Effeuillage de rentrée

Au milieu des 646 nouvelles parutions de cette rentrée littéraire et après le Goncourt 2011 qui consacra L’Art français de la guerre d’Alexis Jenni, les auteurs lyonnais et rhônalpins font encore parler d’eux. Qu’ils soient nouveaux venus, tel Andréas Becker, ou des auteurs confirmant leur talent, à l’image d’Emmanuelle Pireyre dont le nouveau roman est en lice pour le prix Médicis, les écrivains régionaux livrent quelques-unes des parutions les plus originales. Petit tour d’horizon. Gaël Dadies

À chaque rentrée littéraire, le rituel est immuable : d’août à octobre, les vitrines et les présentoirs des libraires croulent sous des tombereaux de romans dont la plupart, et cela n’est un secret pour personne, passera totalement inaperçue au milieu de cette pléthore de parutions. C’est à se demander si pendant l’été les imprimeries ne tournent pas plus que les planches à billets. Comme toute rentrée littéraire, celle de cette année de déroge pas à la règle avec ses 646 nouveaux titres soit, après calcul, plus d’un roman et demi par jour à lire. Sans compter les livraisons de janvier.

Dur d’échapper à la ponte annuelle d’Amélie Nothomb, coïncidant cette année avec ses 20 ans de carrière, au retour de Christine Angot ou aux brouettés de publications estampillées «Galligraseuil». Si Richard Millet, éditeur de L’Art français de la guerre, a focalisé l’attention en jouant la carte de la provocation nauséabonde, de jeunes écrivains parviennent à tirer leur plume du jeu,  comme Mathias Enard (Rue des voleurs, Actes Sud), Jérôme Ferrari avec son second roman Le Sermon sur la chute de Rome (Actes Sud), Lucile Bordes proposant Je suis la marquise de Carabas (Editions Liana Levi) ou encore Julia Deck, pour son premier roman Viviane Elisabeth Fauville (Editions de Minuit).

La Part du Lyon

Avec l’obtention du prix Goncourt par Alexis Jenni l’année dernière, Lyon s’est refait une place sur la scène littéraire. Dans cette grande nébuleuse, certains auteurs lyonnais et régionaux apportent leur pierre à l’édifice. Honneur aux dames avec L’Ardeur des pierres, (Actes Sud) cinquième roman de Céline Curiol. En allant au Japon pour ses vacances, une française va tisser un double lien entre deux hommes vivant dans le même immeuble. Dans un récit en finesse et subtilité, l’auteure nous invite à pénétrer des jardins aux pierres sacrées, des kamo-ishi, et se demande comment l’imaginaire peut-être stimulé par l’inconnu. La Féerie générale d’Emmanuelle Pireyre (Editions de l’Olivier), sélectionnée pour le prix Médicis, jette un regard aiguisé sur les consciences européennes de ce début de XXIe siècle sous la forme d’un livre assez expérimental aux titres de chapitres programmatiques : «Comment faire le lit de l’homme non schizoïde et non aliéné ?», «Le tourisme représente-t-il un danger pour nos filles faciles ?» ou encore «Friedrich Nietzsche est-il halal ?». Sur un mode drolatique et décalé, Emmanuelle Pireyre brosse le portrait de personnages nourris de cette vision grinçante du monde pour mieux en relever les aberrations. Un repas en hiver de Hubert Mingarelli, se situe dans la campagne polonaise durant la Seconde Guerre mondiale. Trois soldats allemands rêvant de leur retour à la vie civile et lassés par les «fusillades» (lire ici exécutions sommaires de juifs), partent à la recherche d’une nouvelle victime à présenter à leur supérieur. Le repas que ces trois hommes vont partager avec un jeune juif débusqué plus tôt et un Polonais de passage à l’antisémite féroce, va réveiller chez ces soldats une certaine fraternité à l’égard de leur prisonnier. Dans ce roman très court et sobre, l’auteur des Quatre soldats, prix Médicis 2003, nous confronte à ce soupçon d’humanité subsistant au milieu de la folie meurtrière.

L’écriture par les tripes

Continuant à «visiter les enfers» à la manière d’un Georges Bataille où l’individu, par la transgression et la perversion, peut s’extirper de toutes les conventions morales et sociales pour enfin s’affirmer au monde, Robert Alexis publie chez José Corti Les Contes d’Orsanne. Un narrateur, au cœur de trois courts récits à trois époques différentes relate son expérience de sa présence au monde, de son intériorité et ses illuminations offertes par la sexualité. Mais s’il y a bien un roman particulièrement marquant, c’est bel et bien L’Effrayable (La Différence) d’Andréas Becker. Du fin fond de sa cellule, dans un hôpital psychiatrique, Angélique qui «dans les temps [a] eu-t-été une petite fille, une toute petite fillasse», raconte son histoire. Une histoire hantée de visions de violences, de viols et de meurtres. Une histoire l’ayant rendue complètement folle et qu’elle raconte sans nous épargner les divers traumatismes l’ayant mené à ce dédoublement de personnalité. Mise à mal, torturée et déformée afin de rendre la folie de son personnage, la langue d’Andréas Becker, de laquelle transpirent toutes les douleurs confinant à l’indicible, nous agrippe par les tripes et nous entraîne dans les profondeurs caverneuses de l’esprit d’un aliéné. Une première vague en attendant la rentrée de janvier.

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