« On n'est pas un théâtre à l'arrêt ! »

Crise du coronavirus / Depuis le 30 octobre et le deuxième confinement, les lieux culturels français sont fermés au public, sans date de réouverture annoncée pour le moment. Mais derrière les portes closes, entre lassitude et optimisme, il se passe tout de même des choses. Alors que la MC2 est occupée, quatre responsables de théâtres de la région grenobloise nous ont raconté leur activité "chez eux".

Au Grand Angle de Voiron

« Nous allons bien, du moins aussi bien que nous le pouvons. » À Voiron, si l’immense salle de 1700 places assises qu’est le Grand Angle est fermée au public depuis fin octobre, en coulisse, ça s’active toujours comme nous l’a expliqué son directeur Vincent Villenave. En dehors des murs du théâtre notamment, avec des représentations dans les écoles (vu que le gouvernement le permet), mais également directement sur le plateau disponible faute de spectacles donnés, avec des résidences de création proposées aux artistes – la compagnie de danse Arcosm, la compagnie de magie nouvelle 32 Novembre

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« Au commencement du deuxième confinement et les semaines suivantes, il y a eu un sentiment de désœuvrement, d’épuisement, avec cette insupportable politique du "stop and go" – on rouvre à telle date, non ce sera celle-ci, puis finalement on ne rouvre pas… Maintenant ça va mieux, surtout que tout ce qu’on met en place au Grand Angle apporte un peu d’énergie. D’ailleurs ça se ressent : alors que personne n’est obligé d’assister aux sorties de résidence des artistes que l’on accueille, toute l’équipe est quand même présente à chaque fois. Leur fort désir de revoir des spectacles fait chaud au cœur. »

D’où l’envie des salariés que les lieux de culture puissent rouvrir et que les spectateurs reviennent les voir. En attendant, la position de Vincent Villenave est la même que beaucoup de ses confrères et consœurs : les annulations se font au fil de l’eau (contrairement à ce qu’a décidé le Déclic à Claix par exemple), avec l’espoir ténu que les propositions de la fin de la saison aient lieu – celles de mai sont encore annoncées sur le site du théâtre.

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Une activité lourde à gérer, surtout qu’elle est couplée à celle de la préparation de la rentrée 2021, impossible à organiser à la dernière minute. « Pour l’instant – je dis pour l’instant car on n’est pas à l’abri de bouleversements en fonction de la situation sanitaire –, la prochaine saison est quasiment bouclée avec une petite cinquantaine de spectacles, dont une bonne vingtaine de reports du printemps dernier ou de cet automne. » À voir quand cette programmation pourra être annoncée au public et dans quelles conditions…


À l’Odyssée d’Eybens

Même si la situation est « vraiment usante et insécurisante avec une forme de lassitude, de ras-le-bol, ça va, on résiste – on va dire ça comme ça » nous a répondu Sarah Papet, directrice des Affaires culturelles de la Ville d’Eybens et responsable de l’Odyssée. « Le fait que, comme beaucoup de salles, on ait, tant bien que mal, réussi à réorienter, à réinventer notre activité, nous permet de rester constamment mobilisés sur le terrain. On parvient ainsi à, au moins, maintenir un lien avec le public scolaire : en matière d’éducation artistique et culturelle, c’est très important. »

Le fait que, ici aussi, la scène soit investie par des artistes aide également à donner du sens à cette drôle de période que vit le monde culturel. Surtout que ces temps de création, beaucoup plus nombreux en ce moment, permettent à Sarah Papet de renforcer le lien avec des artistes qu’elle suit depuis longtemps et d’en créer de nouveaux avec une partie de celles et ceux qui viennent taper à la porte de l’Odyssée. « On a ouvert le plateau à des compagnies qui souhaitaient avoir des espaces de répétition. Il y a donc une activité dense et intense dans nos murs, c’est vivifiant. Mais ça interroge sur comment et quand pourront être diffusées ces créations, du fait notamment des reports qui vont occuper beaucoup de place dans les théâtres en 2021/2022. » Une question que se posent d’ailleurs beaucoup de professionnels comme nous l’expliquions en janvier dans un article titré « Aujourd'hui, nos théâtres sont de grandes gares où les trains restent à quai ».

