Deerhoof : pop en stock

Deerhoof + Portron Portron Lopez + Lucas Ravinale / Loup Uberto

Le Ciel

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Concert / Histoire de fêter dignement sa réouverture, la salle de concert grenobloise le Ciel, gérée maintenant par l'association Plege,  convie un groupe états-unien qui pratique depuis toujours une pop stratosphérique aussi absolue qu'abstraite, aux contours aussi séduisants qu'insaisissables : Deerhoof, ou 25 ans consacrés à faire rimer création et déconstruction.

Quand on peine à définir le genre musical d'un groupe passé par toutes les couleurs du spectre stylistique, on peut toujours, pour s'en faire une idée, se pencher par ricochet sur la liste des formations que ledit groupe a influencé à plus ou moins large échelle. Concernant Deerhoof, cette liste est aussi longue et éparpillée que le mémo de vos courses mensuelles à l'hypermarché du coin déchiré en mille morceaux et jeté aux quatre vents : Radiohead, Dave Grohl, Sufjan Stevens, TV on the Radio, St. Vincent, Of Montreal, Beck, Silver Mt. Zion, Grizzly Bear... Récitez-vous cela comme un mantra et voici votre tentative de définition éparpillée façon puzzle.

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C'est qu'à force de jouer entre les lignes (comme on dit au football), de slalomer entre les étiquettes, d'expérimenter à rebours de soi-même, le groupe états-unien Deerhoof pratique le contre-pied musical permanent, parfois au sein du même morceau, où les plages cosmiques succèdent aux montées de lait noisy, les sucreries pop aux bravades abstraites. Si bien que si Deerhoof était un médicament, il aurait toutes les peines du monde à obtenir son autorisation de mise sur le marché, tant son efficacité thérapeutique se confondrait avec ses effets secondaires.

S'il était un tableau, il serait un Picasso peint au beau milieu d'un paradoxe temporel où se percuteraient toutes les périodes du maître : la bleue, la rose, la cubiste, la moderniste, la surréaliste, la symboliste... Tout ça pour donner naissance à un monstre de chef-d'œuvre, aussi fascinant qu'illisible.

Schizophrénie créatrice

C'est que le Deerhoof en chef, Greg Saunier, batteur de formation, a vécu mille vies musicales, passant du classique à la fanfare puis à l'étude des accidents sonores de John Cage (et d'accidents, la pop quantique de Deerhoof est pleine), du hardcore au doo-wop, du lo-fi à la quadriphonie (aux côtés de La Colonie de Vacances), du prog rock au free jazz, du garage à la comptine juvénile, de la simplicité évangélique à la sophistication la plus obsessionnelle, des chambres-studio au CERN...

En Satomi Matsuzaki, bassiste et chanteuse du groupe, Saunier a par ailleurs trouvé le fil d'Ariane, conducteur et tendu ; la camisole de sa schizophrénie créatrice. Car l'expression musicale monocorde et placide de la Japonaise agit comme la colonne vertébrale autour de laquelle se tortille l'hyperactivité laxe de cet incorrigible métamorphe (un peu comme chez d'autres adeptes de la métamorphose permanente, Blonde Redhead, dont la chanteuse Kazu Makino, japonaise elle-aussi, tient peu ou prou le même rôle).

Montagnes magiques

Cela fait 25 ans que ça dure, et si cette façon de procéder a d'emblée mis le groupe à l'abri de tout succès public, il n'a quasiment jamais cessé de surprendre celles et ceux qui venaient y noyer leur insatiable curiosité. Une imprévisibilité qui érige l'incompréhension et l'interpellation en forme inédite d'adhésion au projet, la transgression des ses propres normes en mètre-étalon. Et qui transfigure ce que la pop peut avoir de plus candide en inquiétante étrangeté.

Sur son dernier album en date, paru en 2017, Deerhoof avait ainsi volontairement cassé ce moule aux dimensions aléatoires en invitant toutes sortes d'interprètes à se joindre à une bacchanale créatrice (Laetitia Sadier de Stereolab, la saxophoniste Matana Roberts, la rappeuse Akwafina) ou en reprenant Violetta Parra, The Staple Singers et Bob Marley. L'affaire avait pour titre Mountain Moves et donnait chair à l'idée d'une pop dystopique non seulement capable de déplacer les montagnes, mais aussi d'en faire disparaître les contours en explosant les canons de la pop.

Deerhoof + Portron Portron Lopez + Lucas Ravinale / Loup Uberto
Au Ciel jeudi 29 août à 20h30


Nouveau Ciel

Le concert événement de Deerhoof marque donc également la réouverture officielle du Ciel, plus de trois ans après la fermeture de l’établissement culturel par la Ville de Grenoble pour raisons économiques. Désormais gérée par l’association grenobloise Plege (comme on vous l’expliquait en mai dernier), la salle fonctionnera pendant les premiers mois à un rythme relativement réduit, le temps pour la nouvelle équipe de développer et mettre en place les nombreux et ambitieux projets qui lui tiennent à cœur.

S’il faudra donc attendre début 2020 pour voir la salle tourner à plein régime, plusieurs rendez-vous avec le public n’en sont pas moins déjà prévus d’ici là, avec par exemple un événement l'après-midi au mois de novembre qui se déroulera conjointement dans la salle de concert, le bar et les sous-sols du lieu, ou encore une soirée de Noël en décembre. Affaire à suivre, donc… DG

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