Deux figures tutélaires de la nuit grenobloise sortent des Cds mixés représentatifs de leurs couleurs musicales. Aux antipodes esthétiques l’une de l’autre, les galettes ont en commun de traduire avec une impressionnante efficacité les recherches sonores émérites de leurs géniteurs, mais surtout, donnent furieusement envie de danser à s’en faire saigner les pieds.
François Cau
Prenons (sauvagement) la moucheNe vous laissez pas abuser par ce titre trompeur : nul énervement, mais bien un jeu de mot hasardeux en rapport avec le nom de scène du sieur Aymeric Ponsart, taulier du Mark XIII Dept.2, officiant aux platines sous le patronyme de The Fly. À l’écoute de sa première livraison discographique, on se prend effectivement d’envie de l’attraper et de le serrer poliment mais fermement dans nos bras, pour le féliciter d’être arrivé à capter avec une telle acuité tout ce qui fait l’identité sonore du temple grenoblois de l’électro. Sa compilation mixée regroupe tous ces artistes que le bonhomme nous aura fait découvrir au cours des années écoulées, qui auront traumatisé les pistes de danse de l’agglo lors des soirées organisées par les sbires du Mark XIII. Avec, s’il vous plaît, des morceaux et remixs totalement inédits. Terence Fixmer et les Polygamy Boys font doucement monter l’ambiance ; le timbre inimitable de Chris Corner d’IAMX offre une courte respiration ; le monstrueux Workers de Vitalic et The Hacker se fait chevaucher par le rugueux Blackdeath d’Arnaud Rebotini et en redemande ; le Soldate Kino de corPs Étranger cède élégamment la place au tétanisant Condominion de Sulphuric Saliva, dont les beats étouffants préparent à peine à la déflagration monumentale du Natural Born Killer de Christopher Kah. Et, bien évidemment, Sindrome (le plus dark des artistes maudits) clôt les hostilités avec son habituel flegme décalé. Plus qu’un mix de haute tenue, pour le visiteur régulier du Mark XIII et de ses soirées, c’est toute une vague de souvenirs qui s’abat sur le cortex pour ne plus en redécoller.Mark XIII Dept.2 par Aymeric Ponsart (Citizen Records)Opération FunkyFortes de leur dizaine d’années d’existence, les soirées Funky Saturday se voient enfin couchées lascivement sur CD. Ces événements, créés à Nantes par Dj Pharoah avant d’être exportés à Grenoble (au Kaméléon les premiers samedis du mois) par son vieux compère Dj Goodka, sont de redoutables déchaînements de sonorités funk, soul, groove, disco, hip hop en provenance des années 70-80. Outre leurs activités effrénées aux platines, les deux complices agrémentent leur passion musicale en tenant dans leur ville respective des boutiques de disque, et en écumant le globe à la recherche de vinyls rarissimes pour le plus grand bonheur de leurs clients mais surtout de leurs auditoires. Ce goût immodéré de la transmission d’un patrimoine musical souvent relégué aux oubliettes trouve enfin sa déclinaison discographique avec ce Funky Saturday volume 1, mixé et réalisé par Dj Pharoah (Goodka se chargera quant à lui du deuxième opus). Une sélection de tubes intemporels, aux tonalités fatalement groovy, avec en incontournable point d’orgue le matriciel Saturdays de De La Soul, qu’on ne peut s’empêcher, même en luttant de toutes ses forces, de reprendre en chœur. «It’s Saturday, Saturday, Saturday, it’s Saturday, Saturday, it’s Saturday-yi-ay-yi-ay…».Funky Saturday volume 1 par DJ Pharoah (Party People)
