Vincent Dedienne : « Commencer à dire au revoir à mon spectacle »

Humour / Février 2014 : dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans du "Petit Bulletin", nous programmions le seul-en-scène du jeune comédien Vincent Dedienne, habile croisement entre les mondes du théâtre et de l’humour. Trois ans et demi plus tard, après une longue tournée, quatre Olympia complets, un Molière en poche et plusieurs chroniques à succès dans les médias, voilà que Vincent Dedienne met un terme à la vie de "S'il se passe quelque chose" en s’offrant notamment une grosse exposition avec la diffusion du spectacle jeudi 12 octobre dans tous les cinémas Pathé de France. Ça méritait bien une interview sous forme de bilan.

Pourquoi avoir choisi de présenter votre spectacle S’il se passe quelque chose dans une salle de cinéma (en différé, la captation ayant été réalisée en juin) ?

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Vincent Dedienne : Parce que malgré les nombeuses dates de la tournée, il y a encore plein d’endroits dans lesquels je ne suis pas passé. C’est donc l’occasion que le spectacle soit vu dans des villes comme Montpellier, Strasbourg, Gap, Angoulême... C'est aussi l'occasion de faire la fête pour la 300e représentation tout en commençant à dire au revoir à ce spectacle qui s’arrêtera le 31 décembre à Paris.

Pourquoi avoir pris la décision de l'arrêter, alors que son succès est indéniable (vous venez de remplir quatre Olympia) ?

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On pourrait continuer à faire des dates, notamment grâce à l’effet Molière [en mai dernier, il a obtenu le Molière de l'humour 2017 – NDLR], mais comme j’ai eu des propositions théâtrales et comme il y a des choses qui commencent à se passer au cinéma pour moi… Et puis il faut bien que je dise au revoir à ce spectacle à un moment ! Je vieillis plus vite que lui, qui lui est très ancré dans une période quasi post-adolescence de ma vie ; je commence à perdre mes cheveux et à avoir du cholestérol... Il faut quand même que je passe à autre chose !

Vous l’aurez donc joué pendant quatre ans, avec un succès qui a été très rapide…

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Les gens disent souvent que ça a été fulgurant mais moi je n'ai pas eu de vertige. Ça s'est passé par étapes. J'ai vraiment de la chance. Ça n'a pas été laborieux. Le spectacle est aussi arrivé au bon moment. Quand j'ai commencé à le jouer, je me rappelle que tout le monde commençait à se lasser du Jamel Comedy Club avec des personnes sur scène qui n'étaient pas acteurs, avec un texte pas précis... Ça s’essoufflait. Et les gens me disaient : ah, un comédien avec un texte qui a l'air un peu chiadé, ça fait du bien !

Ce texte a-t-il changé en quatre ans, peut-être pour ne pas vous ennuyer ?

Ah non, et je ne me suis jamais ennuyé. Je suis toujours content de le retrouver. Je m'amuse comme un petit fou même si je ne le pensais pas au début. Je me disais que les seuls-en-scène m'avaient fait rêver quand je voyais Robin, Palmade mais que ce serait peut-être pour moi l'angoisse, la solitude, que j'allais chercher mes partenaires, que je n'allais pas aimer ça et ne le jouer peut-être que deux fois.

C'est un spectacle dont on a beaucoup entendu parler mais duquel il y a très peu d'extraits vidéo. Avez-vous, avec votre équipe, cherché à le protéger ?

Oui. Tu te fais vite déposséder d'un spectacle et après, sur internet, tu peux quasiment le reconstituer. En plus, les vidéos donnent une fausse idée. Et j'aime bien que les gens ne sachent pas ce qu'ils vont voir. Je n'ai pas réussi à garder la nudité secrète même si j'aurais bien aimé.

Le spectacle a eu un tel succès peut-être parce que ce n’est pas qu’un spectacle d’humour. Il ne suffit pas d'avoir des blagues en stock, l'occupation d'un plateau ne s'invente pas...

