Roukiata Ouedraogo : « Je ne suis pas une humoriste, je suis une raconteuse d'histoires drôles »

Je demande la route

La Faïencerie

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Humour / Quelle excellente surprise que ce "Je demande la route", seule-en-scène dans lequel la comédienne burkinabée Roukiata Ouedraogo, médiatisée notamment pour ses chroniques sur France Inter, revient sur son riche parcours de jeune écolière en Afrique devenue artiste en France. Original, drôle, très précis théâtralement : voilà là l’un de nos coups de cœur humour de la saison, à découvrir vendredi 5 octobre à la Faïencerie de La Tronche.

D’où vient l’expression Je demande la route qui a donné son nom au spectacle ?

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Roukiata Ouedraogo : C’est une tradition qu’on pratique au Burkina Faso et dans quelques autres pays d’Afrique de l’Ouest. C’est une façon très polie de quitter son hôte avec sa bénédiction. Vous, quand vous voulez partir, vous dites que vous allez prendre la route. Nous, on la demande, et trois fois même !

La première fois, l’hôte entend mais ne dit rien ou dit seulement "ah oui, d’accord". La deuxième fois, il dit "ah oui c’est vrai, mais bois un peu d’eau avant", et tu restes encore un peu. La troisième fois, il te donne enfin la route, avec sa bénédiction, ce qui est très important car nous, quand on voyage, on n’a pas d’assurance maladie, d’assurance rapatriement et tout ça !

Un spectacle qui, comme vous venez de le faire, joue avec les différences entre les deux cultures sans pour autant les hiérarchiser…

C’est exactement ça ! Je voulais que tout le monde en prenne pour son grade tout en ne vexant personne. Juste dire qu’on est tous pareils, qu’on peut tous rire ensemble avec bienveillance et dans le respect de chacun. J’essaie ainsi de casser les clichés qu’on a sur les Africains comme sur les Blancs…

Le spectacle est très drôle, même s’il aborde aussi des thèmes difficiles, comme la solitude de l’exilée ou l’excision…

Je pense qu’avec l’humour – et l’amour d’ailleurs –, on peut vraiment parler de tout. Je ne suis pas une humoriste, je suis une raconteuse d’histoires drôles. J’essaye de transformer les choses de la vie, simples ou difficiles, en choses drôles plus facilement entendables. Mon seule-en-scène se veut joyeux tout en disant des choses importantes et profondes. Ce n’est pas seulement moi et mon nombril !

L’excision, par exemple, c’était essentiel que j’en parle car moi-même j’ai subi cette abomination qu’il faut combattre. J’aborde aussi, par exemple, la perte de mon père et de mon grand-frère, ce qui touche certains spectateurs qui ont aussi perdu des proches et qui viennent me le dire après le spectacle.

Quand vous arrivez en France en 2000, ce n’est pourtant pas avec l’idée de devenir comédienne comme vous l’expliquez sur scène…

Oui, je suis arrivée en France à 20 ans pour faire du stylisme. Mais j’ai été découragée par une conseillère d’orientation qui m’a tout de suite dit que ce ne serait jamais possible vu mon parcours. Et je lui ai fait confiance comme je ne connaissais pas ce pays.

J’ai alors fait d’autres choses : du social, j’ai été caissière, femme de ménage, éducatrice dans des centres sociaux… Tout un tas de petits boulots pour vivre et, surtout, envoyer de l’argent à ma famille. Puis j’ai fini par trouver un travail stable dans le maquillage.

Comment est arrivé le théâtre dans votre vie ?

À l’époque, j’avais envie de m’exprimer mais je ne savais pas par quoi passer. J’écrivais des poèmes qui parlaient de solitude, du fait d’être une femme seule loin de sa famille… Ça m’a aidée, surtout que j’avais des difficultés à parler.

En 2007, j’ai fait un stage de prise de parole au Cours Florent [prestigieuse école de théâtre privée à Paris – NDLR] pour remédier à ce problème et être à l’aise en public. Et là, mon professeur et d’autres élèves m’ont incitée à continuer dans cette voie. Je suis alors rentrée au Cours Florent. Et je peux le dire maintenant : le théâtre m’a sauvée !

Pourquoi, à la sortie de l’école, avoir tout de suite choisi la forme du seule-en-scène ?

Parce que c’était la plus facile. Lorsque j’ai quitté le Cours Florent, j’ai eu du mal à trouver du travail en tant que comédienne. Je passais des castings mais ça ne marchait pas du tout, comme il n’y a pas beaucoup de rôles en France pour les femmes noires. Du coup, j’ai écrit moi-même un seule-en-scène, qui s’appelait Yennenga, l'épopée des Mossé, comme c’est plus simple économiquement de travailler seule ! Puis je les ai enchaînés !

Je demande la route
À la Faïencerie (La Tronche) vendredi 5 octobre à 20h30

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