La soif du vrai

Assoiffés, un texte de Wajdi Mouawad mis en scène par BenoÎt Vermeulen, aborde les questions liées à l'adolescence avec une infinie justesse. L'aspect alerte et vivant du spectacle renvoie au propos de la pièce : soit comment vivre dans le juste, ne pas se départir de ses rêves, au risque de se couper de la vie. Séverine Delrieu

Évacuant les écueils caricaturaux et réducteurs sur cette période de la vie qu'est l'adolescence, Wajdi Mouawad écrit néanmoins sans détours ni faux-semblants sur les questions qui taraudent les adolescents, ou qui apparaissent à cette période. Sexualité, rêve, espoir, colère contre la société, suicide, amour, découverte d'un nouveau corps, quête d'absolu, envie de vivre, soif de beauté, angoisse de mort, peurs et fragilités. Des thèmes forts que Wajdi Mouawad développe à travers une histoire symbolique construite sur la base d'une architecture particulière : on avance dans cette pièce par petites séquences non chronologiques, comme si l'on était dans la pensée d'un seul homme, et l'on ne comprend que petit à petit les liens qui relient les différents personnages du passé, du présent, fictifs ou réels ; une structure qui permet un suspense très cinématographique. À ce titre, le texte s'avère en parfaite adéquation avec la mise en scène. Et Assoiffés n'est jamais pesant : l'humour constant, la force poétique, le lyrisme de la mise en scène (très visuelle) et du texte permettent à cette histoire abordant aussi les sujets de la gémellité, de la famille, de la création et de la réconciliation de passionner et de parler effectivement à des adolescents, mais aussi de parler à l'adolescent trop rabougri et contenu en chaque adulte.Un monstre de beautéDeux cadavres. Deux corps enlacés sont retrouvés sous l'eau glacée. C'est une image forte et une énigme pour Boon, la narrateur de l'histoire et “anthropologue judiciaire“ de son état. Comprendre ce drame oblige Boon à remonter dans ses souvenirs d'adolescent, et, quelque part, à faire remonter son drame. Il se souviendra alors de Murdoch, un ancien voisin, adolescent qui un jour s'est mis à parler sans discontinuer, de son lever jusqu'à sa mort – personnage entier, comique et attachant pour lequel Mouawad écrit un texte dantesque, juste, à bien des égards sur les sujets d'actualité. Il se souviendra du crachat de son frère, de son rêve avorté d'adolescent, celui de devenir auteur ; il se souviendra aussi de ses personnages créés pour le devoir de son frère, de Norvège notamment, adolescente chargée d'une monstruosité effrayante, incommunicable, mais aussi de ses parents inquiets, et du professeur Boltanski - des sortes d'allégories de la monstruosité et de la beauté, des mythes inquiétants. À travers la résurgence de ce passé, et à l'issue de l'enquête (fictive, réelle ?) Boon peut se réconcilier avec lui même et avec l'autre. Portée par les comédiens du Théâtre du Clou à la fois très physiques, drôles et émouvants, cette histoire nous dit combien les rêves, la soif de vivre en accord avec soi même, avec ses convictions, et son monde intérieur s'avèrent être le chemin vers la beauté.Assoiffés jeu 17 et ven 18 jan à 19h30, à l’Espace 600 (dès 14 ans)

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