Omar Souleyman : from Syria with love

Omar Souleyman + Habibi Funk

La Belle Électrique

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Concert / Chanteur de mariage originaire d’une région reculée du Nord-Est de la Syrie, Omar Souleyman est depuis maintenant douze ans une véritable star internationale, dont la musique hypnotique, ultra-rapide et incroyablement addictive a conquis les scènes du monde entier. Il sera en concert jeudi 14 février à la Belle électrique : l'occasion de revenir sur son riche et passionnant parcours.

C’est un cas unique en son genre : un chanteur populaire issu d’une zone rurale méconnue de la Syrie dont la musique, brute de décoffrage et hautement singulière, n’a eu besoin d’aucun polissage, d’aucune transformation, pour conquérir les cœurs et les hanches du public occidental. Alors qu'en temps normal, pour qu’un chanteur du Moyen-Orient s’impose en Occident, il doit soit produire une musique savante, virtuose, raffinée et érudite, à même de séduire l’intelligentsia culturelle. Soit, comme c’est plus souvent le cas, la métisser avec toute une gamme d’influences occidentales un peu faciles pour la rendre plus accessible à un grand public qui n’a rien contre un peu d’exotisme… à condition que celui-ci soit suffisamment dilué pour devenir parfaitement inoffensif.

Or, avec Omar Souleyman, rien n’y fait. Il peut bien collaborer avec Björk (sur l’EP The Crystalline Series - Omar Souleyman Versions), enregistrer son premier album studio (Wenu Wenu, en 2013) à Brooklyn avec un producteur électronique anglais réputé comme Four Tet ou partager la scène des plus grands festivals aux côtés de groupes de premier plan, son look, son attitude, sa musique et ses prestations scéniques restent quasiment les mêmes que lorsqu’il animait des mariages au fin fond du Nord-Est Syrien. Et si la guerre civile, terrible, qui ravage son pays natal depuis 2011 l’a contraint à s’exiler en Turquie en 2013 et l’affecte évidemment au plus haut point, il n’en continue pas moins de consacrer l’immense majorité de ses chansons au sentiment amoureux et à ses affres, comme il le faisait déjà au tout début de sa carrière.

Retour aux sources

Si l’on peut affirmer tout cela, c’est parce qu’il reste encore de nombreuses traces de cette première période – qui remonte, mine de rien, au milieu des années 1990. Sur YouTube bien sûr, mais également sur les trois premières compilations rétrospectives du label Sublime Frequencies sorties en 2007 (Highway To Hassake), 2009 (Dabke 2020) et 2010 (Jazeera Nights) qui l’ont progressivement fait connaître au public occidental. À l’origine de ces dernières, un musicien et baroudeur californien d’origine irakienne, Mark Gergis, qui découvre la musique d’Omar Souleyman lors d’un premier voyage en Syrie en 1997, jouée à très haut volume dans la rue sur les haut-parleurs de fortune de vendeurs de cassettes locaux. Si Souleyman n’exerce comme chanteur de mariage que depuis quelques années et n’est pour l’heure que l’auteur d’un seul véritable hit (Jani), sa réputation n’en a pas moins déjà dépassé les frontières de sa région.

Essentiellement inspirées du répertoire de la dabke locale (un style de danse folklorique pratiqué surtout pendant les mariages, et subdivisé en différentes déclinaisons musicales en fonction des régions), les chansons d’amour chantées par Omar Souleyman, qui s’étendent souvent sur plus de trente minutes, empruntent également au choubi irakien et à différents styles de musique kurde afin de satisfaire les différentes communautés de cette région frontalière de la Turquie. Pour autant, leur singularité doit également beaucoup au claviériste Rizan Sa’id qui accompagne Souleyman, dont le synthétiseur permet de jouer les morceaux à une vitesse très largement supérieure à celle pratiquée lors des précédentes décennies. Cette approche peu orthodoxe, mais de plus en plus usitée dans les mariages à l’époque, n’est bien sûr pas sans provoquer l’ire de musiciens syriens établis au style plus académique. Elle ne s’en répand pas moins à la vitesse d’une traînée de poudre dans les quartiers populaires de toute la Syrie.

