Grenoble : zoom sur douze bâtiments phares du XXe siècle

Sélection / Grenoble est une très vieille ville, pleine d’impressionnants vestiges des siècles passés. Mais Grenoble est également une ville en mouvement que les architectes ont continué de façonner au siècle dernier. La preuve en douze monuments phares du XXe siècle, de la fameuse tour Perret au grandiose Musée de Grenoble, en passant par l’imposant Palais des sports ou le moderne (pour l’époque) Hôtel de Ville. Suivez-nous, la visite commence. 

La tour Perret, phare grenoblois en quête d'avenir

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Illuminée de bleu en son sommet et révélée une fois par an par les feux d’artifices du 14 juillet, la tour Perret, située en plein parc Paul-Mistral, demeure un emblème grenoblois, à plus d’un titre. Car malgré sa façade grisâtre, l’édifice de presque un siècle, inauguré en 1925 pour l’Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme, porte les ambitions modernistes du début du XXe, entre esthétique épurée et béton armé. Mais malgré les prouesses techniques, la tour se dégrade. Un chantier de rénovation va donc être lancé pour redorer le phare Perret. On remonte le fil de l'histoire dans cet article.


Des halles au Magasin

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La tour Perret n’est pas le seul monument à être né dans le contexte d’une exposition, il y a aussi les halles du quartier Bouchayer-Viallet, plus connues aujourd’hui pour être le Centre national d’art contemporain (Cnac) de la région. Inaugurées en 1900 pour l’exposition Universelle de Paris, les halles sont l’ouvrage des ateliers Eiffel. Avec sa grande verrière et sa structure métallique rivetée, le bâtiment offre de grands espaces à l’architecture splendide. Démonté et remonté un an après sa construction, l’édifice se trouve alors au cœur d’un quartier qui, de 1898 à 1972, produit des conduites forcées, des turbines mais aussi des minutions et des obus lors la Première Guerre mondiale.

Aujourd’hui, le grand hall-atelier demeure le seul site industriel à Grenoble de cette époque et abrite depuis 1986 l’un des premiers Cnac de France, suite à la politique de décentralisation mise en place. Récemment renommée le Magasin des Horizons, l’institution promeut l’art contemporain tout en dévoilant toute la finesse des architectes d’hier. Alors ne serait-ce que pour la beauté du lieu, réfractaire ou pas à l’art contemporain, n’hésitez pas à pousser la porte du Magasin.


MC2, temple de la culture

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Autre bâtiment phare de la décentralisation culturelle : la MC2, située le long de l’avenue Marcelin Berthelot. Construite par André Wogenscky (1916-2004), architecte français disciple de Le Corbusier, à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble, la Maison de la culture est inaugurée en février 1968 par André Malraux, alors ministre des affaires culturelles et père du concept des maisons de la culture.

Avec sa façade blanche aux lignes épurées et son avancée arrondie surmontée d’un cylindre noir, l’édifice fait penser à un cargo d'où son nom dans les années 1980. Suite à des travaux de réhabilitation et d’agrandissement pour 38 millions d’euros, la scène nationale a réouvert ses portes au public en septembre 2004, devenant ainsi la MC2.

Labellisée "Patrimoine du XXe siècle de Grenoble", cette salle de spectacle est un véritable concentré de productions artistiques pour le théâtre, la danse et la musique, notamment grâce à des studios de création et de répétition. Offrant une salle de plus de 1 000 places et un vaste auditorium, la MC2 est aujourd’hui une institution de premier plan sur la scène nationale, qui détonne avec son esthétique futuriste.


La Bibliothèque d’étude et du patrimoine, navire littéraire

Autre paquebot grenoblois, la Bibliothèque d’étude et du patrimoine qui fend le béton au niveau des boulevards Maréchal Lyautey et Jean Pain, en face du Pathé Chavant. De l’autre côté du cinéma s’affiche ainsi fièrement la Mecque littéraire de la ville avec pas moins de 600 000 volumes conservés en ces murs. Des murs dont la façade extérieure répond à une géométrie carrée, modèle d’un ordonnancement aussi précis qu’un rayonnage de librairie rompu par un arrondi à l’avant du bâtiment qui donne cette impression d’immense navire livresque.

Construit en 1961 par l’architecte Jean Benoît, l’édifice décroche le précieux label "Patrimoine du XXe siècle" en 2003. Mais les réelles pépites se trouvent à l’intérieur avec 23 kilomètres de rayonnage comprenant presque l’intégralité des manuscrits de Stendhal, de nombreux incunables ainsi que la plus ancienne bible de Notre-Dame-de-Casalibus, ce qui en fait l’un des plus importants fonds dauphinois.

