Aurélien Bory : C'est quoi ce plan ?

Musique et vidéo en direct, jonglage et jeux de cache-cache sur et à l’intérieur d’un plan incliné. Plan B de la Cie 111 allie virtuosité et lyrisme. Rencontre de haut- vol avec Aurélien Bory, concepteur de ce “space –opéra” bourré d’effets spaciaux… Propos recueillis par Hugo Gaspard

Plan B est le second volet d’une trilogie sur l’espace. Comment est né ce projet ?

Aurélien Bory : Depuis sa création en 1999, la Cie 111 s'est choisi comme objectif de développer une recherche spécifique sur le jonglage et l'acrobatie, et au-delà, d'explorer le langage de l’action scénique en cherchant à en extraire son contenu poétique. Dans cette démarche, la question de l'espace s'est imposée, par le jonglage et l'acrobatie et en investissant l'espace de cette manière. C’est comme ça qu’est né le projet d’une trilogie entièrement consacrée à l’espace : le premier volet IJK qui questionne le volume, les 3 dimensions, est né en septembre 2000. Plan B, que nous avons créé en janvier 2003, interroge quant à lui les deux dimensions et donc le plan. Suivra enfin Plus ou moins l'infini dont l’objet est la ligne en octobre 2005. Ces trois spectacles sont conçus pour un plateau de théâtre et prennent chacun comme point de départ le décor, mobile, manipulable et transformable, à la fois seul support de travail et argument scénographique fort.

Comment s’est faite la rencontre avec le metteur en scène new-yorkais Phil Soltanoff ?

Lors d’un stage à côté de Toulouse, j’ai découvert son travail sur l’espace qui présentait de nombreuses similitudes avec mes préoccupations. En regardant Plan B, on suppose immédiatement que c’est un travail d’équipe, mais c’est une collaboration plus qu’une création collective, en ce sens qu’il y a un projet conçu et une équipe qui s’en empare, en le traduisant, en en apportant sa lecture. À partir du moment où le projet est conçu, il devient un centre mouvant dont chacun s’empare tour à tour. Dès le premier jour de répétition, je quitte le centre du projet. Phil orchestre, met et assemble les choses sur scène, ce qui permet de révéler le sens par juxtaposition de matières.

Comment réagissez-vous lorsque que Plan B est considéré de manière réductrice comme du nouveau cirque, alors qu’au-delà du jonglage et de l’acrobatie, le spectacle joue surtout avec les codes du théâtre et se nourrit de la danse et de références au cinéma ?

Ce n’est pas vraiment gênant. On est au croisement de chaque domaine et on échappe en même temps globalement aux catégories. Qu’elles nous programment aussi bien en théâtre, qu’en danse ou en cirque… On laisse faire les structures qui nous invitent à partager un moment avec leur public. Ce qui importe surtout, c’est le contact avec ce public. Dans notre travail, on utilise l’outil plateau et tous les artifices du théâtre. À la recherche en acrobatie et en jonglage, s'ajoutent des travaux spécifiques sur la lumière, les principes de sonorisation, la musique vivante et électronique, la vidéo… Des logiques empruntées à la danse, à la manipulation d'objet, à la magie et au théâtre d'ombres viennent nourrir la création. Chaque comédien a une formation polyvalente, comme celle du théâtre russe des années 20, où on savait danser, chanter et jouer la comédie. Pour moi, le cirque, c’est le chapiteau, le cercle et le lieu de la performance. J’aime l’idée que l’on prouve que le théâtre, cela peut être cela aussi. Cela surprend beaucoup.

Un théâtre dont le verbe est absent. Un des enjeux essentiels du spectacle ?

On voulait montrer qu’on pouvait utiliser un croisement entre les arts visuels sans la parole. De la poésie des maths plus que des lettres en somme. C’est un peu la philosophie de la Cie 111. L’acteur qui communique sans la parole offre des moments de théâtre où on peut se concentrer sur les états de corps. Dans un autre rapport au public.

Vous ne pouviez évoquer la figure du plan sans parler du plan de cinéma. Plan B est à la fois extrêmement cinématique et cinématographique.

Complètement. On utilise au départ sans le savoir, un parcours vidéo que Méliès avait conçu en 1903 et il y a de multiples références au cinéma. Quand le mur tombe, c’est une citation directe de La Tempête de Buster Keaton. Plus loin, il y a des références à de nombreux films de Kung-fu de Hong-Kong, ou aux grands espaces du Western avec les plans du désert de l’Utah. Ou à Paris, Texas de Wenders, avec la figure de cet homme rongé par la solitude. A ce moment, je voulais que la partie de guitare ressemble à celle de Ry Cooder… Et puis, comme l’art enregistré n’appartient pas au théâtre, tout se joue et se reconstruit en direct en représentation.

Plan B est une magnifique invitation au rêve. Quels sont les vôtres ?

Plan B mène l’écart entre nos propres rêves et nos projets. Métaphoriquement, c’est un moyen de nous interroger sur où nous en sommes. Dans nos rêves, il y a cette part d’ universalité, ce désir commun d’échapper à la gravité, de ce rêve américain aussi. Et cet appel au rêve, c’est un peu toute l’histoire du XXe siècle.

Plan B par la cie 111 les 8 et 9 avril à 20h à l’Hexagone

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