L'homme de l'ombre

Légende californienne du turntablism, producteur prodige, et défricheur sonore acharné, DJ Shadow n’a rien perdu de sa passion avec les années. À l’occasion de son passage aux Authentiks de Vienne le 13 juillet prochain, il a répondu avec enthousiasme à nos différentes questions. Propos recueillis par Damien Grimbert

Petit Bulletin : Dans quel environnement avez-vous grandi ?
Dj Shadow : Au milieu des années 70, quand j’étais encore enfant, nous nous sommes installés, avec ma mère et mon frère, à Davis, une petite ville universitaire à une heure environ de San Francisco. Le climat était différent à l’époque, tu n’avais pas besoin de beaucoup d’argent pour vivre… Pas de technologies, rien d’extravagant… Des provisions et quelques vêtements, c’est tout. Notre seul luxe, c’était une télé en noir et blanc, une vieille chaîne hi-fi et quelques disques…À quel âge avez-vous décidé de tout investir dans la musique ?
Le premier novembre 1990, j’ai eu une révélation. C’était le lendemain d’Halloween, j’étais en première année à la Fac et, dans ma résidence universitaire, tout le monde s’était bourré la gueule la veille, moi y compris. À mon réveil, j’ai réalisé que ne voulais plus perdre mon temps, que je voulais m’impliquer à fond dans mon travail et ne plus avoir à me soucier de quoi que ce soit d’autre. Je ne voulais plus jamais avoir l’impression de ne pas m’être donné à 100 % chaque jour de ma vie. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que la musique que je créais était plus importante pour moi que tout le reste.Vous êtes l’auteur, avec Cut Chemist, d’une trilogie de mix-CDs absolument mythiques pour les amateurs…
En fait, tout a commencé lorsqu’un organisateur de soirées de la Bay Area nous a demandé de mixer ensemble pour la première fois. Avec Cut Chemist, avec lequel j’étais déjà ami, on s’est mis la pression pour ne mixer que des 45 tours toute la nuit. C’était la naissance de BrainFreeze. On a fait un enregistrement de ce mix, et on l’a sorti à quelques exemplaires, qui se sont arrachés à toute vitesse. On a du coup décidé de sortir un deuxième mix-CD en 2001, Product Placement, et il a fallu attendre jusqu’en 2008 pour qu’on remette une nouvelle fois le couvert ensemble. Mais on n’avait pas envie de refaire un nouveau Brain Freeze, on voulait partir sur quelque chose de complètement nouveau encore et c’est comme ça qu’est né le troisième mix, The Hard Sell.Quel était votre objectif avec ces différent mixes ?
L’idée, c’était juste de démontrer à quel point on aimerait déterrer des disques rares, et à quel point on aimait s’éclater en tant que Dj’s. Ce que je veux dire par là, c’est que quand je compose de la musique, c’est parfois assez sérieux, j’utilise une méthodologie assez laborieuse et lorsqu’on s’associe pour faire ces mix-CDs, c’est un moyen pour moi de montrer une facette plus légère de mon travail, même si on prend évidemment très au sérieux la technique de mix et la sélection des morceaux. C’est avant tout un moyen pour nous de nous encourager mutuellement à repousser nos frontières.Comment définiriez-vous votre rapport au hip-hop ?
Pour moi, le hip-hop a toujours été une attitude, une culture, plutôt qu’un style musical. Run DMC s’est saisi du rock pour en faire du hip-hop, Afrika Bambaataa s’est saisi de Kraftwerk pour en faire du hip-hop… Pour moi, le hip-hop, c’est comme enfiler une paire de lunettes pour voir le monde. Qu’est ce qui vous agace à l’heure actuelle ?
Bonne question ! Je n’aime pas la pop music préfabriquée, le concept «je veux être célèbre et que tout le monde m’aime, donc je vais faire de la musique tellement facile à assimiler que tout le monde va adorer…». Je trouve ça extrêmement irritant. J’écoute avec plaisir de la country, du jazz, du rap, ou du death metal, n’importe quoi qui ait un minimum de cœur et d’âme… Mais pour moi, la pop music préfabriquée n’a aucune âme.Pour de nombreuses personnes, vous resterez à jamais «le type qui a fait l’album Endtroducing», en dépit de tout le reste de votre carrière. Ce n’est pas un peu frustrant, parfois ?
Je ne sais pas… Tout ce que je peux dire, c’est que je suis très content d’avoir fait quoi que ce soit qui puisse plaire aux gens. J’ai longtemps pensé que tous les auditeurs d’Endtroducing appréciaient mon travail, mais avec le temps, j’ai réalisé qu’il s’agissait juste d’un de ces disques que tout le monde voulait avoir chez lui à l’époque et que ça ne signifiait pas pour autant que les personnes l’ayant acheté voudraient entendre quoi que ce soit d’autre de ma part par la suite. Je ne satisferai sans doute jamais plus cette frange de mon auditoire, mais d’un autre côté, je pense aussi que les gens qui suivent ma carrière de près ou de loin respectent le fait que je n’essaie pas de refaire Endtroducing encore et encore…Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je prévois de sortir un ou deux singles cette année, suivi d’un nouvel album l’an prochain. Mais je joue déjà en live certains des futurs morceaux de l’album, donc si vous voulez entendre ça, vous savez ce qu’il vous reste à faire…DJ Shadow,
Mardi 13 juillet, au Théâtre Antique de Vienne dans le cadre du festival Les Authentiks

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