« Le festival est le haut de l'iceberg »

Rencontre avec Henri Touati, directeur du Centre des Arts du Récit. Propos recueillis par AM

Petit Bulletin : Le festival a vingt-deux ans. Comment a-t-il évolué ?
Henri Touati : L’implantation du festival s’est faite petit à petit, toujours avec la même idée sur deux pieds : d’une part l’objet artistique avec la parole, le récit, le conte (ce qu’on appelle entre nous la littérature orale), et d’autre part la volonté d’aller au plus près des gens, de ne pas simplement créer un festival qui s’installe dans un lieu et attend le public. Dès l’origine, on a toujours nourri cette double entrée.Cette année, vous mettez en avant l’Afrique de l’ouest…
C’est un des fils du festival, le plus important même avec la présence d’une douzaine de jeunes artistes d’Afrique de l’ouest d’une dizaine de pays différents qui renouvellent le point de vue, le répertoire, la capacité de raconter… Jusqu’à maintenant, on avait des artistes africains qui étaient plus dans la transmission de la tradition. Aujourd’hui, on travaille plutôt avec des artistes qui se nourrissent de la tradition pour faire quelque chose de nouveau : parler du pouvoir, de la violence, du développement, des enfants soldats, de l’immigration…Au-delà de cette thématique, vous essayez de vous pencher sur toutes les formes de récits…
On essaie de tenir cette notion de diversité dans tous les sens du terme : diversité des répertoires, des origines, des formes. La parole est commune à tous, il y a toujours une histoire que l’on raconte, mais elle prend des objectifs différents que l’on soit avec un artiste comme Taxi-conteur qui s’empare des mots d’Amadou Hampâté Bâ, le grand penseur de l’Afrique de l’Ouest, ou avec quelqu’un comme Nasser Djemaï qui est plus comédien que conteur, mais qui se pose la question de la parole directe en partant d’un texte traditionnel (Shéhérazade des Mille et une nuits) pour en faire autre chose.Avez-vous un coup de cœur dans la programmation du festival ?
C’est toujours très compliqué de répondre à ce genre de questions ! J’ai d’abord envie d’insister sur les trois créations du festival : celle de Jennifer Anderson à l’Heure Bleue est véritablement un travail de longue haleine, une relation suivie avec des groupes et des populations très différents… Je pense aussi à Alger la blanche et Dakar la sublime, le spectacle émouvant d’Abou Fall et Saïd Ramdane, ou encore à celui de Jérôme Aubineau. Dans un autre ordre d’idée, il y a aussi la présence de Daniel Maximin, autour de la poésie et de la pensée d’Aimé Césaire, qui nourrit beaucoup notre travail : ses grands discours sur la négritude, les métissages, la capacité à transformer le monde à partir de la culture. Pendant les évènements en Guadeloupe, des intellectuels ont écrit des textes sur le thème des objets de haute consommation, avec l’idée que la poétique doit être plus forte que le politique.Le Centre des arts du récit organise le festival, mais le travail se poursuit tout au long de l’année…
Le festival est un peu le haut de l’iceberg. Notre discipline artistique qu’est le conte est aujourd’hui largement reconnue, notamment grâce à l’animation d’un réseau national et international important. Et on fait un travail conséquent tout au long de l’année avec la population iséroise, avec près de 90000 participants à nos spectacles, ateliers, groupe de réflexion… C’est une activité en mouvement perpétuel : chaque jour, il y a au moins deux conteurs dans la région entrain de raconter, soit dans une école, un quartier, une bibliothèque, un théâtre… En moyenne, on dénombre 700 représentations annuelles ! On a donc passé les phases de reconnaissance de notre travail, de la discipline, et on est plus maintenant dans une installation et un renouvellement chaque année avec le festival.

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