Franc-tireur

Oxmo Puccino

MC2

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Figure à part d’une scène rap française plus souvent portée sur le repli que l’ouverture, Oxmo Puccino se produira à la MC2 ce jeudi, en trio acoustique. Portrait d’un artiste singulier. Damien Grimbert

« Chacun de mes projets, chaque avancée, a été qualifié de rupture, de virage à 180 degrés avec ce que j’avais fait auparavant. S’il y a une continuité dans ma carrière, une cohérence à trouver, je dirais qu’elle réside justement dans mon instabilité, dans mon mouvement ». Deux phrases, et le ton est donné. Oxmo Puccino n’est pas du genre à faire deux fois la même chose, et pas du genre non plus à s’en justifier. Le collectif Time Bomb, dans lequel il a fait ses premiers pas dans la seconde moitié des années 90 aux côtés d’artistes comme Lunatic ou les X-Men, instaurait déjà une rupture, un ton différent de ce qui se faisait alors dans le rap français. Et même au sein de Time Bomb, Oxmo Puccino creusait lui-même une veine qui lui était propre, que ce soit dans le choix des mots, des thématiques ou des méthodes de narration. C’est ce qui a fait le succès de son album inaugural, Opéra Puccino, sorti en 1998, qui l’impose sans ambiguïté comme l’un des artistes avec lesquels il va falloir compter. C’est aussi ce qui explique la (relative) incompréhension suscitée par L’Amour est Mort, son second opus, à sa sortie en 2001. Une incompréhension qui va marquer le MC durablement. Si Le Cactus de Sibérie, sorti trois ans plus tard, marque un éloignement par rapport au rap « dur » de ses débuts, c’est véritablement Lipopette Bar, son successeur, qui sera un tournant dans sa carrière.

Série noire

Signé sur le vénérable label Blue Note, ce concept-album unique en son genre voit Oxmo Puccino collaborer avec un quartet jazz composé pour l’occasion, les Jazz Bastards, et créer de toutes pièces un univers inspiré par le film noir, la littérature blaxpoitation (Donald Goines, Iceberg Slim), mais également, en termes de narration, les films choraux ou les séries télévisées. On retrouve d’ailleurs là une autre des caractéristiques du style Oxmo : une curiosité effrénée pour la culture au sens le plus large (musique, cinéma, littérature, peinture, photographie…) retranscrite au travers du prisme d’une vie qu’il décrit sobrement comme « bien remplie ». Succès public et critique couronné par une tournée fleuve de 70 dates, Lipopette Bar va définitivement faire succomber le rappeur aux charmes de la musique live entouré de musiciens, un combo ravageur dont il ne se départira plus par la suite. Sorti en 2009 et couronné l’année suivante d’une Victoire de la Musique, l’Arme de Paix, son cinquième album, marque encore une nouvelle étape, une sorte de réconciliation entre le champ des possibles ouvert par l’expérience Lipopette Bar et l’amour du rap qui n’a jamais quitté l’artiste. Oxmo a désormais toutes les armes en main, en a conscience et ne va pas manquer de s’en servir.

Artiste, c’est pas difficile…

Introducing Roi Sans Carrosse, dernier opus en date sorti à l’automne dernier. Un album réalisé en compagnie d’un trio de musiciens et producteurs à la carrière vertigineuse (Vincent Segal, Renaud Letang et Vincent Taeger), et caractérisé par une certaine fluidité : « pour cet album, j’ai juste laissé l’inspiration me guider. C’est la raison pour laquelle on l’a fait aussi vite, pour laquelle les morceaux qui ne méritaient pas d’y être n’y sont pas. On s’est laissé porter par la musique, et comme j’étais entouré de gens expérimentés qui n’avaient pas de temps à perdre, tout a coulé de source ». Basculant avec aisance et décontraction d’un tube au groove imparable (Artiste) à une ballade émouvante en hommage à Paris (Pam Pa Nam), en passant par un duo sensuel avec Mai Lan (La danse couchée), un réquisitoire amusé contre les passéistes (Les gens de 72), un jouissif égotrip à l’ancienne (Le Sucre Pimenté), voire une esquisse de bossa nova en guise de conclusion, Roi Sans Carrosse fait feu de tout bois… Sans jamais s’attarder : de deux à trois minutes par titre maximum. « Adopter un format court permet de laisser plus de place à la musique, d’être plus percutant, d’arriver plus vite au refrain, d’écrire plus de chansons aussi ! Sachant que ça ne fait pas moins écrire pour autant, c’est juste la sélection qui est plus drastique. On s’ennuie moins, les paroles sont plus précises, et il n’y a plus ce désir inconscient d’arriver vite à la fin du morceau ». Autant de qualités vérifiables sur l’album, qui séduit autant par sa musicalité virtuose que par les atouts de toujours d’Oxmo Puccino : originalité, finesse d’écriture, et un amour de la diction qu’on ressent à chaque mot. Des qualités que l’on devrait également retrouver jeudi soir sur scène, dans une formule acoustique simplement composée de Vincent Segal au violoncelle et d’Edouard Ardan à la guitare. Une proposition que l’artiste rapproche « d’un après-repas entre amis, où chacun prend un instrument, et où l’on se partage des souvenirs et des émotions à travers les chansons ». On a déjà connu pire programme…

Oxmo Puccino, jeudi 7 février à l’Auditorium de la MC2 (COMPLET)

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