Exotismes ravageurs

théâtre / En abordant dans La Comédie Indigène le thème du colonialisme français, la compagnie Naravas aurait difficilement pu se retrouver plus en phase avec l’actualité. Entretien avec le metteur en scène, Lotfi Achour. Propos recueillis par Damien Grimbert

Comment est née La Comédie Indigène ?Lotfi Achour : Ça fait longtemps que je voulais travailler sur l’histoire coloniale, et plus particulièrement, au départ, sur l’exposition coloniale de 1931. Et finalement, au fur et à mesure que je plongeais dans un tas de documents, des images, des films, des livres essentiellement, je me suis plutôt orienté vers un spectacle qui remonte aux sources, aux origines de la colonisation, et des représentations que la société occidentale, la société française notamment, a pu se faire de l’autre, c’est-à-dire des Asiatiques des Africains, des Arabes, etc. Et le propos du spectacle, c’est d’aller chercher dans les écrits et les paroles disons des “grands hommes” de l’Histoire de France. Des textes d’hommes politiques comme Tocqueville, Lamartine, ou Jules Ferry, de grands hommes de lettres, Victor Hugo, Maupassant, etc., et de scientifiques comme Antoine Poreau, qui était le patron de la Faculté de Psychiatrie d’Alger en 1965. Et d’effectuer dans tout ça une sorte de travail presque “archéologique” pour comprendre, interroger un peu toutes les représentations que la société française s’est faite des autres, et la façon dont elles continuent à alimenter la perception, les clichés qu’on a aujourd’hui de ces populations-là.Un thème méchamment dans l'air du temps…Ce qui est étonnant bien sur, c’est que pendant qu’on répétait le spectacle, on voyait resurgir de façon incroyable dans l’actualité des phrases dont on a l’impression qu’elles provenaient des textes. À propos de la polygamie par exemple, on était “morts de rire”, parce que dans le spectacle, il y a une citation de Montesquieu qui disait en gros que le Nord ne peut être que monogame à cause du climat frais et tempéré, et le Sud polygame, parce que la chaleur, la moiteur excitent les sens et font que les gens baisent dans tous les coins. Et ce qui est assez terrible, c’est qu’aujourd’hui, même si ce n’est pas ça qui est dit, on met encore en cause la polygamie de manière ouvertement fantasmagorique, en ne s’appuyant sur rien de précis comme des études sociologiques, ou des rapports de travailleurs sociaux ou de chercheurs. Donc en fait, la période actuelle est en train, d’une certaine manière, de me conforter dans l’idée que le projet avait tout à fait sa place aujourd’hui, et que c’était bien de le faire maintenant parce qu’au fond, les clichés ont la vie dure.Quel ton avez-vous choisi d’adopter pour traiter ce sujet ?Moi la question qui m’importe, ce n’est pas seulement celle de la dénonciation, ce serait stérile d’en rester là. Parce que ce qui était dingue dans ces histoires-là, c’était aussi la forme, pas seulement le fond. Par exemple, dans les lettres d’un cousin militaire en Afrique, il décrit des massacres, des villages brûlés, mais de façon très cool, presque détachée. Et bien dans cette pièce, on est aussi dans une forme extrêmement ronde, raffinée, tranquille, très “civilisée”…La comédie indigènedu 14 au 23 décembre à 20h30, au Théâtre 145

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