Frànçois & the Atlas Mountains : les guerriers de l'ombre

Cascadeur + Frànçois & the Altas Mountains

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Entre luminosité aveuglante et zones d’ombre, transe magique et mélancolie, évidence et mystère, Frànçois & the Atlas Mountains ont bouclé avec "Piano Ombre" une admirable trilogie discographique qui n’a cessé de les pousser vers les sommets. Ils seront présents cet été à Musilac (Aix-les-Bains) et au Cabaret frappé (Grenoble). Interview. Stéphane Duchêne

François Marry a un visage de statue antique, le port altier d’un chef de guerre, un regard transparent qui semble scanner le monde qui l’entoure, mais aux intentions indéchiffrables. « En vérité, la vérité » sur François, on n’est pas près de la connaître. Ainsi, lorsqu’on lui demande de commenter le parcours d’un groupe, le sien, qui a mis le temps (ou l’a pris, ou l’a subi – près de dix ans – avant de parvenir à l’unanimité critique qui entoure le tout chaud sixième album Piano Ombre), François lâche, laconique et impassible tel un centurion drapé dans une toge de pudeur et de défiance, et comme un clin d’œil au titre de sa dernière œuvre, un « qui va piano va sano » dont il faudra se contenter.

Publié comme son prédécesseur E Volo Love (2011), déjà passablement acclamé, sur le prestigieux label anglais Domino Records, Piano Ombre leur a valu les couv’ simultanées de Magic, Tsugi et des Inrocks – un triplé rare. Un album avec lequel François et ses Atlas Mountains bouclent une trilogie entamée avec Plaine inondable (2009), leur premier album notablement remarqué : « Piano Ombre produit pour moi comme un effet de symétrie avec Plaine Inondable, dans les thèmes abordés, les intentions. Au milieu, il y a E Volo Love, plus pop, plus rutilant et ensoleillé et, autour, deux albums plus sombres. Ce sont des zones vers lesquelles je suis naturellement attiré et comme j’ai avec moi un groupe vraiment balèze, capable d’explorer ces zones sensibles, on y va le plus possible. »

Musique de transe

Ses frères d’armes et d’âme, François n’a qu’eux à la bouche, soulignant un esprit de sacrifice digne de moines-soldats au profit de son projet, mais aussi la latitude qu’il leur a laissé pour l’enregistrement de Piano Ombre. « Plus le temps passe, plus leur rôle est important. Sur Piano Ombre, ils m’ont littéralement porté. Ils sont ma famille, les gens avec lesquels je passe le plus de temps ; même si lorsqu’on n’est plus en tournée, on s’accorde le luxe de s’éloigner les uns des autres. La dimension sociale est une composante importante de la musique. Je ne pourrais jamais partir en tournée avec un musicien avec lequel je sens que je ne pourrais pas construire une amitié. »

C’est cette symbiose, cet état fusionnel entre des musiciens de très haut niveau, ayant chacun leur projet plus ou moins solo en marge des Atlas Mountains, qui conduit naturellement la formation à s’abandonner de plus en plus, sur scène mais aussi sur disque, à une musique de transe, poussant dans ses retranchements l’afro-pop déjà largement convoquée précédemment. « On essaie, dit François, d’aller vers le ressenti le plus physique possible. De se plonger, via nos compétences de musiciens, dans les mêmes états que quelqu’un qui irait se dépouiller en faisant du sport. » Et forcément, cela déteint sur une écriture qui cherche à se débarrasser le plus possible de l’intellect, à faire jaillir le rythme tel un diable de sa boîte et à laisser couler de concert paroles – entremêlant indifféremment français et anglais, pourvu que ça sonne – et musique. Exemple, sur la chanson-titre Piano Ombre, pourtant l’une des plus calmes de l’album, né d’une quasi-divagation nocturne : « Je conduisais de nuit, on traversait la France pour rentrer à Bordeaux, il devait être trois heures du matin, tout le monde dormait dans le van, et j’avais ce rythme dans la tête. Alors je me répétais des phrases, en faisant marcher le filtre de ma mémoire pour faire le tri des paroles qui pouvait coller à ce rythme. Pour que ce qui se passe dans la gorge, dans les lèvres, soit très limpide. »

Zone de confort

Mais dans cette approche, débarrassée de toute tentative de compréhension musicale, il y a aussi la tentative sans cesse réitérée de revivre un moment primordial, de retrouver le goût et les sensations des madeleines de Proust que constituent les premières écoutes, les premières expériences, les premiers chocs musicaux, auditifs, et plus que cela, sensuels : les chansons entendues dans la voiture des parents, le mystère dégagé par un piano – tiens donc – qu’on approche à tâtons, enfant, intrigué par cette masse inerte contenant tous les possibles. « Entendre résonner les cordes, frapper les touches et arriver à retracer quelques mélodies dessus, c’est du domaine de la béatitude. Ces moments ont une sorte de force liée au sentiment de première fois, quand on accède à une zone sensitive nouvelle, très profonde et du coup incompréhensible car ce n’est pas quelque chose de palpable, c’est très déroutant. »

Se dérouter, c’est bien ce dont il s’agit avec Frànçois & The Atlas Mountains, dévier de La Vie Dure pour revenir à l’essence de la vie même et profiter de ce qu’elle a à offrir de plus simple. Point de catharsis ici, point de remède aux tourments. Juste « une manière de magnifier les moments de vie, de les rendre plus pertinents, de créer une zone de confort, en dehors du jugement, au-delà de l’analyse. Un langage aussi où on sent qu’on a affaire à une matière vivante et très honnête, très vraie, très juste. ». Si l’on devait qualifier le mystère François Marry et l’impression laissée par Piano Ombre, voilà sans doute les mots qu’on aurait nous-mêmes utilisés.

Frànçois & The Atlas Mountains, vendredi 11 juillet à 17h15 à Musilac (Aix-les-Bains) et jeudi 24 juillet à 21h au Cabaret frappé (Grenoble)

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