La traversée des corps

Interview / La célèbre Russell Maliphant Company interprétera un double programme exceptionnel à la Rampe : LES PIÈCES Transmission et Push. Entretien avec son humble chorégraphe, Russell Maliphant. Propos recueillis par Séverine Delrieu

Pourquoi et comment la lumière est-elle devenue si importante dans votre travail chorégraphique ?Russell Malliphant : Avant de commencer à créer mes propres projets, j’ai travaillé avec quelqu’un qui est spécialisée dans l’improvisation, Laurie Booth. Au cours de ce stage, j’ai rencontré Michael Hulls (ndlr : créateur lumière et co-directeur de la compagnie Maliphant). Simultanément, j’ai collaboré sur un spectacle à l’écriture du mouvement dans le cadre du Dance Umbrella Festival, Et cela a coïncidé avec le début de la création de mes pièces. J’ai été très chanceux de rencontrer Michael Hulls à cette époque. Notre travail a débuté sur la route, pendant une tournée. On avait plein d’envies. Quand s’est présentée une opportunité de création, qui devait comprendre une partie improvisée et une partie déterminée à l’avance, nous avons pu approfondir notre travail commun, et expérimenter à tout va. Nous avons essayé plein de choses, et de là naissaient de nouvelles idées. Cela nous motivait pour de nouveaux spectacles. Puis, j’ai pu créer une nouvelle pièce. J’ai naturellement fait appel à Michael Hulls. On avait déjà à ce moment là de la matière a explorer : notamment une nouvelle façon de concevoir la création lumière en lien direct avec le mouvement. La pièce Transmission donne l’impression d’un tableau en mouvement. Êtes-vous influencé par les peintres ?Michael est très influencé par les peintres, et je suis plus dans le mouvement, même si le flux ressemble à du Jackson Pollock.On pense à Bacon dans Transmission, ou à Matisse, La danse justement...Effectivement, il y a des connexions.Vous avez créé Push pour et avec la danseuse Sylvie Guillem avec laquelle vous avez aussi dansé ce duo. Comment s’est déroulée la création ?Et bien nous avons eu plusieurs périodes de travail ensemble éparpillées dans le temps. Nous n’avons pas eu les 6 à 8 semaines usuelles de travail au même endroit. Nous avons eu 5 jours là, deux semaines ailleurs, puis 5 jours trois mois plus tard. Mes idées et mon inspiration, je les trouvais dans la photographie ou la sculpture. Notamment chez Michael Ayrton qui m’a servi de référence, en particulier pour la partie portée. Car l’idée de Push était de garder quelqu’un au-dessus du sol assez longtemps dans la première section. Alors que la deuxième section, à l’inverse, se déroule uniquement au sol. La dernière phase est plus libre, les mouvements y sont plus lâchés, alors qu’on commence avec quelque chose de plus statique. D’une certaine manière, la deuxième partie est plus classique. Ce sont les idées de base, précédant le travail.Qu’avez-vous voulu dire sur le couple avec Push ?Je pense qu’effectivement, quand vous avez un duo sur scène, il y a quelque chose qui se dit sur la relation entre un homme et une femme. Je voulais permettre que ce soit inclus dans l’œuvre, qu’on le découvre dans le matériau. Je ne voulais pas qu’on y voit un point fondateur à la pièce.Est-ce que la musique et la lumière ont autant d’importance dans Push, que dans vos autres pièces ?Dans Transmission, si vous enlevez la lumière, certains passages pourraient devenir ridicules, je veux dire si vous n’avez que le mouvement pur. J’ai besoin de la lumière pour que cette pièce fasse sens. Tandis que pour Push, si vous regardez la pièce dans un studio, sans lumières, elle fonctionne. Donc, d’une certaine manière, on en a pas besoin. Ceci dit, je ne dirais pas que la lumière dans cette pièce est moins importante : le facteur lumière est primordial pour la mise en scène, c’est juste que les effets de la lumière sont moins primordiaux que le mouvement lui même. Dans Shift, ou dans Two, là aussi, le mouvement n’aurait aucun sens s’il n’y avait pas la lumière.Vous avez beaucoup écrit pour des danseuses. Est-ce que le corps féminin vous inspire quelque chose de particulier ?Évidemment le corps féminin est différent, et les différences m’intéressent. Mais au-delà, c’est l’unicité de chaque individu qui m’inspire encore davantage. Parce que c’est la spécificité et l’histoire de chaque corps qui me nourrit. Dans vos pièces, le bras, les muscles des bras sont très présents. Ont-ils une signification particulière ?Non, pas particulièrement. Mais quand on regarde des sculptures, alors les pieds sont aussi importants que les mains et que le corps dans son ensemble. Ceci dit, sur scène, on utilise beaucoup l’éclairage en douche, et quand vous éclairez par le haut les parties qui apparaissent le plus sont les bras, les épaules et la tête. Donc, pour répondre à cet éclairage, je ne peux pas privilégier les pieds. On utilisera les pieds avec une poursuite ou un éclairage frontal qui donnera moins l’aspect sculpté. C’est pour cela, dans un certain sens que les bras sont devenus un élément important dans mes créations.On sent un travail étonnant sur la circulation des énergies dans l’ensemble de votre travail. J’ai étudié la Rolfing Method structural integration. Cette méthode cherche une sorte de fluidité dans les mouvements, mais aussi dans l’espace, où comment les mouvements traversent le corps. Avec cette méthode, on s’intéresse à des enchaînements séquentiels, en restant assis, ou en étant debout, en respirant, ou même dans des jetés ou assemblés sur scène. Cette observation, j’ai voulu l’approfondir en trouvant la fluidité dans l’espace. TRANSMISSION /PUSHLe 13 mars à 20h, La Rampe (Echirolles)

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