Antonio Placer : « Célébrer les racines d'ailleurs des gens d'ici »

Ce week-end, c’est l’ouverture officielle du Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d'en-Bas. Nouveau ? Oui, comme le musicien espagnol Antonio Placer remplace le metteur en scène Diden Berramdane à la tête de cet équipement municipal grenoblois situé rue Très-Cloîtres, au cœur d’une ancienne chapelle. Quel est son projet ? On lui a demandé directement. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Ce week-end, vous présentez donc officiellement au public votre projet pour le Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas…

Antonio Placer : Oui. C'est l'ouverture officielle du théâtre avec Chansons indignées, une création que j'ai faite avec la chanteuse grecque Angélique Ionatos. Le spectacle met à l'honneur le Sud, ce qui correspond à l'histoire du quartier, à la multiplicité de ses origines comme celles de la Ville et du Dauphiné.

Plus globalement, avec le projet pour le théâtre baptisé « L’île de la pensée », je veux célébrer les racines d'ailleurs des gens d'ici. Quand j’ai quitté la Galice pour Grenoble en 1978, à la base pour faire un doctorat d’économie, j'ai passé beaucoup de temps au Musée dauphinois où je me suis rendu compte de la diversité de ceux qui ont composé et composent aujourd'hui la région. Mon projet culturel, dans une période de montée des intégrismes, va prendre en compte cette réalité.

Étant musicien, on imagine que votre programmation sera fortement axée sur la musique, mais pas que…

Sur l’oralité plutôt. C'est évident que l'on va toucher à tous les arts, mais la voix sera importante : la voix chantée, la voix dite au niveau poétique, la voix dansée – l'oralité d'un corps, pour moi, est très importante, c'est la racine du théâtre grec. Et ce sera un lieu de création : on va inviter des tas d'artistes qui viennent d'ailleurs pour qu’ils créent ici.

C’est la précédente municipalité qui avait lancé un appel à projets pour changer la direction de cet emblématique théâtre grenoblois. Pourquoi aviez-vous postulé ?

Dans la quarantaine de pays où je travaille de par le monde, j'ai expérimenté un tas de choses. Je suis un passionné de la création, de la culture. J’aime inventer, et aussi transmettre à tout type de public – et surtout aux jeunes gens. Face à la pensée unique véhiculée surtout par la télévision et les pouvoirs publics, il faut apporter d'autres sons de cloches. La culture apporte des outils pour que chacun trouve ses réponses multiples, comme un arc-en-ciel qui a plein de couleurs.

Du coup, c'était fondamental pour moi, notamment depuis que ma fille est née ici, de trouver un espace dans lequel je puisse offrir à mes concitoyens et à un quartier qui m'est cher toute cette expérience emmagasinée depuis plus de 25 ans. Le théâtre en lui-même m'est cher d'ailleurs : quand je suis arrivé en France, c'est la première salle dans laquelle j'ai chanté !

De nos jours, c’est plutôt rare qu’un artiste dirige un théâtre ; c’est plutôt rare aussi qu’un artiste-directeur soit musicien ; et c’est plutôt rare enfin aussi que cet artiste-directeur soit étranger…

Oui, mais rapport à la spécificité du projet, ça prend tout son sens. Le fait d'être venu d'ailleurs notamment. Quant au fait que je sois musicien, c’est vrai que c'est rare, car quand les artistes sont nommés directeur – et c’est bien que des artistes le soient, ça donne un autre regard –, ce sont souvent des danseurs ou des théâtreux.

Le théâtre est municipal, c’est-à-dire que la Ville de Grenoble possède les murs. Quels sont vos liens avec la municipalité actuelle, qui n’est pas celle qui vous a nommé ?

Le travail de collaboration avec la Ville est fondamental, comme le théâtre appartient aux citoyens et que la Ville et ses représentants, qui sont nos partenaires, appartiennent eux aussi aux citoyens. Pour le moment, on travaille bien et on avance.

