Couvre-feu : une nouvelle question d'adaptation et de survie

Crise sanitaire / L’instauration d’un couvre-feu dans toute l’agglomération grenobloise oblige une fois encore le monde culturel à affronter une situation extrêmement complexe. Un nouveau coup très dur, aux conséquences pour l’heure incalculables.

Décidément, en 2020, le verbe s’adapter se décline à tous les temps. On espérait qu’après deux mois de confinement printanier, on saurait suffisamment se protéger du coronavirus pour pouvoir revivre "normalement". Retrouver ses proches, retourner au travail, aller au restaurant, profiter sans inquiétude de tout ce que le monde culturel peut offrir, au cinéma, au théâtre, au concert… et plus puisqu’affinités.

Bien sûr, dans de nombreux cas, il a fallu conserver une distance avec les autres, porter un masque et ne pas être trop nombreux au même endroit. Ces efforts, auxquels nous avons largement consenti, n’ont pas suffi : le virus, que l’on croyait en recul, est toujours là, en force. La "deuxième vague" annoncée comme une possibilité s’est concrétisée. Nous voilà de nouveau contraints à adopter un mode de vie différent, plus austère, en rentrant chez nous avant 21 heures, pour n’en ressortir au plus tôt qu’à 6 heures le lendemain – sauf cas dérogatoire particulier.

Vingt millions de Français

Emmanuel Macron a pris cette décision pour Paris, l’Île-de-France et huit métropoles, dont celle de Grenoble. Au total, vingt millions de Français sont concernés. Stupeur dans le monde culturel : après des semaines de spectacles annulés ou reportés, il faut de nouveau revoir les programmes, modifier les horaires quand c’est possible, baisser le rideau quand ça ne l’est pas. Quid de notre fameuse "exception culturelle" ?

Aussitôt après l’annonce du président de la République, beaucoup évoqué ce concept pour réclamer que des dérogations soient mises en place, qui permettent au spectacle de continuer. Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture, a soutenu une idée : laisser aux gens le temps de rentrer chez eux et, à 21 heures, n’exiger que la fin des événements, chacun pouvant utiliser son ticket de cinéma, son billet de théâtre ou sa place de concert pour justifier sa rentrée plus tardive chez lui. Une option finalement écartée par le Premier ministre Jean Castex, resté ferme sur la ligne présidentielle.

On a alors vu fleurir, sur les réseaux sociaux, des messages venus des lieux de culture pour évoquer les conséquences de cette décision. Avec le sentiment que, tant que le couvre-feu durera, les choses pourraient évoluer au jour le jour, en fonction de la façon dont les acteurs culturels encaissent ce nouveau choc sur leur activité. « Afin de pouvoir accueillir tout en respectant le couvre-feu, l’horaire de nos prochains événements a été modifié », a sobrement écrit la Basse Cour sur sa page Facebook. Une réaction immédiate, qui ne dit rien de précis sur la suite de la saison, difficile à (re)planifier.

Continuer… ou pas ?

Une certitude à ce stade : certains préfèrent arrêter (provisoirement) pour ne pas travailler à perte. C’est le cas de la Bobine, par exemple : « C’est vraiment la mort dans l’âme que nous sommes obligés de vous annoncer que nous allons annuler/reporter la programmation prévue jusqu’à la fin de l’année. Après avoir étudié de nombreux scénarii, nous ne voyons pas comment le maintien des événements pourrait se faire avec la fermeture du bar et, a fortiori, avec un couvre-feu. » D’après l’équipe, le modèle économique de l’établissement ne le permet pas. Une terrible occasion de vérifier qu’à l’aune culturelle, tous ne sont pas logés à la même enseigne.

Heureusement pour elles, d’autres structures parviennent à résister : la MC2 a été l’une des premières à annoncer qu’elle serait en mesure d’avancer l’horaire de ses spectacles, au moins pour la période fin octobre – début novembre. Comme d’autres, l’espace Aragon de Villard-Bonnot, lui, a rappelé qu’il n’était pas directement concerné par le couvre-feu, n’étant pas situé dans la métropole de Grenoble. Pour la promotion de ses programmes cinéma, le Jeu de Paume, à Vizille, a choisi l’humour : « Nous avons observé que trop de personnes manquaient de sommeil. C’est pourquoi nous avons décidé de supprimer toutes les séances de 20h et 20h30 de notre programme en cours, à compter du 17 octobre. Sur présentation de votre carte d’abonnement, un sachet de tisane vous sera offert. »

Ailleurs, il arrive que les artistes eux-mêmes disent vouloir s’adapter à la nouvelle donne. C’est le cas à la Belle Électrique : bien chahutée par les événements, la salle a publié un communiqué d’Izia Higelin, dont le concert prévu le 19 novembre est décalé au 28, en mode assis : « J’ai décidé avec mon équipe de remonter une tournée dans le cadre imposé (…). On ne sait pas de quoi demain sera fait, il faut s’organiser au jour le jour, résister et jouer, surtout, jouer fort avec nos cœurs battant à l’unisson. »

Ce n’est évidemment pas envisageable pour tout le monde et, déjà, le débat se déplace sur le champ politique. Le cinéma Le Club parle d’une « décision économico-politique aberrante » et s’interroge sur un « régime présidentiel à bout de souffle ». Le tout en mettant en place des horaires exceptionnels. Les vacances de la Toussaint libèrent un public nombreux le matin ou l’après-midi, mais nul ne peut mesurer comment les choses pourront tenir tout le long d’un couvre-feu décrété pour au moins quatre semaines. Plus que jamais, c’est l’occasion de soutenir celles et ceux qui se battent pour continuer à exister !

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