Emportés par la fougue

La jeune compagnie Moebius est de celles qui ne peuvent laisser indifférent. Si l’on a beaucoup à redire sur "Sans pères", leur nouvelle création, on salue tout de même cette envie incontestable de faire du théâtre propre aux grands passionnés. Aurélien Martinez

Il y a un an et demi, on découvrait la compagnie Moebius au Théâtre de Création. Ce collectif de dix acteurs (issus pour la plupart de l’école de Montpellier) avait débarqué dans le petit milieu théâtral avec fracas : leur Atrides, chaos d’un héritage, sorte de relecture mythologique délirante de cette lignée maudite, avait été une excellente surprise (le spectacle sera repris fin avril à l’Espace 600). En ce mois de mars, voici donc les Moebius de retour : ils essaient cette fois-ci de réécrire une tragédie en plongeant au cœur de la fin du XIXe siècle russe, avec les mots de Tchekhov en guise d’appuis. En guise d’appuis, oui, car le projet ne se réduit pas à la présentation d’une énième version de La Mouette ou Platonov. La metteuse en scène Marie Vauzelle a construit, avec les autres membres (l’écriture fut collective), une pièce à partir de fragments d’autres, en supprimant les pères et en ne retenant que les passages où interviennent des personnages de leurs âges – idée titanesque et porteuse de sens. « Notre génération (nous avons entre vingt-trois et vingt-neuf ans) vit concrètement, et depuis l’enfance, cette vacuité, cette absence de valeurs et d’espoirs. Génération sans pères, au sens où l’histoire ne nous a légué ni idéologie, ni rêve d’une vie meilleure à laquelle il nous faudrait œuvrer » écrivent-ils en note d’intention.

Le plateau comme exutoire

Tout commence chez Elena, veuve ruinée qui organise une réception en l’honneur de l’anniversaire de son défunt mari le Général. Et tout finira par deux cadavres – si ce n’est plus… Entre temps, les dix jeunes gens se seront aimés, affrontés, déchirés, blessés… Sur scène, ça bouge donc beaucoup, ça crie aussi, s’entrechoque, Marie Vauzelle utilisant les contrastes pour souligner le caractère passionnel de ces êtres paumés, portés par des idéaux qui leur semblent inatteignables (ou qu’ils ne veulent pas atteindre). Il y a le jeune couple, lui habillé façon Jeune pop’ de l’UMP, elle potiche engoncée dans son costume de poupée russe (trouvaille très drôle) ; la fille résignée, tout de noir vêtue, le médecin et son tee-shirt communiste… Tous fougueux, excessifs, enivrés du fait de se retrouver entre eux : on les regarde ainsi passer la soirée, à grands coups de vodka et de champagne. Mais le choix d’une mise en scène cataclysmique à la Macaigne (ou autres) ne marche qu’à moitié, la faute au propos initial finalement simplement effleuré, comme noyé sous un texte prolixe et un remue-ménage sonore incessant pas toujours justifié. C’est dommage, car malgré les faiblesses criantes de cette proposition originale mais bancale, on a bel et bien l’impression d’être en présence d’une compagnie passionnante, généreuse, et qui a pleinement compris tout ce que le terme spectacle vivant sous-entendait.

Sans pères
Jusqu’au samedi 27 mars, à la Salle noire du Théâtre de Création.

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