L'enfer des affects

Avec "Le Rose et le Noir", la cie Cicerone nous offre une proposition théâtrale plus que pertinente, loin de tout sentier battu. Rencontre avec le metteur en scène Julien Anselmino et sa dramaturge Agathe Philippe. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Comment s’est déroulé le processus de création ?
Julien Anselmino : À la base, il y a Le Moine, un roman de Matthew Gregory Lewis, auteur anglais du XVIIIe qui s’inscrit dans la lignée des romans gothiques de l’époque (avec une ambiance sombre, du fantastique, du surnaturel et des références à la chevalerie, aux donjons…). Un roman que Artaud a traduit et adapté en France en 1931. Carmelo Bene est aussi parti de ce roman de Lewis, afin d’en faire une adaptation pour la scène. Avec ses trois référence en tête, Agathe et moi avons écrit notre propre spectacle : une écriture de plateau qui ne part plus d’une trame narrative textuelle mais des matériaux physiques du plateau – le son, la lumière et le corps des comédiens. On est dans une histoire sensitive, on cherche les liaisons poétiques et sensorielles…
Agathe Philippe : C’est plus une démarche cinématographique. On avait des scénarios en tête, on a écrit de manière précise les images : ça va du mouvement de l’acteur, de son corps, à son attitude physique, en passant par les techniques de scénographie utilisées.
J.A : D’ailleurs, on n’a pas de personnage. On part de figures masculines ou féminines pour évoquer, symboliser, représenter des situations comme des tableaux de peinture.

L’interprétation de ce que l’on voit peut-être très libre. Aviez-vous des intentions spécifiques en vous lançant dans ce projet ?
J.A : Du roman, on a gardé en premier lieu ce qu’on a appelé l’enfer des affects, le déchirement des passions liées à l’amour…
A.P : Le désir amoureux, pas forcément charnel, qui à un moment peut faire craquer l’amour. On essaie ainsi d’atteindre le moment où ça pète dans les corps, dans la tête. Tout ça pour essayer de dépasser le réel…
J.A : Car ce théâtre-là ne peut pas être reconnaissable immédiatement. Je n’ai rien à expliquer, je ne détiens pas la vérité. J’essaie simplement de montrer des choses poétiques pour que le spectateur voit les signes, qu’il ait la place d’y mettre ce qu’il a envie d’y voir. On le touche ainsi plus intimement que si je lui envoyais ma vérité ou un dogme…

Vous êtes loin d’une certaine tradition du théâtre français, très ancré dans le verbe…
J.A : Oui, même si on n’est pas contre le texte !
A.P : D’ailleurs, on a énormément lu en amont du projet.
J.A : On est plus dans une tentative d’aller chercher autre chose… Ce n’est donc pas un reniement d’une forme de théâtre dit classique (je suis aussi comédien, et je joue des textes très littéraires), mais plus une envie d’aller vers une certaine forme de théâtre que l’on ne voit pas beaucoup en France. Notre référence principale reste ainsi les Italiens de la Socìetas Raffaello Sanzio [dont Romeo Castellucci fait partie, ndlr].

LE ROSE ET LE NOIR
Jusqu’au samedi 16 mai, à la Salle noire

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