Dieu m'a donné le funk

portier de nuit / S’embarquer dans une interview carrière avec Dj Goodka, c’est ouvrir la porte de vingt ans d’histoire musicale, locale et internationale, portée par une gouaille savoureuse et un enthousiasme communicatif. Propos recueillis par François Cau

Peux-tu te présenter en quelques mots ?Goodka : Je suis avant tout DJ depuis de longues années. Ma passion des disques remonte à l’âge de 15-16 ans, j’ai toujours fait ça. J’ai le rythme dans la peau, ce qui fait que tous ces intermédiaires, être disquaire, DJ, animer des soirées, c’est un peu grâce à ça. Mon moteur c’est d’être né funky, “God made me funky“. On va dire que je suis sur Terre pour faire danser les gens, parce qu’en définitive, c’est ce qui m’éclate le plus : qu’on s’éclate sur de la bonne musique.Qu’est-ce qui t’as amené vers ce qu’on va appeler très largement la black music ?Je sais pas, ça m’a plu tout de suite, dès que je l’ai entendu à la radio. J’ai commencé par le rap, avec Grandmaster Flash, Sugarhill Gang, tout ce qui est devenu classique désormais. J’ai été très influencé par Sydney et l’émission HIP HOP, dont j’ai toujours mes vieux enregistrements. J’ai continué et jamais arrêté. Lors de mon premier passage à Grenoble, j’allais chez Raymond de Rock Contact, chez un disquaire place aux Herbes, ou rue Chenoise chez Croc’Oreilles, au Pays d’Octobre rue Thiers… À l’époque tout le monde se foutait de la black music, en 1986 j’étais encore le seul à en acheter. Puis c’est un grenoblois qui m’a ouvert à la soul funk 70’s. Je cherchais une référence 70 chez Raymond, et j’ai croisé ce type qui m’a embringué chez lui, et là il y en avait partout. J’ai pris un crayon et j’ai noté tout ce que je pouvais.Mais tu ne t’es pas lancé tout de suite dans le Deejaying…J’ai travaillé dans un autre domaine, dans la sape. J’ai fait mes études d’industrie de l’habillement puis une école supérieure sur Paris, avant de finir cadre en entreprise, avec jusqu’à 500 personnes sous ma direction. Je manageais des nénettes au rendement, c’était pas très drôle comme tu peux t’en douter mais j’ai tout de même tenu dix ans comme ça. J’entretenais toujours ma passion à côté, en achetant des disques. Entre temps j’avais rencontré ma femme, et au bout d’une décennie en Vendée on a voulu revenir sur Grenoble, où je voulais ouvrir un shop. Je suis allé voir des personnes en leur disant que je voulais m’installer comme disquaire, ils se disaient “qu’est-ce que c’est que ce fou“, et là j’en suis à cinq ans de Goodka Records.Et les platines dans tout ça ?Je m’y suis mis quand j’ai eu l’argent pour acheter mes platines MK2, à l’âge de 20 ans, là j’approche de la quarantaine. J’ai fait une mixtape assez vite dans la foulée et dès qu’elle est sortie ça s’est enchaîné : je suis allé jouer deux fois à San Francisco, j’étais le premier français à avoir joué dans un événement de breakdance filmé. Après j’ai joué à Paris, puis dans plein de villes françaises.Comment définirais-tu ton style aux platines ?Déjà, il n’y en a pas un mais plusieurs. Ce sont des lignes de conduite pour le dancefloor, je suis très attentif au public. Le tout, c’est de savoir comment amener un morceau pour le dancefloor – c’est ça le plus difficile, je suis dans le circuit depuis 20 ans, et ça ne fait que deux ans que je sais vraiment faire du dancefloor. Pour ce qui est de la musique, tant que j’achète des disques et que je découvre de nouvelles choses, je continue pour transmettre aux autres. Depuis quelque temps, je me suis mis au disco, mais attention, pas le disco pouet pouet, le vrai beau disco. Au niveau musical, c’est incroyable. Ça m’a fait tilter : dans les années 70, on avait de très belles discothèques où vraiment tout le monde dansait. C’était un état d’esprit, une façon de vivre. La Saturday Night Fever, c’était concret. Mais quelque chose s’est cassé dans les années 80, de pas vraiment définissable. La musique a merdé de plus en plus, les gens faisaient moins attention à eux. Ils en ont eu marre du disco, et après, pour retrouver un son aussi dancefloor, c’était pas gagné. Il y a bien eu la house, mais je trouve que c’est beaucoup plus froid et linéaire, impersonnel.Et pour ce qui est des soirées que tu as instauré au Kaméléon ?Je continue les soirées Funky Saturday depuis un an, c’est un concept élaboré par un camarade Dj sur Paris et que j’ai transposé à Grenoble. Puis j’ai proposé les Flashback 80, au début je voyais ça comme de l’alimentaire mais alors que la troisième approche, je dois dire que tout le monde en est content et moi avec. Ce sont des morceaux années 80 mais avec la patte Goodka au niveau du mix et de l’approche des morceaux. Je joue les tracks en maxi 45 tours, pour avoir le meilleur son et la meilleure durée possible pour que les gens rentrent à fond dedans. Les hits typiques, ce sont les B 52’s, Highway to Hell d’ACDC, A night to care about de Madness, Kids in America de Kim Wilde, Blondie… Je balance souvent des morceaux archi connus, mais avec un son qui te fait reculer de trois pas. La musique, c’est physique, faut que ça te pénètre. Le vinyl te donne cette restitution physique de la musique, ça te remue les tripes sans t’abîmer les oreilles.Ton regard sur la nuit grenobloise ?Il faut que les gens sortent. Moi j’ai quasiment 40 balais et je voudrais que les gens de mon âge se bougent. Après, quand je fais des anniversaires, les gens de ma génération viennent me demander du David Guetta, je leur demande pourquoi et ils me répondent que c’est ce qu’écoutent leurs enfants. J’y vois de la peur de vieillir, voire de mourir, et je t’avoue que ça mes stresse de jouer pour ce public-là. C’est d’autant plus dommage que Grenoble est un extraordinaire vivier de DJs, où chaque artiste a une forte personnalité et se distingue des autres. Faut chercher l’originalité, la vraie couleur locale. En gros je dirais que l’artisanat est ce qu’il peut y avoir de mieux pour une ville. Des Carrefours, des Super U on en trouve partout, on s’en fout. Alors que les artisans, les artistes et commerces qui vivent au jour le jour, c’est ça qui donne la réelle valeur ajoutée à un lieu. Après, je connais des personnes qui, quand ils visitent une ville, font les centres commerciaux. Ça, je ne comprends pas.Soirée Flashback 80 avec Goodka + Guestsam 17 nov de 23h à 5h, au KaméléonGoodka Records17 rue Gabriel Péri (04 76 43 32 64)

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