La méthode La Cordonnerie

Un huis clos maritime et nordique qui raconte le passage à l’âge adulte d’un jeune prince : voilà comment La Cordonnerie présente son ciné-concert théâtralisé "(super) Hamlet". Un spectacle coup de cœur imaginé par une compagnie à l’univers passionnant et intelligent. Aurélien Martinez

Depuis 1996, la Cordonnerie de Samuel Hercule s’illustre dans la confection de spectacles originaux à destination du tout public. Des ciné-concerts théâtralisés pensés de A à Z, de la réalisation du film à sa transposition musicale sur scène, pour un travail qui s’est affiné avec le temps, les dernières propositions conservant paradoxalement cet esprit artisanal des débuts tout en étant réalisées avec un souci de précision incroyable. Les images sont ainsi tournées en amont par l’équipe, suivant un schéma bien précis. Un prémontage est alors établi, servant de base pour les répétitions. Là, les musiciens-acteurs affinent la narration, précisent le découpage des scènes, calent les différentes parties. Pour un résultat habile où ce qu’il se passe sur le plateau ne sert pas simplement de faire-valoir à l’écran : la narratrice Métilde Weyergans, arrivée plus tard dans l’aventure, parvient ainsi à retenir l’attention des spectateurs, et à guider adroitement leurs regards vers ses camarades de jeu, leurs instruments et leurs nombreux objets produisant des sons en tout genre. Depuis la création de la compagnie, on a pu découvrir plusieurs de leur travaux à l’Hexagone de Meylan ou à la Rampe d’Échirolles : La Barbe bleue en 2004, Ali Baba et les 40 voleurs en 2006, ou encore L’Éternelle fiancée du Docteur Frankenstein la saison passée.

Seul contre tous

Car la compagnie, bien qu’elle s’adresse autant aux enfants qu’à leurs parents, opte pour des thèmes pouvant résonner avec l’univers du jeune public. Ce qui ne signifie pas des œuvres infantiles, au contraire, Samuel Hercule choisissant la plupart du temps des sujets très sombres où la mort rode, et où les sentiments les plus nobles côtoient les plus vils – ce qui est d’ailleurs souvent le cas dans les grands contes du répertoire, l’apprentissage de la peur et de sa maîtrise étant nécessaire à la construction de l’enfant. Que La Cordonnerie, pour son nouveau spectacle, ait décidé de s’attaquer au mythe shakespearien d’Hamlet prend donc un sens tout particulier, les grandes pièces de Shakespeare ayant déjà été transposées en conte par les Anglais Charles et Mary Lamb au début du XIXe siècle. L’histoire de ce fils voyant le fantôme de son père revenir lui expliquer qu’il a été tué par son frère, le nouveau mari de sa femme, a même inspiré des longs-métrages d’animation grand public comme Le Roi lion. Tout en restant fidèle à l’architecture et l’esprit de la pièce initiale, qu’il a néanmoins adaptée, Samuel Hercule a transformé Hamlet en super-héros. « Dans la pièce de Shakespeare, c’est déjà un peu ça, avec Hamlet seul contre tous, qui est le seul à voir des fantômes. »

Pour et avec tous

L’une des premières images du film : la mer grise et houleuse annonciatrice de drames à venir. Sur scène, des grains de riz se baladent dans un parapluie retourné et sonorisé, pour figurer la houle. Plus tard, un combat d'épées sur la plage sera bruité avec des ustensiles de cuisine. Entre les deux tableaux, la tragédie shakespearienne sera donnée au public, avec une approche poétique de l’image et du son – grâce notamment à l’apport d’un piano et de percussions. Un spectacle qui témoigne du talent de la compagnie dans la fabrique d’univers évocateurs et sensibles, et qui captive les jeunes spectateurs tout en enchantant les adultes. Nous avons ainsi découvert ce (super) Hamlet lors d’une représentation scolaire, à Villefontaine : il était sidérant de constater le niveau d’écoute d’une salle pourtant pleine à craquer. Comme quoi, quand des créations intelligentes font preuve d’un véritable respect pour le jeune public tout en refusant la carte de la facilité, les enfants savent apprécier.

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