Jours d'Ouverture sur le cours Berriat

Actu dans la ville / Art dans la ville / Depuis plusieurs années, les commerces ont du mal à survivre sur une petite moitié ouest du cours Berriat, devenue un simple lieu de passage. Devant ce constat, la compagnie Scalène organise "Ouverture Exceptionnelle", un festival artistique pluridisciplinaire qui investit certaines boutiques inoccupées et anime le quartier durant neuf jours.

Arpenter le cours Berriat dans son intégralité – depuis le boulevard Gambetta, amorce du centre-ville, jusqu’au pont bleu qui enjambe l’autoroute et le Drac à l’entrée de Fontaine – n’est pas une expérience anodine. Puisqu’il s’en passe des choses le long de ce kilomètre et demi où différentes ambiances se succèdent. La première partie est certainement la moins agitée depuis qu’une bien-nommée autoroute à vélo y est installée. Les voitures se font plus rares mais les commerces nombreux et relativement bien portants, bénéficiant sans doute de la proximité avec le centre. On y trouve une pizzeria d’influence romaine plutôt goûtue, un fameux resto vietnamien qui ne paye pas de mine, des agences immobilières, des banques étrangères et bien sûr le centre commercial K’store. Au-delà du cours Jean-Jaurès, c’est déjà une autre atmosphère : nous voilà au cœur de Berriat, dans les quartiers Estacade et Saint-Bruno qui palpitent bien, surtout aux heures de marché. À chaque coin de rue, un kebab, un primeur ou un boucher. Ça papote, ça s’interpelle, se salue… et se dispute, aussi, parfois. Ça vie, en somme… Et puis, une fois la rue Abbé Grégoire dépassée, démarre l’ultime tronçon. Celui qui pose question. Outre quelques restaurants, de nombreuses boutiques vides jalonnent cette partie du cours, seulement animée par le va-et-vient du tramway et le vrombissement des voitures. Ici, on ne fait que passer.

Un ancien quartier ouvrier

Il y a quatre ans, Youtci Erdos, chorégraphe et porteuse de projets à la compagnie Scalène, fait ce triste constat : « J’ai habité sur le cours 25 ans auparavant, ce n’était pas comme ça. Historiquement, c’est au contraire un quartier très vivant où on allait travailler. » En effet, le cours se situe tout près de l’ancien site industriel Bouchayer-Viallet et accueille surtout l’usine ARaymond, le célèbre fabricant français de bouton-pression. Mais la délocalisation du site de production à Saint-Égrève il y a quelques années a considérablement fragilisé la vie commerçante locale. « Ce n’est certainement pas le seul facteur », tempère Youtci Erdos qui, n’étant pas du genre à baisser les bras, a décidé de lancer un défi : et si on rouvrait ces espaces en friche le temps d’un festival artistique pluridisciplinaire ? Rapidement, la Ville et Grenoble Alpes Métropole sont emballés par le projet et l’idée suscite l’enthousiasme au sein des habitants. Après une première édition réussie l’an passé, Ouverture Exceptionnelle revient donc cette année du 9 au 17 octobre : « Sur cette partie du cours, les gens n’ont plus de sollicitations. Alors dès qu’on ouvre une boutique et qu’il se passe quelque chose à l’intérieur, ils s’arrêtent immédiatement. L’idée, c’est de se fréquenter à travers des choses nourrissantes intellectuellement, source de réjouissances ou de questionnements et de s’approprier des espaces », explique la chorégraphe.

Huit boutiques réinvesties

Au programme, un peu de tout : danse, théâtre, cinéma, musique, expos, artisanat, et même une rencontre intitulée "Quelles perspectives pour les boutiques ?" (en plein dans notre sujet). Des spectacles et animations à découvrir dans huit espaces, exceptionnellement rouverts donc : « On fait un vrai travail d’enquête pour retrouver les propriétaires. Certaines agences immobilières, notamment, ont accepté de nous donner les clés. » Et nouveauté pour cette deuxième édition : le festival investit quatre boutiques dans le centre K’Store, un lieu où on ne s’attend pas vraiment à tomber sur un dessinateur en plein vernissage ou à surprendre un chanteur au milieu d’un refrain : « Il y a énormément d’artistes dans le quartier mais la majorité des habitants ne le savent pas forcément et n’ont pas l’occasion de découvrir leur travail. Nous cherchons donc à replacer les artistes au cœur de la vie courante. Nous pensons de toute façon qu’il n’est pas judicieux de laisser des espaces vides. On peut y mettre autre chose que du commerce », estime Youtci Erdos. En plus des lieux inoccupés, certains commerces du cours participent à l’événement, comme la Frise Café, Safrani ou Les Créations d’E.té, mais aussi ARaymond qui abrite – c’est l’occasion de s’en rappeler – le musée ArHome de l’innovation industrielle. « C’est un projet agglomérant qui regroupe industries, commerces, artistes et habitants. Il y a des populations très différentes sur le cours et on manque d’opportunités de rencontre. C’est important, surtout à l’heure de la Covid où le repli sur soi pourrait être plus fréquent. »

Justement, la Covid, parlons-en. Puisque l’épidémie va bien entendu perturber l’organisation d’Ouverture Exceptionnelle dont les soirées d’ouverture et de clôture se feront en direct sur Zoom et Facebook live. Par ailleurs, il faudra réserver pour certains spectacles où la jauge ne peut pas être respectée autrement. « Même si les conditions se durcissent, il y aura quoiqu’il arrive de l’affichage sur la voie publique, des choses en ligne ou des artistes en vitrine », assure l’organisatice. Croisons les doigts pour que l’intégralité du programme – alléchant et varié – puisse avoir lieu. Quant à nous, on vous tient au courant si une nouvelle boutique sympa ou un nouveau lieu culturel ouvre ses portes sur ce fameux cours.

Ouverture Exceptionnelle. Sur le cours Berriat, du 9 au 17 octobre. www.cie-scalene.com

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