Full contact

Alors que se tient en ce moment dans le Trièves le « festival international de contact improvisation et composition instantanée » baptisé Les Mille et Une, zoom sur une pratique artistique peu connue mais très fortement ancrée à Grenoble grâce à ses nombreux adeptes. Charles Perragin

Les danseurs se meuvent dans une improvisation totale. Ils ne recherchent pas un mouvement gracieux, harmonieux. Les corps se choquent parfois, se déséquilibrent et chutent pour finalement s’ouvrir vers un autre mouvement, sans pouvoir prévoir les prochains pas : le contact improvisation est une danse tout en fluidité. Et comme toute improvisation, il implique un apprentissage technique important.

Cette danse encore peu connue est née au début des années 1970 aux États-Unis, initiée par Steve Paxton. Aujourd’hui, la pratique se développe particulièrement bien à Grenoble, en particulier grâce à son ambassadrice Isabelle Üski. La danseuse et chorégraphe, à qui l'on doit notamment le très réussi Cake Shop (qui sera repris dans l'agglo la saison prochaine), n’a pas découvert le contact improvisation à la John Weber Gallery de New York, où performait l’illustre Paxton. La rencontre a eu lieu par hasard, dans une salle de danse de Barcelone, en 1999. « Là, c’était une évidence ; c’est ce que je cherchais. Le plaisir de goûter le mouvement dans l’instant présent. Se mouvoir en complicité avec l’autreJ’ai plus appris à danser avec le contact impro qu’avec mes cours de danse contemporaine. Sans vouloir dévaloriser ces derniers, c’est avec le contact impro que j’ai appris à vraiment ressentir mon mouvement et du coup que j’ai clarifié mes appuis, épuré et affirmé ma danse. »

« Sortir des théâtres »

Après six ans de stages, d’apprentissage, de cours et de voyages, elle atterrit à Grenoble. Avec une nouvelle association, Chorescence, elle commence à proposer un cours de contact impro hebdomadaire avec son compagnon. Chaque semaine, elle fait la rencontre d’autres danseurs dans une "jam", en référence aux jam-sessions de New York dans les années 40 où se rejoignaient les jazzmen pour des improvisations endiablées. « Les danseurs s’y retrouvent et improvisent. C’est très libre. » C’est l’esprit du contact impro, pratique de performeurs dont l’essence est de « sortir des théâtres ». Pas étonnant de la retrouver dans les jams et les happenings. « Le contact impro a quelque chose d’éphémère. Nous ne sommes pas dans la logique d’un spectacle de danse reproductible. »

Dans ces salles, les futurs "contacteurs" se rencontrent et les cours se développent. « Ça a pris comme de la mayo. » Dès 2006, Chorescence organise des stages et double les cours. L’association invite les amateurs de contact improvisation à se rencontrer à des festivals. « Il fallait que ça circule, qu’un grand réseau se forme. » Cette saison, près de 50 "contacteurs" de 20 à 70 ans se sont retrouvés chaque semaine dans les cours d’improvisation organisés par Chorescence. « Je me suis rendu compte que ceux qui n’ont jamais dansé s’orientent plus facilement vers le contact impro. Ils peuvent oser danser car nous ne sommes ni dans la reproduction d’une forme, ni dans l’attente d’un rendu final, mais dans un rapport au vécu. Ceci, ainsi que l’engagement physique du corps assez enivrant du contact impro, fait aussi que ça attire beaucoup d’hommes. »

« La dimension artistique est sous-estimée »

Apprendre à se mouvoir avec l’autre, telle est la fin ultime. Mais il ne faut pas se cantonner à la satisfaction sociale et physique que donne un petit apprentissage technique. Ici, les "contacteurs" essaient d’acquérir une certaine complicité spontanée avec un partenaire. « Il y a le risque d’être tellement content de revoir une personne à une séance que l’on reste dans le lien social, et plus dans la création. » Isabelle Üski a d’ailleurs horreur d’entendre l’expression « danse contact » tant l’improvisation est centrale pour elle. « Il faut à tout prix garder le goût de l’exploration et de la créativité. Le contact impro souffre de tellement d’amalgames et parfois d’une réputation d’une simple activité rigolote où l’on se roule dessus. Ça fait mal au cœur, mais il y a plein de raisons à cela. Déjà, c’est une pratique où l’on prône le goût et le confort du geste mais c’est aussi une pratique qui demande beaucoup de rigueur pour qu’elle reste vraiment riche, pour qu’elle nourrisse encore et encore la présence, la sensation, le mouvement, la curiosité et l’ouverture à l’inconnu. Cette tension entre confort et rigueur fait peut-être que sa dimension artistique est souvent méconnue ou sous-estimée. »

Festival Les Mille et Une, jusqu’au 13 juillet à Mens, dans le Trièves

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