Les mariés étaient en noir

DANSE. Le Ballet de Lorraine propose une double lecture des Noces, oeuvre de Stravinsky et des Ballets russes. Ou quand le classique prend des apparats modernes sans perdre son essence. Aurélien Martinez

Petite leçon d'histoire pour commencer… et surtout savoir où l'on met les pieds : les Noces de Bronislava Nijinska (sœur du célèbre danseur Vaslav Nijinski, dont L'après midi d'un faune a été réinterprété en début de saison à la MC2 par Olivier Dubois) est un classique des emblématiques Ballets Russes : c'est en 1923, sur une musique d'Igor Stravinsky, que la chorégraphe polonaise crée cette pièce de quatre tableaux racontant la préparation et le déroulement d'un mariage dans la Russie paysanne. Le Ballet de Lorraine (ici composé d'une trentaine de danseurs) s'empare de cette œuvre phare en ayant la bonne idée d'en proposer deux interprétations : d'abord l'originelle, puis une version plus “moderne” par le chorégraphe finlandais Tero Saarinen.Fatalisme vs libre-arbitre
Le rituel est au cœur des Noces : les époux se marient selon la tradition, la place pour le libre-arbitre étant réduite à néant. La musique se fait donc lourde, brutale, les danses traditionnelles sont enchaînées avec un automatisme déconcertant. Et les jeunes mariés semblent comme avalés par leur destin, sans emprise sur lui. Le Ballet de Lorraine reste pleinement dans cet axe (la tradition plutôt que l'amour), interprétant la version originelle telle qu'elle a été créée. Mais avec Mariage, le chorégraphe Tero Saarinen inverse la donne en se concentrant presque exclusivement sur les futurs époux, effrayés par cette union imposée. Les deux danseurs qui incarnent le couple tentent donc de s'extirper de la masse, une masse sombre et compacte : tout un travail a été réalisé autour des costumes d'un noir glaçant, inspirés des anciennes traditions du mariage finlandais (alors que dans la première partie, ils évoquent la paysannerie russe). Et puis il y a les parents, eux aussi affectés par le départ de leur progéniture mais conscients de la “nécessité” de ce chagrin. Il s'agit donc d'insister sur la fatalité de ce mariage, et la soumission violente à laquelle les jeunes époux sont astreints. Cette relecture a ainsi le mérite de questionner une œuvre fondatrice en appuyant sur certains aspects, sans pour autant la dénaturer avec du modernisme flamboyant : les aficionados apprécieront. Au final, les Ballets de Lorraine nous livre avec ce programme une leçon de danse appréciable, sans forcément être révolutionnaire. En même temps, faire la révolution tous les jours, ça fatigue…LES NOCES + MARIAGE
Jeudi 2 avril à 20h, à la Rampe (Échirolles)

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