Le Quatuor Debussy : «décloisonner les musiques»

Opus

La Rampe

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En juin 2013, le prestigieux festival lyonnais Les Nuits de Fourvière fut illuminé par "Opus", création mêlant nouveau cirque, danse et musique, emmenée par la compagnie australienne Circa et le Quatuor Debussy. Une réussite entre poésie et force dans laquelle les interprètes, circassiens comme musiciens, offrent une vision sublimée d'un art collectif. Avant le passage du spectacle par la Rampe d’Échirolles, rencontre avec Christophe Collette, premier violon et membre fondateur du Quatuor Debussy. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Comment est née l’idée d’une rencontre sur scène entre votre Quatuor Debussy et la compagnie australienne Circa ?

Christophe Collette : La rencontre a été provoquée par Dominique Delorme, directeur du festival lyonnais Les Nuits de Fourvière, qui connaît notre appétence pour les croisements artistiques. Un jour à Montréal, il est tombé sur Yaron Lifschitz, directeur artistique de la compagnie Circa, qui lui a parlé de son envie depuis des années de faire quelque chose autour de Chostakovitch [compositeur russe de la période soviétique – NDLR]. Comme Dominique savait qu’on était depuis des années un des quatuors spécialistes de Chostakovitch, il a voulu que l’on se rencontre avec Yaron pour voir si ça pouvait marcher.

Ce n’est pas la première fois que vous collaborez avec des artistes venus du spectacle vivant – Mourad Merzouki, Maguy Marin, Anne Teresa De Keersmaeker…

On fait ça depuis presque vingt ans, on a été très novateurs dans cette démarche artistique.

Sauf que c’est la première fois que vous vous confrontez à des artistes de cirque. Le mariage cirque et musique est-il allé autant de soi que le mariage danse et musique ?

Oui, d’autant plus que si l’on définit le cirque que fait la compagnie Circa, finalement, on n’est pas très loin de l’univers de la danse. D’ailleurs, Yaron est aussi chorégraphe. Ce qui me frappe dans son travail, c’est la place accordée au corps : un travail de mouvements, de portés, de figures… On n’est pas du tout dans du cirque avec des accessoires. Et puis de toute façon, avec vingt ans de recul, je me rends compte que tout peut fonctionner ensemble. Il faut juste que chacun soit prêt à aller vers l’autre, comme ça a été le cas entre Circa et nous.

Comme à chaque nouvelle collaboration, vous êtes pleinement associés à la mise en scène…

Effectivement. Quand on fait des créations comme ça, il est hors de question d’être une sorte de tapis musical avec les musiciens dans un coin de la scène. Ça n’aurait pas beaucoup de raison d’être, on verrait seulement sur scène deux compagnies. Alors que nous pensons qu’un spectacle de la sorte est réussi quand le public pense avoir vu une seule compagnie.

Comment avez-vous travaillé pour réussir ce pari ?

On a eu beaucoup de temps pour préparer la création grâce aux Nuits de Fourvière. On en avait besoin, pour se rencontrer régulièrement. Tous les deux ou trois mois, on passait une semaine ensemble, et ça a duré presque un an. À la fin, on a passé trois semaines ensemble au plateau.

Et comment avez-vous mené votre recherche spécifique sur la musique ?

J’ai travaillé en amont avec Yaron. Chostakovitch était la base. Avec ses quinze quatuors, il y avait sept ou huit heures de musique. Pour fabriquer la dramaturgie musicale, on a donc cherché sur quoi s’appuyer. Ensuite, il y a eu la phase d’expérimentation pour trouver ce que l’on allait faire ensemble, comment on pouvait s’utiliser les uns les autres, comment on allait partager l’espace… Du coup, Opus est une pièce assez rythmée par la musique, on est presque dans un programme de concert total comme on pourrait le faire seuls.

Une pièce qui connaît un important succès…

Oui, c’est très agréable, flatteur et tout ce que l’on veut… Mais c’est surtout une source de bonheur dans la réussite de ce que l’on cherche. Quand vous jouez à Londres pendant une semaine devant 1 000 personnes par soir, on sait bien que c’est autant de personnes qui n’auraient pas forcément fait la démarche de venir écouter des quatuors de Chostakovitch seuls. Notre plaisir est donc de se dire que l’on a réussi notre mission d’à la fois mélanger les œuvres et surtout d’apporter à un nouveau public une musique pour nous sublime.

Avec le Quatuor Debussy, vous souhaitez ainsi décloisonner la musique de chambre…

On veut à la fois garder une tradition qui existe depuis des décennies et des décennies – depuis 300 ans – et, en effet, décloisonner les musiques, le public et les artistes. On veut élargir au maximum le public de la musique classique.

Vous avez du boulot, comme c’est une musique victime de nombreux clichés …

Je prends toujours cette image de notre salle de répétition qui, depuis vingt ans, est dans une école. On connaît les enfants par cœur, on leur joue très souvent des choses. Aux enfants, on peut tout leur jouer, ils sont ouverts à toutes les musiques – du Bartók, du Mozart comme leur musique à eux. Et puis il y a un moment, dans la vie, où quelque chose décroche par rapport à la musique classique, une sorte d’éloignement qui se fait. De notre côté, on se pose la question de comment faire pour remédier à ça sachant que la base est là, que tout le monde aime la musique classique. Il faut peut-être la proposer d’une manière moins austère, moins rigoureuse, moins cloisonnée, moins fermée ; sans bien sûr renier ce qu’elle signifie.

Car c’est une musique que certains voient comme intimidante, réservée à une certaine élite intellectuelle…

Intimidante oui, ou "ce n’est pas pour moi je ne la connais pas", ou "c’est une musique de ringards" : plein de faux clichés – ou de vrais clichés, je ne sais pas d’ailleurs. Car si la musique classique a parfois cette image, c’est que certains clichés existent encore à juste titre.

C’est bientôt l’été des festivals, et donc le moment du vôtre : Cordes en ballade, qui se déroule début juillet en Ardèche. Quel sera le programme de cette nouvelle édition ?

Depuis une petite dizaine d’années, on travaille sur une thématique qui nous emmène dans des aventures musicales de découverte de compositeurs ou d’esthétiques. Cette année, on a intitulé notre édition « Alla Zingarese ». On va faire un voyage en Europe centrale pour voir toutes les influences des musiques des minorités qui ont peuplé et qui peuplent toujours la région – les Tziganes, les Juifs… Toute cette musique qui a fait bouillonner Brahms et Bartók, comme on est partis de ces deux compositeurs pour découvrir leurs influences.

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