Desproges est vivant

Théâtre / Avec Les Animaux ne savent pas qu'ils vont mourir, Michel Didym rend hommage à ce virtuose de la phrase qu'était Pierre Desproges. Mais lui fait aussi un croche-pied en soulignant son peu de talent pour écrire des chansons. Christophe Chabert

Bancal. C'est le mot qui s'impose au sortir des Animaux ne savent pas qu'ils vont mourir. Posons les choses dans l'ordre voulu par Michel Didym : d'abord, lever de rideau où trois personnages accompagnent un type affublé d'un masque de chien. Pendant qu'ils lui font subir diverses interventions chirurgicales, les voilà qui dissertent sur la différence entre l'animal, l'homme et l'enfant. On reconnaît immédiatement les mots de Pierre Desproges, cette langue inimitable, d'une férocité sans pareil et d'une virtuosité qui laisse plus d'une fois le spectateur la bouche ouverte d'admiration. Didym fait ici un pari audacieux : montrer que cette langue-là, dont les origines sont diverses (sketchs, réquisitoires au Tribunal des flagrants délires, chroniques radiophoniques...) peut s'adapter à la scène théâtrale "traditionnelle", à ses conventions et à ses acteurs. Le choix des textes, assez gonflé, télescope moments de pure poésie verbale (ce foutu rythme... Mais comment Desproges faisait-il pour écrire si bien ?) et grands raids de cruauté féroce (on entend toujours des rires jaunes dans le public quand résonne la phrase "Il paraît que des juifs se sont glissés dans la salle..."). C'est quand le spectacle se met au diapason de la méchanceté "desprogienne" qu'il agite le plus les zygomatiques : des "Errants du crépuscule" (faux chef-d'œuvre sur deux amants leucémiques inventé à l'époque pour railler les prétentions littéraires de PPDA) à "l'Association des non-handicapés de France" (dont la portée semble décupler avec le triomphe des lois castratrices et politiquement correctes), Didym ne recule pas devant l'audace polémique qui a fait toute la réputation de Desproges. Pas de chance, des chansons ! Bancal, disait-on. Probablement pour apposer sa marque sur ce qui n'aurait pu être qu'une brillante relecture polyphonique, Didym a cru bon d'aller intercaler entre les saynètes des intermèdes musicaux et chantés qui, bien qu'écrits par Desproges lui-même, ne tiennent pas deux secondes la comparaison avec le reste de ses écrits. Étonnante découverte (dont on se serait passée) : Desproges, celui qui savait mieux que personne faire chanter les mots (le rythme, le rythme... Mais comment faisait-il ?) était incapable de trouver les mots pour faire vibrer des chansons. On s'en tient donc à quelques exercices de chansonniers un peu poussiéreux, cabaret fauché où de vieux échos de Boris Vian se greffent sans grâce sur des accords très bal musette. Les Animaux ne savent pas qu'ils vont mourir, c'est un peu les montagnes russes : on crie lors des montées textuelles vers le sommet, et on laisse l'adrénaline redescendre quand les premières notes se font entendre. Les Animaux ne savent pas qu'ils vont mourirdu 12 au 16 décembre, au Grand Théâtre de la MC2

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