La Ville redessine aujourd’hui le paysage théâtral local, en essayant de constituer un pôle autour du Théâtre municipal intégrant le Théâtre 145 et le Théâtre de poche, situés au bout du cours Berriat. Êtes-vous concerné ?

Ce projet, avec notamment la fin de l’aventure Tricycle [le collectif d’artistes qui gérait le Théâtre 145 et le Théâtre de poche depuis 2011 – NDLR], je ne le comprends pas bien encore. On dirait que ces lieux vont devenir des garages. J'écouterai donc ce que l'on a à me dire, et je répondrai ensuite. Mais la priorité, pour moi, c'est le théâtre et le quartier.

Chansons indignées, vendredi 22 et samedi 23 janvier à 20h30, au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas

Inauguration officielle, dimanche 24 janvier à 11h

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Actus...

Mardi 17 octobre 2023 L'édito du Petit Bulletin n°1221 du 18 octobre 2023.
Lundi 24 avril 2023 Le secteur culturel grenoblois s’empare, depuis peu mais à bras-le-corps, du sujet épineux de la transition écologique. Mobilité des publics, avion ou pas avion pour les tournées des artistes, viande ou pas viande au catering, bières locales ou pas...
Vendredi 22 avril 2022 Récemment enrichi de trois nouvelles sorties, le label grenoblois Stochastic Releases accueille depuis quinze ans divers projets musicaux pointus aux esthétiques musicales radicalement différentes, que seule réunit la sensibilité artistique de son...
Vendredi 22 avril 2022 Installées sur le glacis du fort de la Bastille, face à Belledonne, quatre petites cabanes conçues par des étudiants en architecture doivent permettre au public néophyte d’expérimenter le bivouac en montagne. Du 2 mai au 2 octobre, des gardiens se...
Vendredi 15 avril 2022 Les gentils rappeurs toulousains sont les têtes d’affiche du prochain Vercors Music Festival, qui se tiendra du 1er au 3 juillet. Pas seulement, parce qu’ils ont carrément composé eux-mêmes une partie de la programmation (encore inconnue). Sinon, on...
Lundi 9 mai 2022 Les équipes d'ARC-Nucléart, le laboratoire grenoblois qui met le rayonnement gamma au service du patrimoine, nous ont ouvert leurs portes pour une délicieuse immersion scientifique au sein de ce lieu expérimental grenoblois, unique en France, qui...
Mardi 12 avril 2022 Les personnes sont les mêmes, mais les statuts changent. Au lieu d’être exploitée en délégation de service public par l’association MixLab, la Belle Électrique sera gérée par une SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), Musiques Actuelles...
Mardi 29 mars 2022 Il faut souvent chercher loin pour trouver les propositions ou les déclarations des candidats à l'élection présidentielle sur la culture (et parfois, sans résultat). Tour d’horizon, à quelques jours du scrutin, des mesures promises par chacun des...
Lundi 28 mars 2022 Josiane Gouvernayre, octogénaire iséroise, était reçue à bras ouverts mardi 22 mars au musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, à qui elle a fait don d’une série d’objets personnels datant de la Seconde Guerre mondiale.
Mardi 29 mars 2022 Avouons qu’il aura été vite plié, ce petit dossier sur les propositions des candidats à (...)
Lundi 14 mars 2022 C’est inédit, une aire de bivouac ouvre bientôt sur l’esplanade au-dessus du fort de la Bastille. Ce projet expérimental est un maillon important du programme concrétisant la distinction Grenoble Capitale Verte de l’Europe 2022. Le site le plus...
Vendredi 18 mars 2022 « S’il vous plaît, parlez de nous. » C’est par ces mots que le Ballet de Saint-Pétersbourg, conclut son mail. En tournée en France jusqu’en avril, (...)
Lundi 14 mars 2022 [MàJ 18/03 : l'événement est reporté à une date non encore précisée] Plateau inhabituel à l’Ampérage, dimanche 20 mars. Jocelyne, Maryse, Odile, Anne, Zohra, Pascale et Michèle forment les "mamies guitares", le temps d’un unique concert.

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X