Le vieil homme et la mer

Marin peu porté sur l’eau, qu’il soit dessus ou doive la boire, Seasick Steve («Steve Mal de mer», donc) n’est pas de ceux qui ont connu le succès à l’âge des premiers duvets. C’est plutôt à l’âge où l’on commence à creuser sa tombe que Steve Wold a fait son trou. Un miracle après une vie d’errances. Stéphane duchêne

À quoi tient une carrière tardive ? Au fait qu’enfant, votre beau-père soit si pressé de vous jeter par la fenêtre qu’il en oublie de l’ouvrir – même si ça fait mal, mine de rien ça change tout. Et au fait de choisir de prendre la tangente à treize ans après avoir sérieusement envisagé de faire la peau à votre bourreau. Or, Steve Wold étant né en 1941, quand il décide de la prendre la route, c’est en pleine époque mythique des hobos, des beatniks, des avaleurs de kilomètres. De la vie à la petite semaine comme si demain n’existait pas. De la musique comme seule accompagnatrice. Il vit de travaux saisonniers et de menus larcins qui le mènent en prison.

Mais Steve a appris la guitare à huit ans et fréquente de plus en plus de musiciens à partir des années 60. Devient musicien de studio avant de s’établir comme ingénieur du son du côté de Seattle dans les années 80, où il travaille avec Modest Mouse et Bikini Kills, s’attirant même – dit la légende – l’admiration du jeune Kurt Cobain. Mais Steve a un problème. La bouteille. Sa seconde femme, rencontrée en Norvège, inquiète que son Steve ne passe l’arme à gauche en se noyant dans le malt, l’incite à enregistrer quelques-unes de ses chansons, en guise de testament.

Brume électrique

Il enregistre donc Cheap en 2004 et manque de mourir d’un infarctus dans la foulée. Il en réchappe toutefois et c’est sur scène – un passage déterminant chez Jools Holland – qu’il se taille une réputation de performer hors-norme armé de guitares en tous genres, souvent artisanales et au nombre de cordes aléatoire. Pour un vieil alcoolo passé pas loin de la tombe, Seasick Steve dégage sur scène une énergie insensée (comme on pourra le constater à Musilac, où il côtoiera le précurseur techno The Hacker, les punks au sang vert de The Dropkick Murphys et le prodige psychédélique Jacco Gardner, mais aussi London Grammar, Motörhead, Conor Oberst, Kavinsky, Stromae ou encore Giorgio Moroder himself), capable d’irradier la plus dépouillée des folk songs ou de répandre une brume électrique que ne renierait pas Jack White.

Et là où certains de ses cadets ont la voix vieillie – volontairement ou non –, celle de Steve a un timbre de jeune homme qu’on imagine grand, brun, costaud, un tronc d’arbre sous chaque bras, quand il n’est en réalité qu’un petit vieillard à casquette et salopette de soixante-treize ans à la démarche hésitante. Dix ans et six albums après ses véritables débuts, Seasick Steve peut porter en étendard de cette seconde jeunesse le titre de son troisième disque : «Je suis parti de rien mais il me reste quasiment tout.»

Musilac, à Aix-les-Bains (Savoie) du 11 au 13 juillet

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