Polyphonie dansée

En cette fin de saison, la MC2 invite le danseur et chorégraphe Josef Nadj à présenter trois de ses spectacles, dont sa dernière création Entracte. L’occasion de revenir sur le parcours de cet artiste multiple. Aurélien Martinez

La danse qu’invente Josef Nadj surprend. Son esthétique très forte marque. Depuis une vingtaine d’années, il s’est imposé comme un grand nom du paysage chorégraphique français, avec un univers reconnaissable entre mille. Né en 1957 en ex-Yougoslavie (actuelle Serbie), Nadj a d’abord exploré de nombreuses disciplines artistiques (la musique, les beaux-arts, l’expression corporelle auprès de Marcel Marceau…) avant de choisir la danse comme moteur principal de son action. C’est à Paris, au début des années 80, qu’il découvre ainsi la danse contemporaine (alors en pleine expansion), avec François Verret ou encore Mark Tompkins. Il s’intéresse rapidement au tai-chi, au butô ou encore à la danse contact : des disciplines physiques qui engagent entièrement le corps de l’artiste. Toutes ses expérimentations l’amènent logiquement à créer sa propre compagnie, le Théâtre Jel (« signe » en hongrois) avec laquelle il monte Canard Pékinois, sa première pièce. S’ensuivent une série de créations, souvent basées autour de l’œuvre d’un artiste (c’est le cas des Philosophes et de Journal d’un inconnu, deux pièces de 2001 et 2002 présentées ce mois-ci à la MC2). Le travail de Nadj est alors rapidement reconnu, puisqu’en 1995 il accède à la tête du Centre chorégraphique national d’Orléans. Consécration suprême : il fait partie de ceux qui peuvent dire en toute modestie « j’ai été artiste associé au Festival d’Avignon ».Nadj le philosophe
Après cette petite biographie digne d’un exposé scolaire, prenons du recul. Et demandons-nous : où en est Josef Nadj aujourd’hui, à 52 ans ? Laquelle de ses facettes va-il nous présenter lors de sa venue en terres grenobloises ? Cette série d’interrogations peut sembler vaste, mais essayons d’y répondre. Premier point : Nadj reste toujours Nadj, comme l’évoque très bien Myriam Bloedé qui lui a consacré un ouvrage biographique il y a trois ans, intitulé Les Tombeaux de Josef Nadj : « Quand il se prête au jeu des questions, Josef Nadj raconte des histoires. Ni plus, ni moins que lorsqu’il dessine, photographie, danse ou chorégraphie (et même s’il n’aime guère l’idée d’un quelconque récit donné à lire dans ses pièces.) ». Une logique constante habite ainsi son œuvre : la recherche d’un absolu artistique, d’une liberté créatrice et d’un cheminement fait de sens. Ainsi, s’il serait difficile de se prononcer sur son solo Journal d’un inconnu, pour la simple raison qu’on ne l’a pas vu (on nous dit que le spectacle évoque des extraits de son propre journal, en résonance avec des poèmes d’Otto Tolnaï), on prendra un plaisir non dissimulé à redécouvrir Les Philosophes, qui illustre parfaitement tout ce que l’on aime chez Nadj : un spectacle entier, construit en trois temps (une exposition à découvrir, suivie de la projection d’un film et d’une performance dansée) autour de l’œuvre de l’écrivain juif polonais Bruno Schulz, assassiné en 1942 par un soldat SS dans le ghetto de Drohobycz. La scénographie, très originale, a été élaborée à l’aide d’un petit théâtre en rond auquel on accède au fil des étapes. Au centre, quatre hommes réunis autour d’un cinquième, celui qui possède le savoir (le père ?). Josef Nadj semble ici questionner le processus de création artistique, ave pertinence, et c’est très agréable…Nadj l’esthète
Donc, Nadj reste toujours Nadj disions-nous, vingt ans après sa première création. Parfait ! Mais cette fidélité à lui-même n’est pas sans risque : on est ainsi un peu plus sceptique sur Entracte, sa dernière création basée sur le Yi-King (« Livre des mutations », une des œuvres fondatrices de la philosophie chinoise), et élaborée sur des airs de free jazz (il retrouve le saxophoniste Akosh Szelevényi, avec lequel il avait collaboré sur Paysage après l’orage, à la MC2 la saison passée). Ici, le chorégraphe et danseur se parodie plus qu’autre chose, et tombe dans les travers d’une esthétisation à outrance. C’est un peu dommage car c’est le spectacle d’appel de ces deux semaines 100% Nadj.LES PHILOSOPHES
Du jeudi 14 au samedi 16 mai, à la MC2ENTRACTE
Mardi 26 et mercredi 27 maiJOURNAL D’UN INCONNU
Jeudi 28 et vendredi 29 mai

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