Je suis content de voir qu'il n'y a pas que les gens de théâtre qui le disent. Moi ça me rend fou que des gens montent sur scène sans que ce soit leur métier. Je ne suis pas un ayatollah, je ne veux pas qu'il y est des cartes professionnelles délivrées mais ça ne me viendrait pas à l'idée d'aller opérer un cheval en disant au vétérinaire que ça ne doit pas être bien dur. J'ai été un peu élevé dans l'idée que la scène était un lieu sacré. Je n'y monte jamais avec mes chaussures de ville. Je n’aime pas qu'on bouffe sur le plateau, qu'on y laisse traîner des trucs. C'est un endroit un peu protégé. Alors quand je vois un type ou une fille qui monte sur scène sans savoir faire, ça me fait chier.

C'est pour ça que l'étiquette humoriste ne me va pas. C'est une qualité d'être rigolo. Et j'ai plein de copains qui sont rigolos, peut-être bien plus que moi dans le salon en buvant des bières, et pourtant ils ne montent pas sur scène car ce n'est pas leur métier. Il ne s'agit pas simplement d'être drôle. Sur scène, il faut être comédien.

Désormais, c'est le cinéma qui se profile pour vous. Quels sont ces nouveaux projets ?

Je commence dans un film de Marie-Castille Mention-Schaar (réalisatrice du Ciel attendra), c'est un film choral. Je suis le fils de Nicole Garcia. Il y a Clotilde Courau, Gustave Kervern, Carmen Maura. On a tous six jours de tournage. Puis il y a deux autres films : un écrit par Camille Chamoux réalisé par Patrick Cassir avec Camille Cottin, Jérémie Elkaïm et Jonathan Cohen ; puis un film avec Josiane Balasko en janvier.

Et je serai au Théâtre de la Porte Saint-Martin (Paris) dès le 16 janvier dans Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux mis en scène par Catherine Hiegel avec Nicolas Maury et Clotilde Hesme. Je suis content de jouer un texte qui n'est pas le mien car je ne me considère pas comme un bon auteur, je me mets même tout en bas de la liste. À force, les gens vont croire que je me surkiffe comme auteur alors que pas du tout. Les grands textes me manquent.

À la télévision, chez Yann Barthès cette saison encore, on a le sentiment de voir le versant politique de votre personnalité. Comme lorsque vous vous affirmez homosexuel. C'est un détail, pas un étendard, et en même temps une politesse vis-à-vis des spectateurs : voilà qui vous êtes…

Ah j'adore ça, ce que vous venez de dire. C'est-à-dire que ce n'est pas un effort de ma part ni une revendication mais j'ai envie d’être honnête. Comme la télévision n'est pas mon métier, que je ne veux pas que ça prenne le pas sur le reste, que je le fais comme une récréation, je veux le faire avec le minimum de contraintes. J'ai envie d'être sincère et c'est dur à la télévision car c'est un format qui fait vite dire ce que qu'on n'a pas envie de dire ; or je ne veux pas cacher mes agacements. En fait je m'amuse.

Sur l'homosexualité, quand je dis que Xavier Dolan est beau, je ne veux pas me demander ce que les gens vont en penser... Ce n'est pas mon métier donc je me dis « détends-toi ». Sur la politique, c'est un peu piégeant. Quand je me suis retrouvé face à des gens du Front national, je me suis dit que je ne pouvais pas être dans un rire de connivence car je me sentirais trop mal. Dès que tu acceptes d'être face des gens comme ça, ça devient politique malgré soi. Sur les Bios interdites de Canal +, on a peut-être réussi un petit truc : confronter les gens à leur autodérision et à leur masque médiatique, à leur discours, au fait qu'ils étaient plus rodés que moi. J'étais un puceau naïf et candide et eux n'ont pas l'habitude de ça.

Vincent Dedienne – S’il se passe quelque chose
Aux Pathé Chavant et Échirolles jeudi 12 octobre à 20h

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