Thierry Collet : « Titiller le libre arbitre du spectateur »

Qui-vive

Hexagone

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

En pleine mode des shows de magie et d’hypnose, le magicien Thierry Collet propose avec deux camarades un spectacle de déconstruction de son art pour mieux questionner le public sur les enjeux de la manipulation. Le tout en restant extrêmement ludique. Rencontre avant le passage par l’Hexagone de Meylan de ce très réussi "Qui-vive".

Vous expliquez ne pas faire de la magie « pour endormir les gens mais pour les réveiller ». C’est-à-dire ?

Thierry Collet : Historiquement, la magie a vraiment été un marchand de sable inventé pour prendre en charge, endormir, hypnotiser, charmer l’auditoire… Un auditoire qui, du coup, devient soumis aux pouvoirs du magicien. Certes il n’y a pas mort d’homme, on est dans le cadre d’un contrat librement consenti, les gens savent qu’ils viennent se faire avoir, mais cette dépendance me fait penser à des rapports de pouvoir qui peuvent exister dans le monde réel – vis-à-vis d’autorités morales, politiques, religieuses… Pourquoi accordons-nous notre confiance à certains ? Sur quels critères ? J’aime bien titiller le spectateur sur son libre arbitre.

Malgré les couleurs chatoyantes du décor, Qui-vive est un spectacle plus profond dans lequel vous déconstruisez les techniques de manipulation des magiciens. Votre propos est donc politique ?

C’est une magie avec un petit côté pédagogique – même si on n’est pas à l’école mais bien au spectacle ! On attire l’attention des spectateurs sur ce qui se passe dans leurs cerveaux, ces spectateurs font collectivement l’expérience de la fragilité de leur perception. Et ils se rendent compte qu’individuellement, ils ne voient pas tous les mêmes choses, qu’il n’y a pas quelqu’un qui a raison et quelqu’un qui a tort mais simplement des personnes qui sont dans des systèmes de croyance différents, qui sont attentives à certains détails et pas à d’autres… Donc oui, c’est un propos politique, social, psychologique aussi.

Les mentalistes font exactement la même chose qu’Amazon ou Google en captant nos données personnelles à notre insu pour s’en servir à leur avantage

Mais le spectacle reste tout de même très ludique et interactif…

En effet. Comme vous le disiez, les couleurs sont chatoyantes, nous sommes habillés de jeans et de magnifiques chemises chamarrées, il y a de la musique rock… Pourtant, à l’intérieur de ça, on a mis en place des petits moments d’inquiétude, comme cette séquence autour de la captation des données personnelles qui fait un peu froid dans le dos. On se rend compte qu’on laisse énormément de traces de nous et que les mentalistes qui donnent l’impression de rentrer dans nos pensées font exactement la même chose qu’Amazon ou Google en captant nos données personnelles à notre insu pour s’en servir à leur avantage.

Aujourd’hui, la magie – et notamment l’hypnose – est très à la mode. Vous semblez à côté du mouvement, limite critique…

Et effet, aujourd’hui, il y a comme une sorte de retour de la magie – on voit par exemple beaucoup d’émissions ou de spectacles autour de l’hypnose. Le public est très friand de ça. Mais qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné, on a besoin de ce rapport à l’utopie, de ce rapport au merveilleux ? Moi, je lie vraiment ça à cette époque où l’on nous dit constamment d’être raisonnable, de se serer la ceinture, d’être pragmatique… Il y a une espèce de déception globale et les formes comme la magie viennent à point nommé pour réenchanter le monde, pour nous montrer que les choses sont possibles, qu’il existe un endroit qui crée de l’utopie, de la rêverie, du possible…

Vous êtes avec deux autres magiciens sur scène. Comment est né ce trio ?

Il a vu le jour pour ce spectacle. Kurt Demey, Carmelo Cacciato et moi nous nous sommes retrouvés tous les trois dans un festival où on avait été invités à jouer nos spectacles. On a du coup fait connaissance au bar et échangé, parlé boutique en évoquant certains tours que chacun de nous faisait mais avec des techniques et des solutions différentes. Et on voyait bien que, de loin, les gens nous regardaient en se demandant sans doute ce que l’on était en train de comploter. On avait un coté association de malfaiteurs et en même temps un côté pieds nickelés comme nos solutions sont quand même des solutions de cancres – les explications des tours des magiciens sont souvent décevantes. On a donc eu l’idée de faire ensemble un spectacle où les gens auraient la possibilité d’écouter les conversations que les magiciens peuvent avoir entre eux, comment ils parlent de leur art, de leur public… Voilà comment est né Qui-vive !

Qui-vive
À l’Hexagone (Meylan), mardi 8 et mercredi 9 mars à 20h

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