Nouvel air

Après deux ans d’absence scénique, Djazia Satour, reconnue pour ses saisissantes performances vocales au sein du groupe MIG, débarque sur la scène du Théâtre 145 avec sa nouvelle formation et son nouveau répertoire. L’occasion de se pencher sur le parcours de la demoiselle. François Cau

Djazia arrive à Grenoble en 1990. De son enfance en Algérie, elle ne garde aujourd’hui qu’un souvenir flou, sublimé par le passage du temps. «C’est comme un rêve, un autre univers. Comme si le monde dans lequel on évolue avait un décor parallèle totalement inaccessible». Bringuebalée dans cet entredeux incertain, l’adolescente ne s’exprime que très peu, refoule ses angoisses, se mue en adepte du mutisme presque forcené. Mais elle a déjà trouvé le moyen d’extérioriser ses émotions. La musique la berce depuis son plus jeune âge, elle s’en nourrit à satiété, ingurgite toutes sortes de sonorités, donne de la voix pour se construire une assurance, une contenance. A l’époque, elle vit sa phase de rébellion en s’envoyant des trucs aussi violents que Ludwig von 88 ou Nirvana dans les oreilles, tout en restant attentive aux chanteuses à voix qui la fascinent tant. Djazia l’introvertie se prend en main, pose des petites annonces dans les magasins de musique locaux. «Chanteuse cherche groupe»
Elle enchaîne quelques expériences formatrices dans des bars, se construit un petit tour de chant constitué essentiellement de reprises. Mais c’est avec Gnawa Diffusion, le groupe de son demi-frère Amazigh, que Djazia connaît sa première grande expérience professionnelle. Elle suivra le mythique combo grenoblois en tournée, en tant que choriste, et se familiarisera du même coup très tôt avec le milieu. Confortablement lovée dans le cocon protecteur de la formation, elle s’épanouit, et acquiert très rapidement la certitude que son avenir est là, sur scène, devant un micro, face à une foule happée par sa voix si envoûtante. Lives, enregistrements, featurings vocaux sur des projets locaux (Melting Potes, Lyrikal Staff…), Djazia parfait son éducation sonore en alignant les collaborations en tous genres. Elle incorpore les rangs de la faculté tout en restant persuadée que sa voie est définitivement là – elle attend juste de trouver LE tremplin idéal, celui qui lui permettra d’employer sa maîtrise vocale, déjà terrassante, comme elle l’entend. La rencontre avec Piero Martin et Mathieu Goust scellera son destin : ensemble, ils jettent les premières bases de ce qui deviendra MIG. La machine est lancée. Tri pop
Consciente d’avoir trouvé l’occasion de se révéler artistiquement, Djazia se met à écrire. Elle se lance dans l’aventure à cœur perdu, exprime tout ce qu’elle gardait en elle depuis son arrivée en France - et même au-delà. Les textes de MIG deviennent son journal intime, sa bouleversante mise à nu. Elle prend un soin tout particulier à juxtaposer sa prose à son vécu, à se caler sur les rythmes éclectiques de ses comparses tout en cherchant à triturer la matière sonore pour sortir des sentiers balisés. Vite étiquetée trip hop à la grâce hypnotique du grandiose morceau Leaving Beth, la musique de MIG s’épanche très vite dans moult directions, fusionne flow arabe et rythmiques anglo-saxonnes, tics hip hop et mélodies douces, swing imparable et arrangements complexes. L’aventure s’étalera sur six années et trois albums, laissant dans son sillon une généreuse poignée de classiques (Everybody here wants you, Wild me, Antipodes…), avant que la lassitude ne s’installe. Pas vraiment encouragé par un label uniquement intéressé par les ventes (pléonasme, oui, je sais), le groupe se sépare en 2006, quelques mois après la sortie de Yamatna, ultime album un rien foutraque, annonçant en filigrane la future orientation de sa chanteuse.Reconstruction
Pendant deux ans, Djazia participe à quelques projets (bandes originales de jeux vidéo, générique de film…), redevient interprète, offre sa voix à des expériences inédites. Elle aurait pu continuer ainsi pendant un moment, s’abandonner dans les travaux des autres, mais sa pulsion créatrice est trop forte. Petit à petit, elle se façonne un répertoire qui lui ressemble, s’entoure de collaborateurs précieux, à l’écoute de ses nouvelles envies musicales. Au sortir d’une période de maturation conséquente, qui lui aura permis de cerner avec sa coutumière intransigeance artistique la direction qu’elle souhaite désormais prendre, Djazia redécouvre la scène avec passion, se donne comme jamais, met en valeur son nouveau son avec générosité. Et vous invite à le découvrir ce mardi sur la scène du Théâtre 145. Le genre d’invitation impossible à refuser. Djazia Satour
Mardi 9 juin à 20h30, au Théâtre 145

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