Un entretien

Hervé Tullet est l’invité d’honneur de la Fête du livre jeunesse qui se déroulera à Villeurbanne samedi 30 mars et dimanche 1er avril. Entretien avec l’auteur de «Un livre», un ouvrage ludique qui a séduit des centaines de milliers d’enfants… et leurs parents. Propos recueillis par Dorotée Aznar

D’où venez-vous Hervé Tullet ? Avez-vous toujours été illustrateur ?
Hervé Tullet : J’étais directeur artistique dans la publicité, dans les années 80. J’ai arrêté ce métier en 1994, pour devenir illustrateur. En fait, j’ai arrêté la pub à la naissance de mon premier enfant.

Pourquoi avoir choisi l’illustration jeunesse ?
J’ai fait un livre pour enfants pour essayer, parce que c’était à la mode. Et finalement, j’en ai fait 70 ! Mais je crois que mon premier livre explique tout le reste, qu’il a installé tout ce qui a suivi : l’interactivité, le jeu avec les parents, tout y était !

Devenir illustrateur alors même que vous n’étiez pas dessinateur était-il complexe ?
Au départ, je me sentais un peu comme un imposteur, c’était difficile à gérer. Quand je rendais un dessin à mon éditeur, je lui en donnais dix versions et je lui laissais le choix ! Mais en fait, ne pas être dessinateur, c’était aussi ma chance ; j’ai développé mes propres techniques, comme la pratique du dessin rapide !

Vous publiez des ouvrages à un rythme très soutenu !
Petit à petit, un rythme et une pratique se sont installés. J’ai publié environ cinq livres par an. Et j’ai commencé à aller faire vivre les livres dans les écoles et, peu à peu, un véritable engagement est né.

Au départ, votre démarche pouvait ressembler un peu à du «marketing»…
Oui, mais l’engagement est venu très vite. Dès 1999, j’ai eu envie de casser les codes traditionnels d’intervention en milieu scolaire. La reconnaissance est venue assez vite et cela m’a donné beaucoup de liberté. Aujourd’hui, j’en profite pour militer pour la présence d’artistes dans les écoles, notamment dans les quartiers difficiles.

Comment travaillez-vous ?
J’ai peu de relations avec les autres illustrateurs. Je travaille seul chez moi. Et je voyage beaucoup.

Un livre s’est vendu à 400 000 exemplaires. Parlez-nous de ce succès.
Un livre, c’est une sorte d’apothéose ! C’est un ouvrage qui a effectivement connu un succès hors norme, qui a été traduit en vingt-cinq langues et qui, me semble-t-il, a donné une nouvelle vision de mes ouvrages précédents, qui devenaient soudain compréhensibles ! Je pense que je suis vraiment un privilégié dans le monde de l’édition, je vis quelque chose d’assez «monstrueux».

Cherchez-vous à séduire les parents quand vous réalisez un ouvrage ?
Absolument pas ! On ne vend pas un livre à des parents, mais à un éditeur. Pour ma part, j’ai eu la chance d’avoir des éditeurs qui m’ont fait confiance. Quand je fais un nouveau livre, je n’ai qu’un seul impératif : qu’il soit différent de tout ce que j’ai fait précédemment. Mon public, ce sont en premier lieu les enseignants, les bibliothécaires et éventuellement les libraires. Les parents, ils n’y connaissent rien ! Quand ils veulent être conseillés, ils vont dans les bibliothèques ou dans les librairies. Ce sont ces professionnels qui me donnent le sentiment d’être un auteur et l'envie de continuer.

La littérature jeunesse française est-elle créative, selon vous ?
C’est en France que tout se passe pour la littérature jeunesse. Le cliché de la littérature jeunesse anglo-saxonne à la pointe a vécu, la littérature jeunesse française est de loin la plus créative !

Quels sont les rapports entre la littérature jeunesse et la littérature «classique» ?
Je pense que ces deux milieux sont imperméables l’un à l’autre. Pour ce que j’en connais, le monde de la littérature jeunesse est très agréable, il y a une énergie commune même si les pratiques sont très différentes. Je dirais qu’il y a très peu de connards en littérature jeunesse, l’engagement est toujours présent, au-delà des œuvres produites (qui ne sont pas toutes d’une grande qualité !). La littérature jeunesse, ce n’est pas un panier de crabes !

Cette année, la Fête du livre jeunesse s’intéresse notamment à l’avenir du livre jeunesse et aux enjeux du livre numérique. Vous avez récemment lancé une application pour Ipad à partir de Un livre, pourquoi ?
C’est très simple, si les auteurs lancent des applications, c’est pour répondre à une logique de marché ! Au départ, je me sentais ridicule de lancer cette application… Et puis, j’ai beaucoup travaillé, j’ai également fait travailler mes enfants. Finalement, je pense que l’application est réussie parce qu’elle ne copie pas le livre mais qu’elle suit la même logique : il n’y a aucun mode d’emploi. Je refusais de faire une appli qui fait pouet-pouet et pin-pon quand on voit un camion de pompiers !
Pour les applis, il faut désormais laisser faire le temps, on verra dans dix ans si j’ai été un précurseur ou non. Mais je ne suis personnellement pas certain de la longévité de ces outils…

 

Fête du livre jeunesse de Villeurbanne :

• 5 jours de rencontres, d’expositions, de spectacles, de débats
• 20 000 visiteurs attendus
• un thème en 2012 : Couleurs !
• une cinquantaine d’auteurs et illustrateurs invités
• une journée professionnelle (vendredi 30 mars)

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