«Des histoires en images, et en spectacle»

Fondateur de la compagnie La Cordonnerie, Samuel Hercule propose des spectacle étonnants, à mi-chemin entre le cinéma et le spectacle vivant, qui s’adressent aux enfants et aux adultes. Rencontre avec un homme qui pèse avec talent le poids des mots. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Qui êtes-vous Samuel Hercule ?
Samuel Hercule : Je suis comédien et réalisateur. En 1997, j’ai créé la compagnie La Cordonnerie et, depuis quatorze ans, nous fabriquons des cinés-concerts. Nous avons commencé avec le cinéma muet, pour évoluer vers des formes de cinéma plus «modernes». Au début, notre travail avait sans doute quelque chose d’un peu caricatural, cela s’est affiné. L’arrivée de Métilde, il y a sept ans (Métilde Weyergans, réalisatrice et scénariste, NdlR), nous a amenés à nous tourner davantage vers le texte. Désormais, nous écrivons les scenarii tous les deux et Métilde assure la narration sur scène, en direct. Nous racontons des histoires en images, et en spectacle.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur le mythe de Frankenstein alors que les enfants d’aujourd’hui ne le connaissent pas ?
Pour les enfants, Frankenstein, c’est lié à Halloween, c’est juste un masque effrayant. D’ailleurs, même dans l’esprit des adultes, cela n’est pas très clair et on a souvent confondu le Docteur Frankenstein avec sa créature… Si ce mythe nous intéressait, c’est notamment parce qu’il a été peu traité. Au cinéma, à part les premiers films sur Frankenstein, nous n’avons rien trouvé de très intéressant. Or, c’est une histoire qui permet de poser des questions au jeune public : sur la différence, l’identité, l’humanité…

Vous avez travaillé sur Barbe bleue, sur Frankenstein… Votre objectif est-il de terrifier les enfants ?
Les contes sont généralement terrifiants, d’une violence absolue. Avoir peur, cela fait aussi partie de l’éducation au spectacle, à la fiction. D’ailleurs, les enfants adorent avoir peur !

En parlant d’éducation à l’image, on est troublé par les questions des enfants pendant les rencontres qui suivent les projections. Certains ne semblent faire aucune distinction entre la fiction et la réalité…
C’est très étonnant et un peu effrayant ! Beaucoup d’enfants passent des heures chaque semaine devant la télévision. Pourtant, des élèves de classes de CE2 pensent que les acteurs qui meurent dans le film meurent réellement… Le travail sur le recul nécessaire en face d’une image est essentiel.

Quelle est votre définition d’un spectacle tout public ?
Pour avoir accompagné des enfants à des spectacles, je sais ce que nous ne voulons pas faire : des spectacles pour enfants devant lesquels les adultes s’emmerdent. Nous essayons donc de proposer deux niveaux de lecture. Dans «Ali Baba et les 40 voleurs» par exemple, les enfants sont terrifiés quand ils voient arriver les voleurs en moto alors que les adultes rient devant cette référence «Easy Rider» cheap….

Revenons à vos spectacles. Vos films sont accompagnés en direct et les bruitages réalisés avec des objets du quotidien. Pourquoi avoir choisi cette «technique» ?
Notre objectif est de travailler sur le décalage. Quand il se passe des choses intenses à l’écran, les sons et ce qui se passe sur scène peuvent adoucir la situation. Par exemple, dans Frankenstein, pendant le vol d’un corps au cimetière, nous choisissons d’accompagner le départ de la voiture par un bruit de voiture pour enfant ; cela permet de dédramatiser.

Votre travail semble millimétré et n’autoriser aucune approximation, aucune improvisation.
Certes, il y a zéro place pour l’improvisation, mais nous proposons du spectacle vivant. Nous faisons évoluer les bruitages d’un spectacle à l’autre. Cependant, rien n’est enregistré, tous les bruits que l’on entend pendant le spectacle sont produits en live, sur scène.

Vers quel type de cinéma vous dirigez-vous ?
Nous voulons faire du cinéma où l’on parle très peu mais qui ressemble à du cinéma contemporain. Nous ne faisons pas du cinéma muet, nous ne jouons pas sur les codes de ce type de cinéma. Dans mon travail, je suis également amené à réaliser des clips, des courts et des moyens métrages et je m’inspire de cela pour mes créations avec la compagnie. Notre prochain spectacle sera peut-être un peu plus «parlant» que les précédents, mais tout de même épuré au maximum. Je pense que dans les films, beaucoup de dialogues sont purement informatifs et, en disant avec des mots, on élimine la possibilité de dire avec l’image. Attention, je ne suis pas anti-dialogues, je pense simplement que ne pas trop parler peut vous obliger à avoir des idées !

L’Éternelle fiancée du Docteur Frankenstein
À La Rampe (Échirolles)
Mardi 7 décembre à 14h30 (scolaire) et à 20h (tout public).

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