Paradoxe onirique

Après le beau succès de son Alice au Pays des Merveilles, Laurent Pelly s’attaque à un autre cauchemar scénique présumé : "Le Songe" d’August Strindberg. N’ayant pu assister à une répétition, on se console avec une interview du maestro. Propos recueillis par François Cau

Comment le processus de création a évolué entre les deux temps de répétition ?
Laurent Pelly : On a répété un mois cet été, en se focalisant d’abord sur le texte, le sens, et puis un autre mois maintenant. C’est beaucoup et en même temps très peu pour une pièce comme cela, avec tous ses tiroirs et ses ressources infinis… Entre ce laps de temps j’ai travaillé seul, et je me suis rendu compte que la pièce est à la fois autobiographique, qu’il n’y a pas un détail à l’intérieur qui ne se rapporte pas à la vie de Strindberg, à sa personnalité complexe et bouillonnante, et à la fois que le sujet était la contradiction de l’humain, à la petite échelle de l’auteur mais aussi de celle de notre monde.

Strindberg joue sur les paradoxes, sur la nature humaine et ce que la société en attend…
Oui… Mais ce n’est pas une pièce à message, Strindberg n’est pas un théoricien, il est sur l’instant de manière très violente, ce qui entraîne des fulgurances d’une grande lucidité, des choses qui peuvent se rapporter à chaque personne de manière très intime ; et dans le même temps des délires incohérents, notamment par rapport à la religion. On n’est pas chez Brecht, il n’y a pas de solutions, il ne faut jamais oublier qu’on est dans un songe, dans le choc entre deux univers. Ce qui m’intéresse avant tout c’est la modernité de la forme, sa liberté dans l’écriture et dans l’invention dramatique.

Strindberg c’est les films de Fellini, Bergman et Bunuel, et même le théâtre de Beckett avant la lettre… Le fait de retrouver la troupe du Roi Nu doit aider à démêler cette complexité ?
Bien sûr, c’est ce que je dis tout le temps : je n’aurai jamais choisi de monter Le Songe sans la troupe. Aujourd’hui on mesure la difficulté, mais il faut trouver le bon rythme des mots, du rêve qui correspond à chacun. On travaille sur le sens, sur la création d’un jeu de piste à l’intérieur de la pièce, pour finalement que tout paraisse limpide au spectateur. C’est à nous de tirer le fil pour livrer le résultat le plus évident. Je crois que Bergman a monté sept fois cette pièce, ça ne m’étonne pas…

Peux-tu nous livrer quelques pistes scénographiques ?
On a fait des expériences avec Chantal Thomas, on aurait pu verser dans quelque chose d’énorme mais on a préféré privilégier l’épure. On est sur une somme de paravents, de panneaux mobiles qui fabriquent des espaces, dans un esprit pictural mais pas réaliste du tout. C’est très mouvant, on se rapproche du style des Contes d’Hoffmann… Il y a également un gros travail sur le son et la lumière, pour voyager le plus possible.

Et sinon, c’est pas trop dur de diriger un comédien qui a tourné avec Spielberg (ndlr : Karim Qayouh a un petit rôle dans Munich) ?
(Rires) Non pas du tout, il reste toujours le même, ça va, il ne se la pète pas… C’était au mois d’août dernier, il m’a appelé peu de temps avant les répétitions pour me dire qu’il serait en retard de quelques jours, parce qu’il tournait avec Spielberg, j’étais sûr qu’il me montait un bateau…

Le Songe
Du 7 au 16 mars, au Grand Théâtre de la MC2

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