« Pudique et universel »

Acrobates

MC2

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Partir d’une histoire intime (la mort d’un camarade circassien) pour construire un spectacle sensible sur l’amitié et la force des aventures collectives : tel a été le pari de Stéphane Ricordel, cofondateur de la mythique compagnie Les Arts sauts (aujourd’hui dissoute), qui a mis en scène le très bel "Acrobates". Rencontre pour comprendre la genèse atypique de cette création. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Acrobates évoque la mort du circassien Fabrice Champion en 2011, sept ans après une chute de trapèze qui l’avait rendu tétraplégique...

Stéphane Ricordel : Fabrice était un ami depuis toujours. Peu de temps après son décès m’est arrivé l’envie de parler de cette disparition. Fabrice, dans ses dernières années de vie, après son accident, a travaillé avec le cinéaste Olivier Meyrou, ce dernier ayant réalisé un documentaire sur lui, sur sa reconquête des jambes, sa reconquête du plateau... Cette matière cinématographique et sonore de dix ans est énorme.

Vous parlez de « reconquête » car Fabrice Champion avait décidé de renouer avec son métier malgré l’accident...

On voit dans le film que Fabrice s’est investi dans la mise en scène d’un spectacle à l’École nationale des arts du cirque de Rosny. Il a alors rencontré deux jeunes artistes – Alexandre Fournier et Matias Pilet – avec lesquels une très belle amitié s’est développée. Ils ont décidé de monter un spectacle tous les trois, avec ce décalage sur le corps cassé de Fabrice et ceux des deux jeunes.

Mais le résultat n’a pas pu voir le jour...

Fabrice est mort juste avant. Il est parti au Pérou pour un voyage chamanique, a pris une drogue censée être bonne pour la santé et le moral, mais elle n’a pas été bonne pour lui. Les deux jeunes se sont donc retrouvés orphelins de leur partenaire... Ils ont malgré tout décidé de remettre ce projet en jeu avec l’aide du chorégraphe Radhouane El Meddeb [le spectacle Nos limites, créé en 2013 à Paris et inédit à Grenoble – ndlr]. Parallèlement à ça, Olivier, dont le film n’avait pas de fin autre que celle de la mort de Fabrice,   a continué à filmer Alexandre et Matias, et le documentaire a du coup pris une autre tournure...

C’est à ce moment-là qu’est née l’idée d'Acrobates...

Oui. J’avais envie de parler de mon ami, de l’amitié... J’ai réuni tout le monde autour d’une table en proposant de monter un projet ensemble avec ce sujet qui nous touche tous, comme nous étions tous très proches de Fabrice.

Une création sur l’amitié comme métaphore du monde du cirque ?

C’est la relation que ces deux jeunes ont dans la vie : dans leur métier de porteur et de voltigeur, ils ont besoin l’un de l’autre. C’est la relation que j’avais avec Fabrice, comme il était mon voltigeur et moi son porteur. Je ne sais pas si c’est une métaphore du cirque, mais en tout cas Acrobates est une métaphore de l’amitié, qui est l’un des sujets majeurs du cirque.

Une métaphore construite entre passé et présent...

On a écrit la dramaturgie sur le plateau. On est partis du travail des deux acrobates, des images et du son d’Olivier, pour créer un spectacle à cinq points de vue – les deux jeunes, Olivier, moi, et bien sûr Fabrice. On a essayé de mettre tous ces points de vue à égalité. La bande son par exemple est faite avec les voix de Fabrice et des deux acrobates, utilisées en voix off.

Quel a été votre cheminement pour arriver à transmettre à tous cette histoire on ne peut plus personnelle ?

Quand je parlais de cette histoire sur l’amitié et sur mon ami Fabrice, je voyais bien le regard des gens, leurs soupçons et leurs incertitudes par rapport au contexte – comment rendre universelle cette histoire hyper personnelle ? Je savais qu’il y avait des pièges dans lesquels ne pas tomber... Mais on a tous eu des décès dans notre vie, on a tous connu des moments difficiles, et j’ai essayé de parler à tous, en restant pudique et universel...

Vous avez été à l’origine de la mythique compagnie de cirque Les Arts sauts. L’aventure est vraiment terminée ?

Oui, vraiment. On était un collectif, on prenait toutes nos décisions collectivement, qu’on soit techniciens, artistes, ou qu’on bosse à la production. On s’est auto-dissout après trois spectacles et quinze ans de vie commune, au moment où l’on a senti qu’il fallait s’arrêter. Ensuite, Laurence de Magalhaes [cofondatrice de la compagnie – ndrl] et moi nous sommes positionnés sur le Monfort Théâtre à Paris, où l’on est codirecteurs depuis 2009. Car physiquement, je ne peux plus être trapéziste. Il y a un arrêt net, c’est le corps qui parle – même si la tête continue de fonctionner. Et prendre la direction d’un lieu, pour nous, c’est rendre ce que l’on a reçu quand on était une compagnie. À notre tour maintenant d’accompagner les artistes et d’emmener les aventures artistiques le plus loin possible.

Acrobates, du mardi 14 au samedi 18 janvier, à la MC2

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