véritablement rentrer dans le quartier, en invitant évidemment tout le monde. On espère un public très large...

Vous portez ce projet en tant que directeur du Prunier sauvage. L’idée est-elle de familiariser les habitants avec ce lieu assez nouveau (moins de trois ans) ?

Pas forcément. Aujourd’hui, il est bien identifié par les gens du quartier et du secteur. Il s’agit plutôt de leur faire découvrir un domaine artistique. Il y a beaucoup d’habitants qui n’ont jamais vu de danse contemporaine [le thème de cette édition – ndlr], ce sont des pratiques artistiques éloignées des leurs. La découverte est donc plutôt dans ce sens-là. Et c’est aussi valoriser le territoire aux yeux des habitants. Car le quartier peut aussi être perçu de manière très négative par ceux qui y habitent. Pendant longtemps, l’art et la culture ont été considérés comme des gadgets sur ces territoires. Mais nous, on a toujours été persuadés que l’art pouvait permettre de les ouvrir, de créer des échanges... On ne veut pas simplement que ces territoires soient assignés à une condition sociale.

Doit-on proposer une culture différente selon que l’on soit dans un quartier comme Mistral ou, par exemple, en centre-ville ?

On reste attachés à une certaine exigence. Donc un événement qui a lieu en centre-ville peut aussi avoir lieu à Mistral. On ne répond pas à une demande des habitants, on essaie aussi d’être force de proposition. On estime que culture de proximité sur ces territoires n’est pas antinomique avec recherche de qualité... Quand on propose quelque chose de qualité, le public répond présent, peu importe si c’est à Mistral ou ailleurs. Le gros souci par contre, c’est l’accessibilité du lieu niveau moyens de transport. On reste quand même sur un territoire assez enclavé – on attend d’ailleurs avec impatience l’arrivée du nouveau tram qui ne sera pas très loin de nous.

En 2011, à l’ouverture du Prunier sauvage, vous expliquiez le projet dans nos colonnes, en espérant qu’il ne transforme pas en « coquille vide » faute de moyens... Ça n’a pas été le cas ?

Absolument ! Avec trois salariés et une stagiaire, on a fait énormément de choses cette année, on est vraiment sur les rotules ! On a mis en place des actions de qualité envers les habitants et une programmation artistique avec plus d’une trentaine de spectacles. Je suis très fier de ce qu’il se fait au Prunier sauvage, avec les moyens que l’on a, et de l’intérêt que suscite le lieu.

Un lieu à la ligne éditoriale assez fourre-tout, puisque l’on peut voir de tout  au Prunier sauvage !

C’est quelque chose qu’on nous a souvent dit, et c’est totalement assumé ! C’est un lieu de vie culturel, on ne veut absolument pas avoir d’étiquette. Je sais que c’est compliqué, mais on ne veut pas être juste une salle de concert, juste une salle jeune public ou juste une MJC. On est un lieu de vie culturel et artistique qui brasse et surprend, pour que différents publics se rencontrent. Donc oui, on assume ce fourre-tout !

Mistral, courant d’airs, samedi 14 juin de 13h50 à 23h30, quartier Paul Mistral (Grenoble). Programme en pages agenda

 

 

C’est au programme

Le concept de cette nouvelle édition du festival : « la danse s’empare de la rue ». Comprendre que l’on en verra partout, dans tout le quartier, sur toute la journée du samedi 14 juin. Avec des propositions atypiques comme celle de la cie P2BYM où les danseurs se mêlent aux passants sur un passage piéton ou un bout de trottoir, ou encore un flash mob monté par la cie Jean-Claude Gallotta ! On découvrira aussi le Vagabond crew et sa danse hip-hop solidement maîtrisée, ou encore la cie De Fakto avec une relecture urbaine et séduisante du Petit Bal Perdu de Bourvil. La journée gratuite se terminera par un concert payant de flamenco traditionnel, au Prunier sauvage, centre névralgique des opérations.

 

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