En plus de cet incroyable dédale d’ouvrages, une salle de lecture, une salle de recherche ainsi qu’une salle d’exposition sont ouvertes au public, afin de profiter du livre sous toutes ses couvertures. Ou en graff, grâce au sublime renard de Veks van Hillik qui habille depuis 2016 le mur arrière du bâtiment.


Garage hélicoïdal de Grenoble : vue sur le ciel

Béton armé un jour, béton armé toujours, tout du moins au XXe siècle. Du côté de la rue Bressieux se cache, derrière la façade d’immeubles style Art Déco, le garage hélicoïdale de Grenoble, autrement dit en forme d’hélice. Édifié à la fin des années 1920 par le binôme Louis Fumet et Louis Noiray, épaulé par l’entreprise Cepeca spécialisée en béton armé, le garage demeure un vestige de l’art industriel de l’entre-deux-guerres.

Bâti en seulement un an, le lieu déploie une rampe de 65 mètres de long pour 7 mètres de large, s’ouvrant sur un puits de lumière grâce à la verrière métallique à son sommet. S’élevant sur 8 niveaux depuis la petite cours triangulaire, le bâtiment est visitable du mardi au samedi de 7h30 à 11h et de 15h à 19h. Il serait dommage de ne pas profiter de cette architecture hallucinante labellisée "Patrimoine du XXe siècle" en 2003, à la géométrie proche de l’abstraction.


Les Trois tours de l’Île Verte, reines d’urbanisme

Depuis la Bastille, il n’y a pas que la tour Perret qui émerge dans le panorama, mais aussi les trois tours du quartier de l’Île Verte. Dressées en plein milieu du parc, ces grandes bandes blanches d’habitations sont inaugurées en 1964. Malgré un style quelque peu passéiste années 1960-1970, ces constructions témoignent d’un pari esthétique et technique d’une ville alors tournée vers le futur, en pleine période des Trente Glorieuses.

Avec leurs 28 étages pour 98 mètres de haut, les trois immeubles sont les plus hauts d’Europe à leur achèvement. Ce sont également les premières constructions du type à avoir des équipes antisismiques. Quant à l’architecture, elle fait référence aux alvéoles d’abeille avec des façades formées de modules cubiques. Offrant une vue imprenable sur les massifs, les trois tours sont logiquement nommées selon le paysage environnant : la Tour Mont-Blanc, la Tour Belledonne et la Tour Vercors.


L’Hôtel de Ville de Grenoble, modernité sobre

Aux abords du parc Paul-Mistral, l’Hôtel de Ville de Grenoble tente de faire de la concurrence à la tour Perret. Et si le bâtiment arrive tout juste à la cheville de cette dernière avec ses 12 étages de 46.5 mètres de haut, contre 95 mètres pour la tour, il représente cependant la modernité de l’époque.

Commandité par le maire Albert Michallon en 1960, l’édifice inauguré en 1967 a été réalisé par l’architecte français Maurice Novarina, en collaboration avec Jean Prouvé. Souhaitant insuffler une vision moderniste aux futurs locaux, les architectes l’ont pensé de façon rectiligne avec des formes épurées. Le béton armé, l’acier et le verre s’allient alors avec simplicité pour répondre à cette attente et offre un mur-rideau de verre impressionnant.

Aujourd’hui labellisée "Patrimoine du XXe siècle de Grenoble", le monument n’abrite pas seulement les services administratifs de la Ville mais aussi des œuvres des sculpteurs Étienne Hajdu et Émile Gilioli ou encore des tapisseries de Raoul Ubac et Alfred Manessier, pour ne citer qu’eux.


Le Palais des Sports, de glace en tous genres

Étrange créature de béton en plein parc Paul-Mistral, le Palais des sports est l’œuvre des architectes Robert Demartini et Pierre Junillon. Alors que Grenoble s’apprête à recevoir les Jeux Olympiques d’hiver de 1968, un bâtiment pour les épreuves de patinage artistique est construit. Inauguré en octobre 1967, l’édifice est logiquement appelé le Palais de glace avant de porter, à partir de 1982, le nom de Pierre Mendès France.

Avec quatre paraboloïdes hyperboliques symétriques, dont l’intersection en forme un cinquième, l’architecture s’impose tel un triomphe au mouvement moderne qui prône la promesse technique avant toute chose. L’intérieur est composé d’une salle modulable qui peut accueillir 12 000 personnes assises, qui aujourd’hui ne s’y rendent non plus seulement pour du patin mais aussi pour des manifestations culturelles et festives. Le lieu est ainsi devenu un palais des événements pluriels, marqué du label "Patrimoine du XXe siècle de Grenoble".


