Ne sent pas la rose

Il a vu la Vierge, passe le plus clair de son temps dans une cave, hurle des horreurs, en écrit, en chante et en filme. Provocateur à la petite semaine, opportuniste à deux balles, génie du marketing ou génie tout court ? Mais qui es-tu Jean-Louis Costes ? Dorotée Aznar

Quand on rencontre Jean-Louis Costes, on se dit que sa réputation est un peu surfaite. Le performeur, musicien et écrivain de 52 ans arrive à l'heure aux rendez-vous, sourit poliment en rougissant légèrement quand on s'adresse à lui, tient les portes aux jeunes filles et dit merci à la dame. Le Roi du pipi-caca, le Prince du scato a des airs de gentil papa timide qu'on aurait sorti de sa sieste pour un rendez-vous impromptu avec son banquier. Oui, mais ça c'est ce qu'on se dit avant. Avant de le voir sur scène, nu comme un ténia, se couper les bras avec un couteau, tenter de sodomiser un baigneur en plastique en hurlant «papa, encule-moi une dernière fois, comme quand j'étais petit». Bien avant de le voir faire pipi sur le public, essayer (en vain) de se masturber en direct, se mettre une carotte dans l'anus et manger son caca...La genèseFaut pas croire, on ne devient pas Costes par hasard. Tout petit déjà, Jean-Louis n'aime pas beaucoup les gens. Son enfance s'écoule entre les meilleurs internats de la région parisienne et une famille où l'on n'aime pas trop les contacts physiques : «on ne se touchait pas, on ne s'embrassait pas... c'est resté. En dehors des moments d'excitation, je suis "anti corps". Même si mes shows semblent montrer le contraire, chez moi, tout se passe dans la tête». Une tête qu'il a d'ailleurs plutôt pleine. Bac en poche, le jeune Jean-Louis entreprend et termine des études d'architecture. À cette époque, la musique est un hobby, «je faisais du rock le samedi, comme un bourgeois normal». Le problème de la musique, c'est les groupes, «ils me faisaient tous chier», Jean-Louis fera donc de la musique tout seul. La musique et le reste. «C'est triste quand même de n'avoir jamais touché une fille à 25 ans.... j'étais mal barré...». Sûr.Bête à concoursCostes adore jouer au loser et n'est pas avare en anecdotes. «Comme j'étais attardé, j'ai essayé d'être branché. En 1978, je me suis dit : il faut être hippie. Je suis parti en Inde. Je suis revenu avec le total look et même les tatouages. Mais quand je suis rentré, mes potes étaient devenus punk pendant l'été. Pour les meufs c'était foutu». Alors quitte à loser, Costes travaille comme un acharné, enregistre des centaines de morceaux et commence à créer des opéras porno-sociaux dès la fin des années quatre-vingt. Architecte le jour, trashman la nuit, il ne se dédie entièrement à l'art qu’à partir de 1997. Le reste de l'histoire oscille entre le médiatiquement vendeur et le médiatiquement très vendeur. Il habite Saint Denis, a déserté le premier étage de sa maison pour s'installer à la cave. «Je pense très sérieusement à murer les fenêtres avec des parpaings car la lumière me distrait», explique-t-il. L'homme est assurément un bon client et les éditeurs ont fini par flairer la bonne aubaine. Fayard a dégainé le premier et un roman, Grand-Père, est sorti il y a quelques mois, un autre est déjà en préparation.Saucissonade«Il n'y a pas de message dans ce que je fais», affirme Costes. Il déteste l'art engagé ou conceptuel : «je voudrais qu'on leur coupe les subventions» mais admet au final que les «côtés subtils de son travail sont difficiles à transmettre» et dit ériger «la mauvaise foi en loi». La revue Cancer s'est un temps fait l'écho de ses frasques. Imaginez. Costes a la bonne idée d'écrire une chanson intitulée Tapette à bicot. Extraits choisis : «on devrait coincer Blanchette tapette à bicots/le coincer dans un coin à plusieurs et l'empaler sur un saucisson ce pédé à bicot». Les tribunaux sont saisis et Costes doit répondre de "provocation à des atteintes à la vie et à l'intégrité d'une personne". Le soir de l'audience, Costes dévalise son épicier, achète toutes les formes possibles de saucisson et "s'empale" devant un témoin (médecin) avec lesdits aliments puis remet un rapport détaillé à la justice. On peut y lire que «les sodomies à la saucisse de Strasbourg et au saucisson sec sont bien acceptées par son anus et ne constituent pas une atteinte à la vie et à l'intégrité de la personne». Il est précisé qu'en revanche, la sodomie au saucisson à l'ail «dont le diamètre dépasse celui de l'anus» pourrait provoquer l'éclatement du rectum et donc la mort. Conclusion : seule la sodomie au saucisson à l'ail peut provoquer la mort ; Costes n'est pas coupable. La mythologie est en marche. Bien malin qui démêlera le vrai du faux. Celui qui ne se définit «ni comme musicien, ni comme écrivain», accepte bien volontiers l'étiquette d'artiste. Mais il refuse d'être taxé de provocateur. «Quand je fais un show, je commence à l'heure et je fais au mieux. La provoc, ce serait de faire payer les gens et de ne pas venir. Je ne donne pas de leçons et ne suis qu'un pâle reflet de la réalité». Le fou du roi n'a pas peur de mettre le nez dans son caca. Mais le temps passe et les shows ne seront bientôt plus de son âge, il s'agirait de penser à la reconversion. Écrivain pour enfants, gourou, allez savoir. L'avènement du Grand Messie des crottes est peut-être pour demain.Jean-Louis CostesLivre : “Grand-père“ (Fayard)

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