états des lieux / Les lignes éditoriales des programmations théâtrales se sont identifiées et continuent à s’inscrire en complémentarité. Pourtant, du côté des spectacles de théâtre vus cette année, les propositions restent dans l’ensemble plutôt atones et consensuelles. Séverine Delrieu
Premier constat : les lieux presque exclusivement dédiés au théâtre se font de plus en plus rares dans l’agglomération. Et les propositions théâtrales réalisées par des compagnies professionnelles, basées en Isère ou pas, ne sont pas forcément si nombreuses. Mais faisons le tour des salles pour mettre en relief moments forts et particularités notables. À la MC2, qui accueille en son sein le Centre Dramatique National des Alpes (CDNA), dont le nouveau directeur est attendu au cours de l’automne (voir encadré), la programmation théâtrale se veut “diversifiée” afin d’attirer et de “satisfaire” un grand nombre de spectateurs. De la saison on retiendra deux spectacles majeurs, Atteintes à sa Vie et les Dix commandements, le reste, selon nous, n’atteignant pas les mêmes exigences de forme, de sens, et de jeu. Au Théâtre Municipal la programmation allie théâtre privé, commercial aux spectacles des compagnies locales. Cette salle a connu cette année «une saison plus calme, au sens où l’on ne s’est pas inquiété de savoir si le public était là puisqu’on a eu une augmentation de 50%» se réjouit Jérôme Safar, adjoint à la Mairie en charge de la Culture. L’Espace 600, Scène Régionale dédiée au théâtre pour le jeune public, où la qualité théâtrale est liée à une réflexion intéressante sur l’enfant, jouit d’une présence régulière du public : «on s’est assuré un public avec les écoles. Les enfants viennent ensuite en soirée avec les parents» résume Geneviève Lefaure, la Directrice. Dans ce lieu, on note une augmentation de 12% de la fréquentation. Un projet qui se développera autour d’une nouveauté originale pour la saison prochaine : des spectacles adressés particulièrement aux adolescents, dont une commande à Wajdi Mouawad. L’Amphithéâtre du Pont-de-Claix a de nouveau attiré l‘attention grâce à L’Hommage à l’acteur et particulièrement avec les captivantes propositions de Marie Vialle et d’Emmanuel Meirieu. À la rentrée prochaine une salle de répétition sera opérationnelle à l’Amphithéâtre : «elle permettra de travailler régulièrement et de partager l’outil avec les autres compagnies» explique Michel Belletante, le Directeur.Théâtres des collectivitésLe Théâtre de Création, lui, a pour mission le repérage, le soutien, l’accompagnement aux compagnies émergentes. Ce théâtre est directement dirigé par la Direction des Affaires Culturelles (DAC), donc par la Mairie, à travers un chargé de développement et une personne chargée du Théâtre à la DAC. Cette confusion des tâches, mais aussi ce manque de distance des collectivités par rapport à l’artistique, semble jouer en défaveur de la construction de l’identité du lieu, identité qui aurait tout à gagner à être plus forte. David Aparicio, chargé de développement culturel du théâtre reconnaît que «le lieu n’a pas encore trouvé son identité puisque c’est la première année que le dispositif est complet et réellement opérationnel». Grégory Faive, comédien et metteur en scène, a monté son premier spectacle dans ce lieu. Son avis sur la structure est mitigé : «d’un point de vue des moyens, espace, équipement, matériel, c’est très bien. Mais le Théâtre de Création en tant que projet n’est pas encore assez clair : pour l’instant, il existe à travers les artistes qu’il décide de programmer et non comme un réel projet dans lequel les artistes s’inscriraient». Cette structure n’est ni suffisamment identifiable, ni suffisamment connue des différents instances culturelles à l’échelle régionale, départementale ou même de la Ville pour permettre encore aux spectacles créés de tourner. À l’Heure Bleue, qui propose entre autres du théâtre (la programmation est fournie en chanson, musique du Monde et en danse), un nouveau directeur, Vincent Villenave est arrivé il y a 9 mois. Il souhaite en matière de théâtre proposer dès la rentrée des spectacles qui marient divers genres (théâtre musical, théâtre d’objets...) afin de placer la salle en complémentarité avec les autres lieux. On peut regretter cependant que le Mois de la Création Belge, qui avait donné un élan fort au lieu, sera supprimé. Théâtres salutairesL’autre Scène Nationale de l’agglo, l’Hexagone affirme et développe un projet vraiment ambitieux : Les Rencontres I qui s’articulent autour du lien entre Art et sciences, drainent un large public (voir ci-dessous). La programmation théâtrale prend aussi quelques risques salutaires dans cette salle, comme avec Vive la France de Mohamed Rouahbi qui a suscité des réactions nombreuses et contrastées. Peut-être qu’il faut aller du côté des collectifs, des associations, des lieux alternatifs pour y trouver un théâtre attentif et nerveux. Dans cette optique, les rencontres avec les dramaturges et leurs textes lus et choisis par le collectif Troisième Bureau sont des plus nourrissantes (on se souviendra longtemps de la lecture de Au cœur de l’Amérique et de la rencontre d’avec son auteur Naomi Wallace lors du dernier Festival Regards Croisés). Dans la perspective de la saison 2007/2008, faisons le vœu d’un théâtre exempt de ces fausses équations qui opposent exigence artistique et salles pleines, gageons que le théâtre soit un miroir du monde, ne se contentant pas d’être objet de consommation culturelle, mais vecteur de pensée.
