Olivier Depardon : « La fin de Virago a été super longue à digérer »

Concert / L'aventure du groupe Virago derrière lui, Olivier Depardon revient aux affaires musicales avec un album solo marqué de son empreinte artistique indélébile, “Un soleil dans la pluie“. Rencontre et retour d'écoute à l'occasion de son concert de cette semaine à la Source.

C'est la première fois que vous sortez un album sous votre nom...

Olivier Depardon : Ouais, c'est la première fois que je fais un truc vraiment tout seul, que j’ai mûri dans mon coin, avec du temps. Ce sont des morceaux faits sur pas mal de temps, trois ans. J’avais mis le frein sur les activités musicales, j'ai beaucoup bossé dans le son pendant l’après Virago, c'est une passion aussi forte que la musique. Dès l'arrêt du groupe, le Ciel m'a proposé de bosser sur un concert, j'ai accepté et ça a continué un moment. Ça m'a nourri autrement, ça m'a équilibré.

Mais c’est pour ça aussi que j’ai voulu revenir à la musique, j’en pouvais plus, j’avais plus le temps de jouer. À un moment, ça faisait trop, fallait que je calme, il y en avait le besoin. Et c’est à partir de là que j’ai commencé à faire des morceaux, tranquillou. Au bout d’un moment, François, avec qui je bosse, m’a dit que ce serait bien d’enregistrer, pour voir si on arrivait à faire un disque pour transcender les maquettes. Ça m’a remis dedans. Vu que j’avais tout fait, que c’était mon délire, que je jouais même de la batterie, mon nom s’est imposé avec le temps. Jusque là, je n'avais fonctionné qu'en groupe, donc ça semblait naturel.

La production est très épurée par rapport au son de Virago ou de Zygoma, et donne apparemment l'impression d'un retour aux sources. Mais ça sonne plutôt comme une évolution logique...

La fin de Virago a été super longue à digérer, c'était dur de faire le deuil, il y avait un truc pas fini. Ça s'était terminé en portnawak : la pression autour nous faisait chier, on a vrillé avec une ambiance pas très cool humainement, avec du personnel... Le patron du Nouveau Casino nous tannait pour qu'on joue chez lui, et finalement, on a fini par accepter un concert en 2010, qui tombait un peu de nulle part. On s'est captés tous les trois, et pour moi, ça a fini par devenir un rituel pour passer à autre chose.

Ce concert m'a libéré et m'a permis d'aller ailleurs, vers cette suite. Des retours que j’ai pour l’instant, les gens sentent qu’il y a un lien vers Virago, mais dans une autre énergie, sans ce côté frontal, avec quelque chose plus hypnotique. J’aime ce côté transe de la musique, qui permet de poser la voix autrement. Ça vient aussi des autres expériences avec Zygoma ou Jull.

Votre voix est plus assumée qu'avant, de façon presque revendicative...

Beaucoup plus qu’avant, ouais. Dans Virago, je la cachais, elle était pas forte, je foutais des trucs dessus. Ce que je disais était plus intime, plus dur à dire. Là c’est plus posé, parce que je suis plus posé aussi, moins agité. Les textes sont plus lumineux, moins introvertis, loin de ces choses qui tiraillent, ce qui ne m'empêche pas d'aller vers l'émotion.

J’ai vraiment envie que ma voix soit là, moins me cacher. J’assume aussi le côté moins chanté. Ce sont vraiment l’énergie et le poids des mots qui me parlent, leur côté alchimique, comme avec la musique.

Sur vos projets précédents, la construction des morceaux oblitérait les paroles, là c’est l’inverse...

Ils ne sont pas construits de la même façon. Je les ai élaborés en partant de boucles, d'empilements de guitare. On est souvent sur le même rythme, les mêmes accords. On en revient à la transe hypnotique : une fois que c'est installé, t’as la place pour poser ce que tu veux, t’es plus serein. Ça laisse plus de place à la voix, elle a un écrin derrière. Tout est dans l’impulsion.

Les textes sont à l'image du titre de l'album, Un soleil dans la pluie : vous jouez sur les contraires pour chercher le poétique dans le sombre...

Avant c’était plus tourmenté, un côté noir où il y avait toujours une lueur - mais loin. Je ne pourrais pas écrire les mêmes choses qu’il y a 15 ans, trop de choses se sont passées, mon regard a changé. On n’est pas non plus chez les Bisounours, l’équilibre se fait avec l’ombre, le tout est de ne pas se laisser submerger.

Dans ce délire, il y avait quelques textes de Nadj que j’aimais bien, qui me parlaient, et qui se sont retrouvés dans l'album. Quand on faisait Zygoma, j’ai découvert ce que ça faisait d’interpréter les textes d’autres gens, et ça me plaît quand ce sont des mots qui résonnent.

Qu'est-ce qui a changé sur scène pour vous ?

C’est toujours un peu magique, je suis comme dans ma bulle. Mais ce n’est pas le même état, c'est moins guerrier. Pierrot des Maczde Carpate m'accompagne à la batterie, je fais pas mal de boucles, ça colle bien tous les deux. Le duo laisse une liberté pour naviguer, les morceaux s’y prêtent bien, on peut les revisiter comme on en a envie ; c’est plus serein pour poser les textes. Je dois encore gérer certains automatismes pour que ça rentre.

Seriez-vous d'accord pour dire qu'il existe un "grenoblisme", une dynamique où la création locale finit par se refermer sur elle-même ?

Il y a ça, il y a aussi des cycles… Là, je me suis un peu extrait vu que je n'habite plus vraiment à Grenoble, que je ne bosse plus au Ciel… Il y avait ce côté un peu chacun pour sa gueule, on ne se réunit qu'en famille. J’aurais aimé que ça soit plus facile, mais je suis un peu comme les autres, avec cette culture française, pas à l’américaine où il y a plus de facilité dans les échanges, où on joue plus volontiers avec d’autres.

Il n'y a pas d’énergie insufflée, on tourne en rond – c’est peut-être les montagnes, une sorte de barrière énergétique (sourire)… Après je me réjouis du nombre de salles. Il y avait un gros manque à un moment, et là ça crée une dynamique de propositions. Et la scène locale se renouvelle.

Qu'est-ce qui vous parle en ce moment dans le domaine de l'écriture ?

Ce que fait Arnaud Michniak dans Programme... J'ai entendu l'album de Michel Cloup chez un pote, faut que je prenne le temps pour le réécouter... Pour la lecture, je me partage entre des auteurs dont une seule page peut te nourrir pendant longtemps, et des formes plus lapidaires, comme les proverbes chinois, ou des textes d'amérindiens qui me touchent beaucoup, qui évoquent le lien à la terre, les appels de la nature, comment on se reconnecte par rapport à tout ça. C'est fort, ça résonne du besoin de sortir de notre bouillonnement.

Artistiquement, vous en êtes là...
C'est pour ça aussi que je me suis barré de la ville. J'ai grandi dans un petit village, et j'avais besoin de retrouver ça. La vie reste agitée mais l'équilibre se gère différemment.

Ça se ressent dans votre approche de la poésie. Vos images ne se forcent plus les unes les autres...

Ouais, c'est plus respirable. C'est un espèce de tout, lié à l'état d'être.

Olivier Depardon + Del Cielo
vendredi 16 mars à 20h30, à la Source (Fontaine)

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