La Route du Rock 2011, deuxième partie

Assoiffé d’absolu, le Petit Bulletin poursuit sa consommation de lives à vocations rockeuses, luttant contre les éléments avec abnégation. François Cau

Car oui, quitte à sombrer dans les clichés les plus éculés, en Bretagne, la pluie ne rigole pas. Après moult variations entre crachins et bruines, le Fort Saint-Père sera toute la soirée assiégé par des trombes d’eau, et le sol de se muter peu à peu en une uniforme gadoue, pour la plus grande joie de quelques festivaliers provisoirement retombés en enfance et redécouvrant le bonheur de sauter dans une flaque pour éclabousser soi-même comme son prochain. Les espaces couverts sont pris d’assaut, le K-Way devient la denrée rare qu’on se refile sous le manteau, la pente de l’Espace Presse un toboggan boueux que les plus valeureux affrontent avec le peu d’agilité qu’il leur reste. Jusqu’à la tombée de la nuit, le site ne s’est pas encore transformé en Woodstock breton, le climat se contente de nimber les deux premiers concerts d’un spleen bucolique tout à fait raccord avec les univers musicaux en présence. Soit tout d’abord la pop électro délicate de Still Corners, formation londonienne portée par la timidité épidermique de sa chanteuse, petite chose fragile qu’on sent prête à se rompre au moindre coup de caisse claire trop appuyé. Du coup, le public s’attendrit et encourage le groupe à se lâcher, ce qui n’arrivera pas vraiment, mais tant que le charme pluvieux opère, tout va bien. Low entre ensuite en scène, prêt à ressusciter le souvenir de sa performance magique au Primavera en mai dernier. Toujours aussi élégiaque, le son du groupe insiste plus, ici, sur ses solides assises vocales, dont les échos éthérés se perdent quelque peu dans l’espace de la scène du Fort. Mais pour qui arrive à faire un minimum fi du déluge qui pointe le bout de son nez, l’envoûtement est une nouvelle fois total. Pendant la conférence de presse de Cheveu pour leur concert du soir à la boîte de nuit l’Escalier Club, dont l’un des points forts fut incontestablement l’échange « C’est quoi qui est mieux, mixer arraché ou pas ? » / « Bah on ne mixe pas, en fait », le concert de Cults commence, on reconnaît les intros accrocheuses de leur album éponyme, exécutées de façon un rien scolaire, mais bon, ce n’est qu’une impression lointaine. Le temps de négocier une interview avec Cheveu, de prendre une photo du chanteur dans un hoodie Charlie Sheen trempé, de redescendre vers la scène avec la prudence d’un démineur, et il restera une poignée de morceaux du set de Cults, dont on pourra cependant apprécier l’énergie sympathiquement contagieuse. Puis Blonde Redhead débarque sur scène. Blonde Redhead dont on était tombé en désamour au fil des deux derniers albums, dont on commençait à ne plus supporter les poussées dans les aigus de sa chanteuse, dont on peinait à se reconnaître dans les arrangements pop aux touches trop bitchy pour être honnêtes. Blonde Redhead, donc, arrive, et nous file une discrète gifle d’entrée de jeu, histoire de remettre les pendules à l’heure. La scène est illico possédée par une série d’explosions rock qui ne feront que gagner en puissance une fois passées les réinterprétations judicieuses de Penny Sparkle, leur petit dernier. On avait fini par oublier pourquoi on les avait tant aimés, les trois New-yorkais se sont fait un point d’honneur de nous le rappeler, avec juste ce qu’il faut de force, d’efficacité et de grâce. Il faut ensuite quasiment nager dans des torrents de boue pour accéder à la scène de la Tour et s’y prendre le live de Dirty Beaches dans la tronche. Imaginez donc un dandy canadien d’origine taïwanaise jouant un mélange dangereusement addictif entre surf music, rockabilly et punk, avec un sens de l’anarchie vocale évoquant un mix entre Alan Vega et Patrick Coutin (!), et vous aurez une vague idée de l’univers du bonhomme. Sur scène, le contraste entre ses interprétations intenses, seul à la guitare, et ses adresses chaleureuses au public renforce encore l’attachement qu’on ressent pour sa musique. Et ce sera tout pour ce soir, les bonnes volontés s’effacent à l’aune des vêtements trempés qui vous collent à la peau, des pieds s’enfonçant toujours plus dans la mélasse, de la précarité de l’équilibre, de la témérité requise pour venir à bout d’une distance de 100 mètres. Rendez-vous demain pour la suite, et la fin.

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