De la Syrie au reste du monde

Et pour cause… À l’écoute, ce qui n’était jusqu’alors qu’une simple déclinaison syncrétique du répertoire populaire traditionnel local se retrouve transcendé par l’usage des synthétiseurs en un formidable appel à la danse, à la fois envoûtant, frénétique et furieusement futuriste. Une sorte de rave music moyen-orientale à la puissance d’impact démesurée, qui va marquer Mark Gergis de manière indélébile et l’inciter à collectionner tous les enregistrements qu’il arrive à trouver sur les stands. Ce qui s’avère moins compliqué qu’on pourrait a priori l’imaginer : pendant les mariages, la prestation des chanteurs et musiciens est ainsi souvent enregistrée et donnée aux mariés en guise de souvenir. Une source qui se voit ensuite dupliquée à l’infini avant de terminer son parcours sur l’étal des vendeurs locaux… voire du pays entier, en fonction de la popularité du chanteur.

En 2006, avec l’appui du jeune label Sublime Frequencies fondé quelques années plus tôt par ses amis Alan Bishop et Hisham Mayet, Gergis part enfin à la rencontre d’Omar Souleyman afin de mettre en œuvre la sortie d’une première compilation en Occident. Accompagnée d’une vidéo YouTube enregistrée pendant un mariage afin de permettre au public occidental de mieux saisir le contexte dont est issue la musique, cette dernière connaît un succès suffisant pour engendrer deux autres volumes… mais surtout la première tournée internationale d’Omar Souleyman et ses musiciens en 2009. Une perspective qui, aux dires de Gergis, laisse ce dernier plus déconcerté qu’enthousiaste.

Eh bien dansons maintenant

Car comment transposer une musique de mariage, avec un répertoire à la demande joué pendant des nuits entières, dans un contexte aussi radicalement différent et restreint qu’un concert sur scène ? Qui plus est devant un public ne comprenant pas les paroles ? En raccourcissant de façon conséquente la durée des morceaux mais en ne changeant pas grand-chose d’autre lui répond Gergis. Et, surtout, en ne tentant pas de s’adapter à ce que les musiciens syriens supposent être les attentes du public anglophone, promesse d’un désastre assuré.

Ces recommandations audacieuses, Omar Souleyman les applique aujourd’hui encore à la lettre, dix années, trois albums studios et d’innombrables tournées à l’étranger plus tard. Ce n’est donc pas vraiment à un concert dans le sens "classique" du terme qu’il va falloir s’attendre à la Belle électrique, mais plutôt à une forme de cérémonie dansante, vibrante et chaleureuse, sur l’une des musiques les plus fulgurantes, passionnantes et innovantes à avoir vu le jour ces vingt dernières années. C’est déjà pas mal.

Omar Souleyman + Habibi Funk
À la Belle électrique jeudi 14 février à 20h


Repères

1966 : Naissance dans le village de Tal Tamr, au Nord-Est de la Syrie

1994 : Début de sa carrière comme chanteur de mariage

1996 : Début de sa collaboration avec le claviériste Rizan Sa’id. Premier hit national avec la chanson Jani

2005 : Le morceau Khataba devient un hit dans tout le Moyen-Orient

2007 : Sortie d’Highway to Hassake, première compilation d’Omar Souleyman en Occident. Diffusé sur YouTube, le morceau Leh Jani connaît un succès viral

2009 : Deuxième compilation rétrospective, Dabke 2020, et première tournée aux États-Unis et en Europe

2010 : Troisième compilation rétrospective, Jazeera Nights

2011 : Collaboration avec Björk sur l’EP The Crystalline Series

2013 : Sortie de Wenu Wenu, premier album studio occidental. Le clip du morceau Warni Warni fait plusieurs dizaines de millions de vues

2015 : Sortie de l’album Bahdeni Nami

2017 : Sortie de l’album To Syria, with Love

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