A la verticale de l'été

Le Cabaret Frappé, rendez-vous grenoblois estival incontournable, ultime rempart musical contre la sauvagerie neurasthénique d’une canicule urbaine qui ne dit jamais son nom, remet le couvert pour la plus grande joie des locaux esseulés. François Cau

La scène est devenue un grand classique de l’été dans notre pétulante cité endormie par l’air sec, la chaleur écrasante, les libations corollaires à l’absence de matinées ouvrées, et l’inévitable déliquescence neuronale qui s’ensuit. En mode de décomposition avancée dans votre canapé, vous empoignez le téléphone en quête de compagnons d’infortune, et invariablement, la même réponse quant aux projets de fins de journée – on va « Okabaré ». Histoire d’y voir plus clair derrière ce sémillant néologisme au charme nippon musqué, l’on se rend donc au Jardin de Ville dès 17h, et, à peine arrivé sur place, on a la tenace impression que les ultimes survivants de l’été grenoblois se sont donnés le mot. Outre les pros de l’organisation qui se sont jetés sur les premiers jeux d’échec mis à disposition, les parents trop heureux de confier leurs rejetons à la halte-garderie ou les amateurs de lectures squattant les transats de la Roseraie de 20h à 21h, on trouve, massées autour du kiosque, toutes les populations possibles, rameutées par l’opportunité de voir les lives gratuits de 19h. Cadres, étudiants, punks désuets, rastas blancs, mamies lascives, éconduits de la night grenobloise, ces sommes d’individualités bigarrées créent une masse humaine chaleureuse, prête à vibrer sur des sonorités éclectiques.Maintenir le cap
L’un des objectifs tacites du Cabaret Frappé est de créer un événement festif, populaire, à même de fédérer les énergies périclitantes d’une population locale alors livrée à elle-même en termes d’activités culturelles. Au vu du succès remporté par la manifestation, on est enclin à opiner du chef tel un chien de banquette arrière, à quelques fondamentales nuances près. Ce plébiscite s’est certes acquis en partie grâce à des animations tout public, offertes en symbiose avec l’événement, mais aussi au gré d’une programmation musicale exigeante, qui a pris le pari souvent risqué de fidéliser son auditoire au fil des années sur la seule base de ses découvertes. Le constat de l’équipe est simple, ce n’est pas parce qu’un festival a l’ambition de toucher le plus grand nombre, voire même d’injecter de bonnes doses d’adrénaline aux pouls locaux moribonds, qu’il doit pour autant se laisser aller à la facilité éditoriale, et ce malgré ce que la “logique événementielle“ voudrait imposer. Le resserrement de la durée du festival, la suppression du concert d’ouverture tonitruant à l’Anneau de vitesse, la stagnation du budget - cruellement mise en balance avec les hausses de tarifs d’une industrie qui tente vaille que vaille de couvrir le déficit du marché du disque, autant d’éléments qui auraient pu entamer la détermination des membres du Cabaret Frappé ; il n’en est bien évidemment et bien heureusement rien. Le festival demeure ainsi un îlot salutaire de résistance sonore aux putasseries estivales où l’on voit défiler les sempiternelles mêmes formations, et s’ancre avec un adorable entêtement dans son rôle désormais affirmé de dénicheur de talents autres. Partenaire particulier
Bien sûr, la manifestation compte cette année dans ses rangs quelques noms d’artistes déjà confirmés à même de faire frétiller d’aise les mélomanes en tous genres, sans pour autant que leur renommée ne fasse de l’ombre à leurs petits camarades d’un soir ou plus. Tahiti 80, Krystle Warren (qui, selon nos sources presque fiables, a pris une plus grande assurance scénique depuis sa première partie de Keziah Jones en février dernier), Caravan Palace, DJ Cam, qu’on ne présente plus (ah si, pardon, au temps pour moi, on le fait sur la page d’à côté)… Le festival les met systématiquement sur un pied d’égalité avec des artistes au style complémentaire, dans la saine logique d’émulation qui est la sienne. Pour finir, à l’adresse de ceux qui nous taxeraient de complaisance suspecte avec l’événement du fait de notre partenariat de cette année, sachez qu’il se fit en bonne intelligence et indépendance. Oh, bien sûr, il y eut des tentatives de débauchages sensuels, mais les membres de l’équipe du Cabaret ont toujours refusé. C’est tout à leur honneur. Cabaret Frappé
Du 20 au 29 juillet, au Jardin de ville

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