Avis de tempête

DJ/producteur défricheur, toujours en quête de sonorités inédites, Douster apporte depuis quelques années un vent de fraîcheur bienvenu à la scène électronique française. Rencontre avec un pionnier de la vague tropicale, parti depuis explorer de nouveaux horizons. Propos recueillis par Damien Grimbert

On vous a découvert en 2009 avec une série de mixes frénétiques, influencés par les musiques ghetto des quatre coins du globe. Comment avez-vous mis les pieds là-dedans ?
Douster : Par le biais d’Internet essentiellement. Je pense que c’est mon background "rap" qui m’a poussé à rechercher ces styles un peu ghetto venus du monde entier. Mes mixes étaient des espèces de compilations de "musiques du monde", mais avec la même thématique de production électronique ; et oui, des musiques qui viennent plus ou moins du ghetto. 

Le fait de vivre en Argentine à l’époque, ça a joué un rôle à votre avis ?
C’est vrai qu’à mon arrivée là-bas, j’ai découvert la cumbia villera, et ça m’a pas mal influencé. J’ai commencé à faire des productions mélangeant de la cumbia avec du rap ou des musiques plus électroniques, ce qui a bien plu aux gens de Zizek [le principal label électronique de Buenos Aires, sur lequel Douster a fait ses débuts  – NdlR]. Ils m’ont pas mal poussé à aller jouer devant du monde, et du coup, c’est là-bas que j’ai fait des DJ-sets en club pour la première fois. Donc c’est vrai qu’étant immergé dans cette culture, ça m’a permis d’aller peut-être un peu plus profondément dans "l’appropriation" de ce genre de musiques. C’est plus facile quand tu es sur place, plutôt que d'aller simplement regarder des vidéos Youtube sur Internet … Cela dit, maintenant que je suis revenu, ces influences-là, je les ai toujours au fond de moi, même si c’est vrai que je les utilise beaucoup moins.

Justement, ce n’est pas un peu pesant à la longue, cette étiquette "tropicale" ?
Au début, ce n'était pas du tout quelque chose qui me dérangeait parce qu’à l’époque, il y avait beaucoup d’attention portée sur ces genres de musique : c’était un petit peu la mode, donc ça a poussé les gens à s’intéresser à ma musique, c’était bien. Maintenant, c’est toujours une forte influence, les rythmes afro-caribéens, j’adore ça, c’est clair et net, mais dans mes productions, j’essaie de revenir à mes influences premières, le rap, l’électro des années 80, la musique de breakdance, ce genre de choses… Et les gens m’attendent pas mal au tournant sur les trucs tropicaux. D’autant plus que cette scène-là, qu’ils appellent maintenant "global bass", s’est énormément développée avec, par exemple, le moombahton, et moi, je me sens particulièrement éloigné de ça aujourd’hui. Déjà à l’époque, ça n’était qu’une petite facette de ce que je faisais donc… C’est vrai que c’est dur une fois que tu as un public qui t’attend sur une chose, alors que toi tu veux en fin de compte montrer autre chose, c’est toujours un peu tendancieux. Mais bon, je ne m’en sors pas trop mal, ça va…

Entre les mixes techno bien propres, avec des transitions soignées, et les mixes plus sound-system, où les morceaux s’enchaînent à toute allure, vous vous situez où ?
Je suis plutôt culture sound-system. J’ai commencé à mixer de la sorte :  quand je suis en Amérique du Sud ou aux États-Unis par exemple, je joue beaucoup plus comme ça qu’en Europe, parce que j’ai l’impression qu’en Europe, on a une culture de DJ assez pure et dure. On est plus sur une vision du mix "au kilomètre", bien construit, où tous les tracks s’enchaînent avec cohésion, en mode "grand voyage". Moi, même si je n'ai pas du tout appris comme ça, c’est quelque chose que j’aimerais bien arriver à faire parce que je prends du plaisir quand j’écoute des mixes de 2 ou 3h qui sont réellement construits, qui t’amènent à un endroit. Et ça, c’est quelque chose que tu as plus de mal à mettre en place quand tu mixes un peu "à l’arrache". D’un autre côté, je trouve l’énergie quand même beaucoup plus forte dans un mix sound-system qu’un mix de DJ techno. Du coup, je suis un peu entre les deux. Après, ça dépend aussi pas mal de ce que je vais mixer : quand tu mixes du dancehall ou du rap, tu ne vas pas laisser les deux chansons pendant 1mn 30 ensemble. Par contre, quand je vais mixer de la house… Du coup, suivant le genre de musique, je vais plutôt mixer sur de longs moments ou plutôt à la va-vite, pour donner plus d’énergie au public.

Vous avez débuté en Argentine, signé des EPs sur des labels comme ZZK et Mad Decent, vous tournez autant outre-Atlantique qu’en France… Vous semblez plus appartenir à la scène internationale que vraiment franco-française, non ?
C’est vrai que je ne considère pas vraiment appartenir à la scène franco-française. Mais je pense que c’est aussi le fait d’habiter à Lyon, et non à Paris. Les gens pensent que quand tu n’habites pas Paris, tu ne fais pas partie de la scène française. Ça ne me dérange pas, j’aime bien la France, mais c’est pas du tout quelque chose que je vais revendiquer dans ma musique.

Soirée G-Town Is Shining #9 avec Douster, Docta Roots, Hôtel Particulier, Narco Polo et Kid Brutal, vendredi 15 juin à partir de 23h, au Drak-Art

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