Le jazz est là

À l’occasion des vingt-cinq ans de la Soupe aux choux, rencontre avec le gérant du bar, cofondateur du lieu avec Francis Loret, et président de l'association Y'a du jazz à la Soupe aux choux : Jacques Perez. Propos recueillis par Bernard de Vienne

Comment est née la Soupe aux choux ?
Jacques Perez : Ça a été créé en 1982. Le nom vient d'un bouquin de René Fallet, l'ami de Brassens. On a monté ça pour cinq ans, et ça a perduré. Ici, c'était une épicerie comptoir. Les gens venaient en couple : pendant que Madame faisait ses courses, Monsieur buvait un verre au zinc. Pour clarifier l'organisation, on a monté une asso en 92, qui a repris le nom du Jazz club de Grenoble disparu depuis des années. Puis le Jazz club est parti à la MJC des Allobroges. La nouvelle asso s'appelle Y'a du jazz à la Soupe aux choux : elle ne s'occupe que de la programmation du lieu. Il y a quelques années mon pote Francis Loret est parti, et j'ai continué seul. Cette année on fête les 25 ans, et 5000 concerts : chaque fois que c'est ouvert il y a de la musique, sinon ça n'a pas lieu d'être.

Vous vous plaignez de l'absence de subventions. Est-ce dû au fait que l'association est liée à un bar ?
C'est ce qu'on nous a dit, mais ici le bar travaille à perte pour l'association. Les consos gratuites des musiciens, le bar les paye ! Si l'asso est en déficit, c'est le bar qui rallonge. On demande des subventions, mais on a des fins de non-recevoir... Mon métier n'est pas de pleurnicher pour avoir des sous. Mais c'est quand même des lieux comme la Bobine, l'Adaep, ou même comme La Soupe aux Choux qui font qu'il y a une vie culturelle à Grenoble. Michel Destot est déjà venu ici, plein de gens nous disent, “c'est super“, mais rien. J'ai vu Jérôme Safar, l'adjoint chargé de la culture, qui m'a dit que “mon truc de jazz” ne l’intéressait pas. Alors... On se demande si on fait de la culture avec un petit Q. Cinq musiciens en moyenne tous les soirs, défrayés de 23€ chacun plus une partie de la recette s'il y a suffisamment d'entrées... Sur la scène, il y a une photo de John Coltrane. La blague des musiciens, c'est qu'il fait la gueule parce qu'il se dit «Putain, je joue pour 23€»... Le prix des soirées peut rebuter : 10 euros plein tarif, 8 euros en réduit... Les gens qui ne viennent qu'une fois, on est obligés de les faire payer plein pot, mais il suffit d'adhérer à l'association. Les adhérents ne paient que 40 euros par an, 30 pour les étudiants. Pour ce prix tu peux assister à 200 concerts !

Le lieu est-il viable ?
C'est vraiment limite, c'est viable parce qu'on ne veut pas mourir. Quand on prend un bide un soir, on met un mois à s'en remettre. La salle peut contenir 50 personnes maxi. Une quinzaine par soir ont leur carte, soit une bonne moitié des spectateurs. L'asso a pour but la diffusion du jazz, et ne s'en sort que parce qu'il y a beaucoup d'adhérents : 500 l'an dernier dont environ 120 musiciens qui eux ne paient que 20€. Ça les motive à venir à des concerts pointus qu'on ne programme que pour eux. Mais ils en reviennent presque à payer pour pouvoir jouer. La Nuit du jazz à Seyssins, c'était en même temps que la coupe du monde de rugby... On a pris une bâche, et un déficit de 5000 euros dans les dents ! On va demander une rallonge à la ville, une réduction au Prisme, mais j'ai honte de demander des sous pour un truc qui n'a pas marché. Je préférerais une subvention pour soutenir l'action d'un truc qui marche, pouvoir faire de la communication. Les gens se régalent, ils en ont pour leur argent, ils nous remercient ! La qualité de l'accueil et de la prestation des musiciens font que ça se tient. On aurait besoin de faire mieux savoir qu'il y a des choses qui se passent.

Quel rôle joue la Soupe aux choux pour la scène jazz grenobloise ?
C'est un des rares lieux où ça joue le mardi et mercredi, tous styles confondus. Il faut bien que les musiciens jouent : il y a trois écoles de jazz dans les 100km à la ronde, 20 à 30 pros en sortent chaque année, et ils n'ont pas de lieu où jouer. La programmation est pleine jusqu'à juin prochain ! L'intérêt des petits clubs, c'est que tu vois les gens de très près. À la pause tu discutes avec les musicos, si tu cherches un cours tu demandes... Un soir, le père Petrucciani jouait sur Grenoble, il est venu bouffer ici. Il cherchait un contrebassiste, je lui en ai présenté un qui depuis fait toutes ses tournées. Quand un musicien ne peut pas venir, un autre le remplace, il n'y a pas de chapelle. L'asso reçoit toutes les écoles de la région. On fait venir les Big band, 18 musiciens, c'est un bordel monstre mais c'est sympa.

Vous programmez du jazz manouche ?
Oui depuis plusieurs années, il y a du jazz manouche tous les derniers jeudi du mois. C'est un autre public, il y a plus de jeunes. On remplit bien et la plupart des amateurs ont leur carte. C'est beaucoup de groupes du coin, de temps en temps des étrangers. On a eu Mandino Reinhardt. Le prochain c'est un groupe italien le 28 novembre.

Quels sont les gros événements à venir ?
Benoît Sourisse a commencé ici quand il avait 20 ans, il vient jouer le 29 avec Pierre Drevet. Alfio Origlio, un autre grand musicien qui joue ici, a accompagné Michel Jonasz ou Henri Salvador. Quand ils ont du temps libre, ils viennent. Un musicien faut que ça joue ! Sinon il se détruit. Ici ils expérimentent devant un public des trucs qu'ils ont bossé dur. Les recettes permettent juste de payer un billet de train au gonze qui vient de Paris, pour qu'il ne soit pas de sa poche.

Alors, vous repartez pour 25 ans ?
Ah oui, on a envie de continuer. Dans 25 ans ça sera peut-être pas moi, parce que ça use ! Mais peut-être que la maison durera sans moi.

La soupe aux choux, 7, route de Lyon jazzalasoupe.free.fr

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