Cémoi, du chocolat à la start-up

En plein cœur du quartier Bouchayer-Viallet, il n’y a pas que le Magasin des Horizons qui a su se faire une place dans le paysage urbain. Le long de la rue Ampère apparaît ainsi entre deux barres d’immeubles modernes les anciennes usines Cémoi. Doux nom aux accents chocolatés d’antan, les locaux abritent aujourd’hui des entreprises, des start-ups et des associations.

Mais avant de se transformer en espace de cohabitation professionnelle, c’était bien le chocolat qui régnait en maître dans ce bâtiment à la façade parsemée de rouge. Construit en seulement un an, le bâtiment concasse ses premières fèves dès 1920 sous la direction d’Aimé Bouchayer. Mais la gestion financière désastreuse pousse au rachat de l’entreprise seulement quelques mois après par Félix Cartier-Millon, dépositaire de la marque Cémoi. Même son de cloche cependant en 1970 avec un dépôt de bilan qui permet le rachat de la bâtisse par la Ville de Grenoble et une rénovation des espaces en 2008. Aujourd’hui, l’édifice carré abritant une petite cour intérieure et s’élevant sur deux niveaux loge vos humbles serviteurs du Petit Bulletin depuis 1997.


L’église Saint-Jean, marquante nouvelle

Dans la vague des églises nouvelles, il n’est pas rare d’avoir vu apparaître de véritables ovnis architecturaux. Celle qui s’est posée le long du boulevard Joseph Vallier en fait partie. L’église Saint-Jean, par sa forme circulaire montée sur pilotis, demeure une réelle curiosité monumentale.

Construite entre 1963 et 1965, l’édifice religieux se compose d’un diamètre de 37 mètres offrant une capacité d’accueil de 1 300 personnes. La nef, surélevée de 5 mètres, forme une cuvette supportée par 18 piliers en béton armé, tandis que le dôme est composé de cônes renversés. Suite à des problèmes d’infiltration, la toiture autoportante en hyperboloïde a été refaite en 1979 et accueille désormais à son sommet un lanternon de 9 baies duquel émerge une croix jusqu’à 27 mètres de haut. Labellisé "Patrimoine du XXe siècle de Grenoble", l’édifice Saint-Jean est à ce jour la plus marquante des églises nouvelles de Grenoble.


Le nouveau Palais de Justice, architecture transparente

Si le béton armé a du succès dans l’urbanisme grenoblois, le verre aussi. En plein cœur du quartier Europole, le long de la rue Pierre Sémard, s’érige tout verre le nouveau Palais de Justice de Grenoble. Inauguré en septembre 2002 (en remplacement du trop étroit Palais du parlement place Saint-André), le projet a été amorcé en 1993 suite à une campagne du ministère de la Justice afin de moderniser le patrimoine et renouveler l’image de l’institution. Un an plus tard, Claude Vasconi remporte l’appel à projets et souhaite transmettre par la façade translucide l’idée de « transparence de la justice ».

De la base triangulaire de l’architecture s’élève ainsi une construction de glace où se mêlent le métal et la pierre, combinaison de matériaux qui joue sur le gris et le bleu du ciel. Seul bâtiment en France à réunir toutes les juridictions sous le même toit, le mobilier a également été dessiné par l’agence Vasconi pour une continuité entre extérieur et intérieur. Le granit du parvis fait preuve de cette homogénéité d’ensemble en se prolongeant dans la salle des pas perdus jusqu’aux salles d’audience. Alors n’hésitez à suivre les pas à l’intérieur, pour notamment découvrir les œuvres de Denis Arino qui ornent les murs jusqu’au 17 juin.


Le Musée de Grenoble, joyau artistique

D’un parterre de sculptures étranges émerge, place Lavalette, le Musée de Grenoble. Joyau architectural autant qu’artistique, l’institution a connu plusieurs demeures avant de trouver son écrin idéal le long de l’Isère. Créés en 1789, les collections du musée sont abritées, à partir de 1867, dans le Musée-Bibliothèque place Verdun. Plus d’un siècle après, le projet d’un nouveau bâtiment est lancé. Ce sont les architectes grenoblois Antoine Félix-Faure, Olivier Félix-Faure et Philippe Macary qui conçoivent les plans qui prennent vie à partir de 1990.

En septembre 1994, le Musée de Grenoble est inauguré. Avec plus de 50 salles, le public peut profiter de 900 pièces au cœur des expositions permanentes, mais aussi temporaires. L’éclairage zénithal naturel, ainsi que les façades ajourées, offrent des espaces d’exposition qui mettent parfaitement en valeur les œuvres, dont les collections ballaient l’art international jusqu’au XXIe siècle, faisant du Musée de Grenoble, en plus de son élégance architecturale épurée, l’un des plus importants de France.

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