Grandeur et décadence

Théâtre / Michel Piccoli dans le rôle de Minetti, c’était la promesse d’un jeu de miroirs foisonnant sur la matière théâtrale. Pari tenu ? Presque… FC

Théoriquement, le projet est passionnant. André Engel retrouve Michel Piccoli, trois ans après leur Roi Lear, pour monter Minetti de Thomas Bernhard. Soit un acteur en fâcheux déclin, sur la pente raide de la nostalgie logorrhéique des faits d’armes passés, qui débarque dans un hôtel d’Ostende, pour un rendez-vous avec un directeur de théâtre souhaitant le voir interpréter… Le Roi Lear. Au jeu de la mise en abyme, quelques jours après la première parisienne, le vice est poussé à son paroxysme : Michel Piccoli, monstre sacré rattrapé par le poids des années, accuse des problèmes de mémoire intégrés vaille que vaille à la pièce. Perdu dans un décor outrageusement rococo comme dans une mise en scène statique, cherchant autant ses marques que son texte, le comédien entretient à ce point le parallèle avec son personnage qu’on ne peut passer outre une malséante impression de voyeurisme face à ce monument voûté, exposé crûment à notre regard dans toute sa présente fragilité. Piccoli reste cependant accroché coûte que coûte à son personnage, se joue habilement de la contrainte du monologue en s’accaparant ses répétitions, ses doutes permanents. Pour lui comme pour Minetti, The show must go on. Doutes
Selon nos camarades lyonnais qui ont pu le voir la semaine dernière, le spectacle s’est rôdé, Michel Piccoli s’est emparé de son monologue avec plus de fluidité. Reste la tenace impression que cette mise en scène prend le risque assumé de ne se reposer que sur son acteur principal. C’est là le plus grand paradoxe de la pièce : en entretenant furieusement le parallèle entre le rôle et son interprète, en suscitant de fait un malaise on ne peut plus signifiant, on pourrait dire qu’elle touche au but, qu’elle nous remue pour mieux faire résonner les mots souvent cinglants de Bernhard sur la chose théâtrale, ses réflexions acerbes sur les rapports entre artistes et public qu’il se plaît à mettre dans la bouche du vieil artiste. Mais pour ce faire, André Engel opte volontairement pour une distance dans sa mise en scène qui, selon nous, aurait tendance à atténuer lourdement la portée du texte. Ni le clinquant du décor, ni ses artifices, ni la profusion soudaine de figurants ne viennent endiguer la sensation d’un plateau exsangue, désincarné, où le texte semble se noyer. Mais soudain, une chanson de Tom Waits retentit d’un vieux magnétophone, la neige s’abat sur Minetti, on commence à ressentir l’émotion qu’on recherchait depuis le début. Las, nous sommes à la fin du spectacle… Minetti
Du 31 mars au 4 avril, au Grand Théâtre de la MC2

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 17 octobre 2023 L'édito du Petit Bulletin n°1221 du 18 octobre 2023.
Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Lundi 24 avril 2023 Le secteur culturel grenoblois s’empare, depuis peu mais à bras-le-corps, du sujet épineux de la transition écologique. Mobilité des publics, avion ou pas avion pour les tournées des artistes, viande ou pas viande au catering, bières locales ou pas...
Lundi 13 février 2023 Dans la catégorie humoriste nonchalant, on demande le pas encore trentenaire Paul Mirabel, drôle de Zèbre (c’est le nom de son spectacle) qui cartonne depuis (...)
Lundi 16 janvier 2023 Trois soirées électro à Grenoble pour faire bouger tes nuits : Ed Isar le 24 janvier à la Bobine, Umwelt le 27 janvier à l'Ampérage et une Semantica Records night le 28 janvier à la Belle Électrique.

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X