Oxmo Puccino : les masques, la plume et les 20 ans de son "Opéra Puccino"

À bien des titres, 1998 est une année charnière pour le rap français. D’une part parce qu’elle marque à la fois l’apogée et le chant du cygne de trois années fastes (le fameux "âge d’or du rap français") pendant lesquelles le rap a accouché de ses plus grands classiques et atteint un degré de popularité sans précédent. De l’autre parce qu’elle marque l’émergence auprès du public d’un collectif parisien underground, Time Bomb, qui, en poussant la technicité des flows et de l’écriture à un degré de sophistication jusqu’alors inédit, va provoquer un raz-de-marée au sein de la scène qui laissera une empreinte durable pendant de nombreuses années.

Paradoxalement, au sein de cette "nouvelle école" portée par des figures de proue comme les duos Lunatic et X-Men, Oxmo Puccino fait lui-même figure d’outsider. Venu au rap bien plus tardivement que ses contemporains, moins bon techniquement et moins expérimenté, Abdoulaye Diarra de son vrai nom va compenser ses lacunes initiales par un travail acharné, tout en se focalisant sur une dimension narrative encore sous-exploitée (le "storytelling"), qui, combiné à son amour de la langue et de l’écriture, va rapidement le propulser en mètre-étalon du genre.

Peu de gens le savent

Lorsque sort en 1998 Opéra Puccino, son premier album, Oxmo Puccino est déjà en bonne position grâce à la sortie de deux titres majeurs : Pucc Fiction avec Booba sur la compilation L432, qui l’impose en valeur sûre instantanée auprès de l’underground, et Mama Lova sur la compilation Sad Hill, dont le succès radio témoigne de sa capacité à séduire un vaste public.

Enregistré à Toulouse, à distance des remous qui succèdent à la récente dissolution de Time Bomb, Opéra Puccino est un album sombre, intime et très personnel qui, en dépit d’un très bon accueil critique, va prendre son temps pour conquérir son public. Ce n’est ainsi qu’au bout de huit années, en 2006, qu’il sera enfin certifié disque d’or. Cette relative "confidentialité" initiale est d’ailleurs sans doute pour beaucoup dans l’aura de culte dont bénéficie aujourd’hui l’album, encore souvent considéré comme un secret d’initié que l’on apprécie entre connaisseurs.

Sur tous les fronts

Couplée à l’échec douloureux d’un second album tout aussi méritoire mais très mal accueilli (L’Amour est mort), cette confidentialité peut aussi – peut-être – expliquer l’évolution ultérieure de la carrière d'Oxmo Puccino, qui n’aura de cesse par la suite de multiplier les collaborations avec des musiciens de haut vol et de se rapprocher de l’univers du jazz et de la chanson française.

Une quête de "légitimité artistique" évidemment non dénuée de mérites (le talent de l’artiste ne s’étant jamais tari par la suite), mais pas toujours bien vécue par ses fans de la première heure. Cette série de concerts exceptionnels marquerait-elle donc la réconciliation d’Oxmo Puccino avec le rap de ses débuts ? Au vu de l’écho provoqué par ces trois concerts, le public, en tout cas, en semble convaincu.

Oxmo Puccino
À la Belle électrique mercredi 27 juin à 20h