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Côté fin de saison à Eybens, si les spectacles des prochaines semaines ont bien été annulés, ceux programmés à la fin avril et en mai sont toujours maintenus. « On annule au fur et à mesure mais, honnêtement, on se demande jusqu’à quand on maintient le suspens comme on ne voit pas vraiment le bout du tunnel. » En attendant, la directrice prépare une programmation culturelle à l’air libre pour l’été d’Eybens et, surtout, finalise la saison prochaine. En croisant les doigts. « On se questionne sur la suite et la remobilisation des publics dans les salles. Est-ce que les gens vont reprendre leurs habitudes ? Est-ce qu’ils vont s'abonner ? Est-ce que nous ne devons pas réfléchir à changer nos modes de programmation ? »


À l’Amphithéâtre du Pont-de-Claix

À l’Amphithéâtre du Pont-de-Claix, salle de spectacle pilotée par le service culturelle de la mairie, le moral semble au beau fixe au vu de l’entrain communicatif (même à travers un téléphone !) de Jonathan Bazin, directeur des Affaires culturelles de la Ville. « Oui, on est fermé au public, mais il y a paradoxalement énormément d’activité dans le service spectacle vivant de la ville. Des activités avec du public qui n’ont pas lieu dans le théâtre, forcément, mais qui sont décentralisées dans les écoles, les lieux petite enfance… Et des activités de résidences artistiques dans le théâtre, pas accessibles au public évidemment. On n’est donc pas un théâtre à l’arrêt ! »

D’où le fait qu’il puisse annoncer qu’il y aura 38 levers de rideau cette saison… comme prévu en septembre ! « Pour arriver au même compte, à défaut de pouvoir proposer les spectacles tout public initialement programmés, on a tout simplement ajouté des dates pour le jeune public. Il y a donc un nombre très important d’enfants qui ont pu voir des spectacles ces derniers mois et on s’en réjouit. » Il cite comme exemple récent le spectacle Elle pas princesse, lui pas héros de Johanny Bert, joué dans trois écoles élémentaires et un collège début mars.

« Après, oui, bien sûr, c’est une situation clairement frustrante : aller à la rencontre du public scolaire n’est qu’une seule partie de notre activité habituelle et essentielle. » D’où la banderole « Rouvrir les lieux de culture, c’est essentiel » affichée depuis fin février sur la façade du théâtre. Reste à savoir quand ce sera le cas, le gouvernement ne donnant aucun calendrier précis. « On ne fait pas de pronostics, mais on ne voit pas pourquoi ce ne serait pas possible de rouvrir en avril ou mai, comme on l’a fait en septembre, avec des règles sanitaires strictes. Surtout si l’on compare à ce qui se fait dans les transports en commun ou les lieux de culte par exemple. » Pour l’instant, la saison 2020/2021 de l’Amphi n’est donc pas terminée…


Au Théâtre en rond de Sassenage

À Sassenage, la directrice du Théâtre en rond Florence Barbara a une politique claire : « Depuis janvier, on annule et on rembourse mois par mois, vu qu'on ne sait plus à quoi s’attendre. Sachant qu’on s’est engagés à tout reporter – sauf le spectacle polonais Grandsmilers vu que la tournée française est pour l’instant annulée. On aura donc une saison 2021/20222 qui ressemblera fortement à celle qui aurait dû avoir lieu en 2020/2021, avec également quelques reliquats du premier confinement, certains reports devant encore être reportés. Je ne vous cache pas que c’est un casse-tête de tout faire rentrer dans un planning, surtout si l’on veut aussi glisser quelques nouveautés ! »

Un casse-tête qui, plus surprenant, se pose aussi du côté des résidences d’artistes. « On en a déjà accueilli une. On devait en accueillir une nouvelle de Paris cette semaine mais on vient d’apprendre que certains des musiciens avaient la covid. Donc là aussi, comme pour les spectacles, on annule pour reporter ensuite ! On en accueillera d’autres ensuite. On a énormément de demandes. D’ailleurs, on est obligés de faire une sélection. Et comme les salles de l’agglo s’ouvrent beaucoup à la scène locale, nous on se permet, dans la mesure du possible, de répondre à des artistes venant de plus loin. »

Florence Barbara profite également de cette période sans public pour, « comme tout le monde, faire des choses qu’on n’a habituellement pas trop le temps de faire : des travaux dans le théâtre, remettre nos listings spectateurs à jour… » Et également échanger avec ses confrères et consœurs des autres salles de l’agglomération, voire de plus loin. « Avec cette crise, on voit qu’il y a une véritable solidarité entre les structures, plus qu’habituellement où chacun reste dans son réseau, et c’est appréciable. » La semaine dernière, elle a ainsi organisé au Théâtre en rond une rencontre avec des membres de plusieurs théâtres de la région pour confronter les pratiques des uns et des autres. « C’était très enrichissant. On a promis de se revoir. J’espère que c’est le début d’une longue collaboration qui se poursuivra après tout ça. »

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